Tout va très bien, Madame la Marquise !

Le gouvernement vient de l’annoncer. Le 12 mars, l’heure nationale sera avancée de soixante minutes.

C’est la réalisation majeure de nos gouvernements depuis des années. Il faut dire aussi que dans nos pitreries politiques, ce changement d’heure a une couleur politique.

Il y a lieu cependant de féliciter les responsables gouvernementaux qui sortent un communiqué pour annoncer ce changement d’heure dans la situation de crise où nous sommes.

C’est une mesure qui soulagera nos citoyens dans le chaos meurtrier dans lequel ils se trouvent. Des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants sont obligés de fuir leur demeure à cause de l’avancée en toute impunité des bandits. Des écoles rançonnées et menacées par des voyous armés ferment leurs portes. On tue et on viole dans les quartiers populaires. Médecins sans frontière plie bagages à Cité Soleil. Le kidnapping fait rage. Les entreprises ne peuvent plus fonctionner. On emprunte une route nationale à ses risques et périls. La corruption gangrène la société et l’administration publique. L’inflation étrangle classes moyennes et classes populaires. Silence du gouvernement !

Le gouvernement se manifeste cependant en prenant une mesure qui prouve son efficience et l’intérêt qu’il porte à la population souffrante. Il change l’heure.

Nos dits dirigeants continuent à implémenter un nouveau type de gouvernance qui devrait être enseigné dans des écoles de bouffons.

On devra de toute manière aller aux élections et les citoyens, s’ils veulent que quelque chose change dans ce pays devront s’organiser pour porter aux commandes d’autres femmes, d’autres hommes ayant une conception tout à fait autre de la gestion de la chose publique. Ce sera difficile pour plusieurs raisons. Premièrement, il faut qu’on comprenne que le système profitant de la précarité généralisée  a façonné les cerveaux et les mentalités pour la permanence de la médiocrité, et la pratique à grande échelle de la corruption. C’est la lutte à mort dans le panier à crabes, le chacun pour soi, le croc-en-jambe comme arme principale, le mensonge, l’imposture, dans le seul but de s’en sortir individuellement. On apprend à tenir des discours, à avoir des postures qui cachent un objectif toujours assassin pour la nation. La communauté internationale s’investit toujours pour que le pays patauge dans sa boue, mais pas seulement les étrangers, les nationaux aussi qui ont acquis l’expertise de profiter de la fange pour obtenir de l’or.

Pour revenir à la question du changement d’heure, l’une des rares réussites dont peuvent se prévaloir nos dirigeants, on est encore toujours dans le déni de la réalité. Des écoliers devront prendre le chemin de l’école, si école il y a dans ce climat d’insécurité, alors que la nuit n’a pas encore totalement livré passage au jour. La police n'est alors souvent pas présente dans les rues, mais ceux qui prennent les décisions n’ont parfois pas leur famille dans le pays et se croient protégés souvent avec des gardes du corps qui gagnent une pitance et qui s’évaporeront à la première alerte sérieuse. L’ancien président Jovenel Moise, paix à son âme, de là il se trouve, en a fait la mortelle expérience. Mais les fous ne tirent jamais des leçons des expériences vécues.

Pour la plupart de nos dirigeants, il suffit qu’on puisse bouffer vant deboutonnen, qu’on boive sans craindre une pénurie à la cave,  qu’on fornique avec la certitude qu’il y aura toujours de fesses demanderesses, et… tout va très bien Madame la Marquise.

 

Gary VICTOR

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES