Des confinés témoignent

Caroline Hahn (39 ans) est Allemande de mère Haïtienne. Elle pense qu'il est juste que les gens restreignent leur mode de vie afin de ralentir la propagation du virus. « Nous avons déjà vu dans d'autres pays à quelle vitesse le système de santé peut atteindre ses limites en cas d'épidémie. » Dans le même temps, elle se demande combien de temps les gens vont devoir se limiter. « Si ce confinement dure 5 semaines, c'est bien, mais 5 mois, ce sera autre chose ». Surtout qu’elle a un petit enfant à la maison. Une situation qu’elle juge « très difficile. » « Pas de terrain de jeu, pas d'autres enfants, pas de grand-mère, pas de cousins et de cousines et pas de possibilités d'excursions comme le zoo, pas de magasins et pas de repas convivial. Je dois constamment dire à l’enfant "Non, ne touche pas" ». C’est frustrant surtout quand on ne sait pas combien de temps on doit renoncer à tout ça.

Comme tout le monde, son mari et elle essaient d'en tirer le meilleur parti. « Nous essayons de rester en contact étroit avec notre famille et nos amis, mais virtuellement. Nous faisons des vidéoconférences avec toute la famille. Les cousins peuvent jouer ainsi ensemble. Nous n'avons jamais fait cela auparavant. »

« Je pense qu'il est juste de limiter le risque d'infection afin que les hôpitaux puissent faire face au nombre de patients. Nous voyons ce qui se passe dans d'autres pays. », nous dit Stefani Boldaz-Hahn, une Allemande d’une quarantaine d’années. Elle vit à Berlin, ville habituellement bruyante. « Larue est devenue un peu plus calme, mais il y a encore des gens qui se rassemblent en groupes, qui conversent ou qui font la queue. »

Ça fait une semaine depuis qu’elle, son mari et ses deux enfants sont confinés. « Jusqu’ici, nous nous en sortons bien. » Habituellement, ils ont toujours des journées très stressantes. Maintenant, celles-ci sont bien plus calmes. Ce qui l’impressionne, c’est la manière dont les enseignants organisent les cours pour ses filles à domicile. « Les enfants reçoivent des devoirs pour une semaine, qu'ils doivent ensuite envoyer par courriel à l'enseignant à un moment bien précis. Tout cela se passe en ligne. Heureusement, l'école était déjà bien préparée. » Mme Hahn-Boldaz juge « très utile » que les enfants aient une routine quotidienne régulière et qu'ils soient occupés à faire quelque chose. La famille s’en tient à cette routine habituelle. Les jours où les enfants auraient eu des cours de sport ou de musique, ses filles font cela à la maison. « Cela donne aux enfants un peu de normalité. »

Pendant que les enfants exécutent les tâches scolaires, la mère utilise ce temps pour faire le ménage à la maison et pour effectuer des tâches pour l'entreprise qu’elle n’a pas pu faire auparavant. « J'ai donc encore beaucoup à faire à la maison. J'essaie d'appeler tous mes amis et ma famille, que je n'ai pas l'occasion d'appeler dans la vie de tous les jours. Je parle à ma mère au téléphone tous les jours. Nous communiquons avec ma nièce de deux ans via Face Time chaque fois que cela est possible, car elle ne comprend toujours pas pourquoi elle n'est plus autorisée à nous rendre visite. Il est important, surtout pour les enfants et les personnes seules de pouvoir voir leurs amis et leur famille. »

Depuis la fermeture des garderies d’enfants, son entreprise et les employés indépendants ont perdu des revenus. Cela l’inquiète. Comme le gouvernement travaille actuellement à une solution pour les petites et moyennes entreprises et pour les indépendants, ceci la rassure un peu.

Son mari travaille à l'hôpital. Le sujet de l'infection par le coronavirus est très présent dans la famille. « Nous en discutons quotidiennement, car nous pouvons l'attraper à tout moment ! ».

Françoise Nefontaine est une Belge d’une soixantaine d’années. Elle habite en dehors de Bruxelles, à Braine-l’Alleud. À cause du confinement, elle ne peut pas voir sa fille et ses petits-fils ni sa marraine pour ces derniers moments. Seuls le fils et la fille de cette dernière sont autorisés à la voir. Mme Nefontaine est triste. Mais elle essaie de prendre ça du bon côté en relativisant. « Mais il y a bien pire. Nous sommes confortablement chez nous et pas de bombes et pas de famine ! ». Elle dit qu’elle essaie de profiter du moment présent, d’apprendre à vivre au ralenti en se basant sur l’essentiel, en oubliant la surconsommation. Elle lit beaucoup.


Elle pense que les gens devraient s’habituer à cette nouvelle façon de vivre en assimilant les règlements imposés. « Ils doivent savoir ce qui est autorisé et ce qui est interdit. » Par exemple, on peut se promener seul ou avec son conjoint, mais on ne peut pas quitter son lieu de résidence, aller dans une autre commune. Dans les petits magasins, il ne doit y avoir qu’un client à la fois. Dans les grands magasins, il faut une permission de 30 minutes maximum pour faire ses courses et un petit nombre de clients autorisés. « Les files prennent beaucoup de temps, dit Neufontaine. On doit respecter une distance d’un mètre cinquante entre les personnes.»


« On se lève le matin et on se couche le soir en se disant chouette un jour de gagné, on n’a pas encore été contaminés ! », confie de Mme Nefontaine. « Nous avons surtout peur pour ceux qu’on aime. »

Par exemple,sa fille Tamara fait du télétravail. Mais elle doit en même temps gérer deux garçons très sportifs et remuants confinés 24 h sur 24 dans un appartement. La grand-mère explique que c’est dur pour Tamara de se concentrer et de faire son travail alors que ses fils se chamaillent. Les enfants en ont assez de ne pas voir leurs copains et de ne plus faire de sport. « Ma fille a très peur pour moi qui suis fragile au niveau cardiovasculaire et pour son père qui est diabétique, car elle craint qu’en cas de contamination nous n’aurons pas droit aux soins de réanimation, car nous avons plus de 65 ans et des pathologies. Elle a peur pour son mari qui, lui, doit aller travailler au bureau. Et ses amies et collègues lui manquent. Elle est très angoissée, plus que moi. ».


Ne plus voir personne déstructure en fait, admet Mme Nefontaine. « Tous les gestes amicaux, de tendresse sont interdits. Expérience bizarre, inédite. » Son mari et elle ont décidé de « banaliser la journée ». « Se lever tôt, s’habiller comme s’ils devaient sortir voir quelqu’un. Lecture, dessin, couture, ménage, cuisiner un bon repas, tant qu’on peut trouver de bons aliments.…Et surtout communiquer par téléphone, mails, WhatsApp, FaceTime pour garder un lien social virtuel. Je n’ai jamais autant tapé de messages sur le clavier de mon portable ! »

Pour le Belge François d'Adesky, c’est une mesure « nécessaire et de bon sens au vu de la virulence de la pandémie. » Mais cela bouleverse nos plans et nos vies. « J’en profite pour faire du rangement (bureau en désordre depuis 5 ans), courrier en retard et pour reprendre des lectures de livres reçus depuis des années. C’est aussi une période de réflexion sur le sens de la vie. »

« Je trouve le confinement très bien. On a pris la décision un peu tardivement », estime l’Italienne Elena Bombace née à Port-au-Prince il y a 58 ans. Elle vit à Charleroi avec son fils de 18 ans. « Il fallait le faire plutôt. Pour le moment ça va, moi et mon fils. Nous nous adaptons bien, car c'est nécessaire ! » Elle espère aussi pouvoir faire des choses en retard chez elle. Par exemple, faire la couture et repriser les chaussettes de son enfant, mettre de l'ordre dans quelques caisses. « Comme nous avons déménagé il y a un an, je pourrais ranger quelques tiroirs et mettre de petits commentaires historiques dans les albums photo ». À la recherche d’emplois supplémentaires, elle essaiera de repérer quelques jobs.

Stefan Zickgraf, Allemand d’une cinquantaine d’années, estime que le confinement est « sans doute nécessaire, même si c’est très handicapant parfois ». Il est juriste, marié et père de deux enfants. Il trouve la communication des autorités plutôt « incomplète ».


« Je trouve la vie devient plus sereine, se réjouit l’Allemande Ursula Engelhardt (58 ans). Et je me sens confirmée dans la manière dont j’ai l’habitude de vivre. Ça a ses avantages pour une fois. J’ai déjà vécu le confinement avant. J’en ai l’habitude ... J’aime le calme pour réfléchir et travailler tranquille chez moi. »


Elle ressent un peu de Schadenfreunde (joie malsaine) en pensant aux riches qui sont toujours en train de bouger tout le temps. « Ils endommagent les vieux sites comme Venise. .. Le business du sport d’hiver. Les gens qui jettent la neige par hélicoptère. Et le business des croisières. C’était devenu trop. Cette perversité. On a exagéré, on a agi contre la nature, juste pour faire de l’argent. »

Pour ce qui est du confinement, il a du mal pour se mettre à la place des gens en France et en Belgique, car en Allemagne on peut encore sortir, sans autorisation. « Le confinement total à la maison sera pénible, car j’ai besoin de l’air frais, surtout que je n’ai pas de balcon ni de jardin. »

Une personne cependant estime qu’on en fait trop. C’est Sonise Delgoffe, 20 ans, Belge d’origine haïtienne. « C’est une maladie comme une autre et la restriction à ce point est de l’abus ! Néanmoins, ça nous permet de travailler sur mon travail de fin d’études. » Le confinement n’est pas dérangeant parce qu’elle n’a plus de cours, mais il l’est parce qu’elle ne peut voir personne.


Huguette Hérard

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