À quel pourcentage les vaccins protègent-ils contre le variant Delta ?

Que veulent dire les scientifiques lorsqu’ils affirment que les vaccins protègent contre le dernier mutant du coronavirus ? Klaus Wedekind, journaliste scientifique, à la chaîne de télévision allemande « ntv » (1) explique ce que l’on entend par là en se référant aux diverses études réalisées sur l’efficacité des différents vaccins actuellement administrés.

Si toutes les autres variants du virus Corona sont en retrait, le variant Delta (B.1.617.2) se propage rapidement. Selon le rapport du Robert Koch Institut, les laboratoires ont signalé six cas au cours de la troisième semaine d'avril, 49 deux semaines plus tard. À la mi-mai, 94 nouvelles infections par le Delta ont été dénombrées, 377 au cours de la première semaine de juin et 1 400 la semaine dernière. Quant au Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), il estime dans son rapport sur l’état des menaces que le Delta atteindra une part de 90 % dans toute l'Europe d'ici la fin du mois d'août. Cette variante est, selon cette agence, 40 à 60 % plus contagieuse que le mutant Alpha (B.1.1.7).

Klaus Wedekind se réfère ensuite à l’étude préliminaire de l'autorité sanitaire britannique PHE, pour affirmer que les personnes vaccinées ont une protection de 80 % contre le variant Delta et 88 % contre Alpha. Avec une seule dose, la protection chute bien évidemment à environ 30 à 40 %.

L’auteur cite Allison Arwady (chef du service de santé de Chicago) qui a récemment déclaré que, selon une étude récente, l'efficacité du vaccin à ARNm de Pfizer/Biontech contre le Delta était de 84 %. Il fait aussi part d’une étude écossaise publiée le 14 juin selon laquelle le vaccin n'agit qu'à 79 % contre le nouveau variant. En revanche, le directeur médical de Pfizer, Alon Rappaport, a récemment déclaré que le vaccin prévient à environ 90 % la maladie découlant du variant « indien ».

Moderna et Pfizer « légèrement meilleurs »

Moderna a publié lundi sa propre étude préliminaire montrant que son vaccin à ARNm produit 2,1 à 3,2 fois moins d'anticorps neutralisants dans le cas du Delta que dans celui du type sauvage. Le fabricant fait savoir dans son communiqué de presse qu'il ne s'agit que d'une « réduction modérée ».

Sur la base d'une étude à long terme menée par l'University College de Londres évoquée par Wedekind, le vaccin de Moderna, comme celui de Biontech/Pfizer, semble toutefois avoir conservé un niveau de protection élevé. Selon l'étude « legacy » (Long-term Effects of Goal-directed Weight Management in an Atrial Fibrillation Cohort), ce vaccin a réduit de 5,6 fois le nombre d'anticorps dans le sang. Le vaccin Moderna protège au moins aussi efficacement contre le variant delta. « La réduction des titres d’anticorps est probablement la raison pour laquelle deux doses sont nécessaires pour un bon effet protecteur, indique Wedekind. Cela compense le nombre inférieur d'anticorps formés. »

Mais pour le vaccin vectoriel d'AstraZeneca, c’est moins bien. Selon l'étude « legacy », les anticorps n'ont pu être détectés que chez 62 % des personnes entièrement vaccinées, alors que l’on peut le faire avec 95 % de celles qui ont reçu BioNTech/Pfizer.

Dans un communiqué de presse, AstraZeneca souligne toutefois une autre étude préliminaire de l'EPS qui indique que le vaccin a fourni une protection de 92 % contre les formes graves avec hospitalisation, même avec le mutant Delta après la deuxième dose.

Pour l’auteur, en termes d'efficacité, les vaccins à ARNm de Biontech/Pfizer et Moderna sont « encore légèrement meilleurs », Biontech ayant atteint 96 % dans la pré-étude PHE. « Mais il est de toute façon difficile de comparer l'efficacité des vaccins sur la base de pourcentages, estime toutefois le reporter. Cela commence par le fait que de nombreuses personnes ne savent pas en quoi consiste l'efficacité revendiquée lorsque les substances sont approuvées. »

Que signifie 90 % d’efficacité ?

Si un vaccin est efficace à 90 %, cela ne signifie pas que seulement 90 % des personnes vaccinées sont protégées et que les 10 % restants ont reçu les deux injections pour rien. Une efficacité de 90 % signifie que « pour tous ceux qui sont entièrement vaccinés, le risque de contracter les symptômes de la maladie est réduit de cette valeur par rapport aux personnes non vaccinées », explique Wedekind.

Le journaliste scientifique explique que pour déterminer l'effet protecteur, les participants à l'étude (phase 3) sont divisés en deux groupes de taille égale. Dans le cas du vaccin de BioNTech, par exemple, 43 500 personnes âgées de 12 à 91 ans étaient concernées. Une moitié a été vaccinée, l'autre a reçu un placebo. Après un certain temps, on détermine le nombre de personnes de chaque groupe qui tombent malades. Cela inclut également les évolutions totalement inoffensives, chaque infection compte. Une efficacité de 90 % signifie que le groupe de vaccinés par rapport aux non-vaccinés comptait 90 % de malades en moins.

« Les valeurs en pourcentage des vaccins ne sont pas comparables pour deux raisons différentes : tout d'abord, il faudrait que tous les vaccins soient testés sur les mêmes participants à l'étude. Deuxièmement, il faudrait que les mêmes conditions prévalent », fait remarquer Wedekind. En plus, les études ont eu lieu à des moments différents dans différentes parties du monde.

De fait, il est tout aussi difficile de déterminer avec précision l'effet réduit sur le variant Delta, reconnaît-il. « Mais il est important de noter qu'une baisse de 95 à 90 ou 80 pour cent n'est pas une catastrophe. Après tout, cela signifie qu'il y a plus d'infections ». Cependant, comme le montre le préprint du PHB utilisé par AstraZeneca, les vaccins protègent toujours très bien contre l'hospitalisation après la deuxième dose de vaccination, les trois vaccins réduisant le risque de maladie grave de plus de 90 %. Et même si cela arrive, le risque de mourir à l'hôpital est extrêmement faible.

Cependant, l’analyste ajoute « qu’un effet protecteur réduit signifie que le principe de considérer toutes les personnes vaccinées comme complètement immunisées ne s'applique plus avec Delta». Cela veut dire qu’un trop grand nombre d'entre eux peut encore être infecté et continuer à porter le virus. Il prend l’exemple de la Grande-Bretagne où le variant Delta a déjà atteint une part de près de 100 %. Près de 50 % de la population britannique a déjà été vaccinée deux fois, mais le nombre de cas augmente rapidement et l'incidence sur 7 jours est à nouveau supérieure à 200. On est loin d’être sortis de l’auberge.

Huguette Hérard

Référence :
(1) ntv., 1er juillet 2021

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