Un vaccin efficace ?

Le vaccin BNT162b2 anti-coronavirus mis au point par le fabricant pharmaceutique américain « Pfizer » et la société allemande « Biontech » est-il sans faille ? Dans une contribution publiée dans une revue allemande, Julia Merlot (32 ans), journaliste scientifique et auteure, présente les réserves de certains chercheurs.

L’Union européenne vient de commander 300 millions de doses. Pfizer et Biontech prévoient de demander l'approbation de la FDA américaine dans un avenir proche. Selon les premières évaluations rendues publiques par les deux firmes, le vaccin offre une protection de plus de 90 % contre la Covid 19. Aucun problème de sécurité, selon le groupe d'experts indépendants qui a suivi l'essai, le Comité de suivi des données (DMC).

Il y a une grande euphorie dans la communauté professionnelle. L’espoir semble permis. Cependant, il existe encore quelques restrictions, que la journaliste scientifique Julia Merlot a cosignées dans un article paru dans la revue hebdomadaire « Der Spiegel » du 10 novembre dernier.

Parmi les quelques questions ouvertes, la reporter reprend celle de Marylyn Addo, chef de la section de médecine tropicale à l'hôpital universitaire Eppendorf (UKE) de Hambourg, qui fait des recherches sur un autre vaccin contre la Corona. Par exemple, elle fait remarquer que « les données de l'étude ne sont pas encore publiques et ne peuvent donc pas être évaluées par des experts indépendants ».

« Il reste à voir si le vaccin est aussi efficace dans différents groupes de population, en particulier dans les groupes à risque comme les personnes âgées », a déclaré Leif-Erik Sander, chef du groupe de recherche « Infection, immunologie et recherche vaccinale » à l'hôpital de la Charité à Berlin (Allemagne). Il paraît que seules les données non encore publiées de l’étude pourraient fournir une indication sur ce point. Or ce n’est pas encore le cas.

Dès que le protocole de l'étude (c'est-à-dire le calendrier de l'étude que Pfizer, Biontech et d'autres entreprises avaient publié à l'avance) a été connu, des critiques ont été formulées selon lesquelles « les personnes infectées présentant des symptômes relativement légers ont été comptées comme des cas dans l'étude ». Apparemment il ne devrait pas en être le cas. Donc, selon Merlot, en raison de cela, il s’avère « plus difficile d'évaluer dans quelle mesure le vaccin prévient les infections à évolution grave ». Elle relève en outre que l'étude ne révèle pas non plus « combien d'infections asymptomatiques le vaccin prévient ».

« Nous ne savons pas si on peut être infecté de manière asymptomatique », a aussi écrit Florian Krammer (Icahn School of Medecine de l’hôpital Mount Sinai aux États-Unis), même s’il s’est pas longtemps exclamé sur sa page Twitter que ce vaccin est « la meilleure nouvelle qu’il ait eue depuis le 10 janvier ». Il estime que ceci pourrait être important à long terme pour réduire la transmission, mais pas nécessaire pour protéger les personnes à risque des conséquences graves de la maladie. « Actuellement, même un vaccin offrant une protection de 50 % contre les maladies graves serait une bonne nouvelle », poursuit l'expert. Il affirme que bien qu'un tel vaccin ne permette pas d'obtenir une immunité collective, les conséquences de la propagation du virus pourraient au moins être considérablement atténuées.

Autre réserve : on ne sait pas encore très bien combien de temps la protection du vaccin dure et dans quelle mesure la vaccination est réellement sûre. C’est Leif-Erik Sander (Hôpital Charité de Berlin) qui le fait remarquer. Même si l'entreprise certifie qu’il n'y a pas d'effets secondaires liés à la sécurité, ce scientifique trouve toutefois « encore trop courte » la période d’observation des effets secondaires pertinents de la vaccination.

« Il n’y aura pas assez de doses ! »
Quant à la fin de l'essai, elle est vivement attendue. Selon le protocole, l'étude de Pfizer et Biontech ne prend fin que lorsqu'il y aura un total de 164 cas de Corona parmi les volontaires et un maximum de 53 de ces cas parmi les personnes vaccinées. Cela correspondrait, précise-t-il, à une efficacité d'environ 52 %.

Plus loin, Merlot évalue le problème des évaluations intermédiaires. « Moins il y a de cas de Corona dans une étude d’efficacité, plus l’influence du hasard sur le résultat est grande. Cela augmente le risque que l’efficacité ne soit pas confirmée après l’approbation », estime-t-elle. Pour appuyer son analyse, elle rappelle que Biontech a admis dans sa communication que « pendant l’étude en cours, il peut y avoir des fluctuations dans la valeur de l’efficacité du vaccin ».

Merlot estime que compte tenu de l'efficacité de 90 % prouvée jusqu’à présent, il est « très peu probable que le vaccin se révèle totalement inefficace d'ici la fin de l'étude ». Pour elle, il est clair que plus un vaccin est efficace, plus rapidement cela devient visible dans les études. À la fin de l'étude, 70 cas de coronavirus sont toujours manquants dans l’étude, et une grande partie devrait être vaccinée afin de remettre en question l'efficacité d'au moins 50 %.

Au départ, Pfizer et Biontech avaient prévu de procéder à une première évaluation intermédiaire après seulement 32 cas de Corona dans le groupe d'étude. Mais cette situation a fait l'objet de critiques vives. « À l'époque, les données auraient été beaucoup plus incertaines qu'aujourd'hui », révèle Merlot. En consultation avec la FDA, Pfizer et Biontech ont décidé de sauter l'analyse intermédiaire après 32 cas. Une première analyse devrait ensuite avoir lieu après 62 cas. À la fin des discussions, le nombre de cas était déjà de 94. Un pourcentage plus que nécessaire. Toujours est-il que les sujets de l'étude seront suivis pendant deux ans après la fin de l'étude, apprend-on aussi.

Selon Merlot, aucun agent comparable n'a jamais été approuvé. « Les vaccins à ARN comprenant le BNT162b2, sont une invention relativement récente de la biotechnologie », rappelle-t-elle avant de montrer le fonctionnement du vaccin en question. Le mode de fonctionnement de base repose sur l'introduction d'une partie du schéma génétique du virus dans l'organisme. « Les propres cellules de l'organisme produisent alors une protéine virale. Cela stimule le système immunitaire à produire des anticorps contre cette protéine et donc contre le virus. »

Dans le cas du vaccin BNT162b2, le schéma de la protéine de surface, avec laquelle le virus Corona pénètre dans les cellules, est introduit dans l'organisme, précise l’experte. Les anticorps dirigés contre cette protéine pourraient intercepter le virus avant qu'il n'entre dans les cellules.

Un autre souci concerne sa distribution. La question se pose alors de savoir comment un éventuel vaccin doit être distribué et, surtout, à qui il doit l'être en premier. On pense que dans un premier temps, il n'y aura pas assez de doses de vaccins pour atteindre la population générale.

Huguette Hérard

N.D.L.R.
(1) Née en 1988, Julia Merlot a étudié le journalisme scientifique à Darmstadt. Elle a travaillé dans plusieurs médias dans la rubrique scientifique. Auteure de la série « Mythes et médecine » au « Spiegel », il est depuis mars 2014 rédactrice au sein du département scientifique de « Spiegel Online et depuis septembre 2019 rédactrice au sein du département scientifique de « Spiegel ».

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