Tout le souhait était que cette maladie ne soit pas introduite en Haïti. Mais hélas, elle est présente sur le territoire et maintenant confirmée par les autorités sanitaires. La maladie circule actuellement sur le territoire haïtien. Depuis plusieurs semaines, dans les rues, le transport en commun, et notamment sur les réseaux sociaux, des membres de la population haïtienne, en Haïti et dans la diaspora, questionnaient la capacité des autorités à assurer la gestion de cette maladie en cas de son éventuelle apparition dans le pays. À présent, on est face à la réalité. Des mesures célères ont été adoptées pour faire face à la situation. Le gouvernement a déclaré l'état d'urgence sanitaire sur toute l'étendue du territoire pour une période d'un mois. En ce sens les écoles, les universités, les usines, les ports et les aéroports sont fermés jusqu'à nouvel ordre a informé le chef de l'État. Dans la même veine, il est interdit toutes rencontres et réunions de plus de 10 personnes, selon Jovenel Moise qui invite tout un chacun à se confiner à la maison. Il faut préciser que beaucoup de scénarios se sont répétés en Haïti avant la confirmation de ce cas. Dans la matinée du jeudi, le MSPP avait révélé que les résultats du test effectué sur le professeur Nelson Bellamy sont négatifs. C’était le même discours pour les 16 individus mis en quarantaine à l’hôtel Monte Christo la semaine dernière. Suite au décès de l’un d’eux dans un autobus revenant de la République dominicaine. Le MSPP était en attente des résultats d’autopsie afin de savoir si la mort de cette personne était liée au coronavirus. Par la suite, le MSPP avait indiqué que selon l’autopsie effectuée par le pays voisin, le décès de cette personne n’a aucun rapport avec le coronavirus. Ainsi a eu lieu une baisse de tension en Haïti, bien que personne ne fût en mesure de vérifier l’authenticité de cette information qui n’a pas été relayée par la presse dominicaine. Les personnes mises en quarantaine ont été ordonnées de partir sur la base de cette information, sans aucun test de dépistage du virus 2019-nCoV. 11 mars derniers, la présence d’un bateau sur les côtes haïtiennes à Port-Salut avait créé la panique. Les habitants de la commune de Port-Salut, département du Sud, avaient signalé la présence de ce bateau qui était, ce jour-là, prêt à débarquer des passagers. Les informations faisaient croire que le bateau en question comportait des passagers éventuellement atteints du coronavirus. Par crainte de la maladie, les habitants de la zone étaient mobilisés pour empêcher le bateau d’accoster. Et pour ce mercredi 18 mars, 47 personnes ont été placées en quarantaine. Logiquement, des personnes suspectes. Pourtant, les autorités confirmaient un seul prélèvement pour un test de laboratoire. Les autorités du ministère n’ont révélé aucune information concernant les 46 autres. Et après le résultat négatif du prof Bellamy, les individus se croyaient assurés. Mais quelques heures plus tard, c’était la confirmation du virus en Haïti. L’ensemble de ces événements et informations un peu floues rend les gens perplexes sur la capacité réelle du MSPP à gérer cette maladie en Haïti. Pourquoi toutes les personnes suspectes n’ont-elles pas été analysées même par prévention ? Pourquoi ce privilège accordé aux États-Unis en ce qui concerne l’interdiction des vols ? Pourquoi, c’est une fermeture à moitié des frontières alors que le virus commence déjà à gagner du terrain en République dominicaine ? Autant de questions soulevées par certains membres de la population en intervenant dans des émissions de radio, dans le transport en commun ou encore sur les réseaux sociaux. Ces citoyens qui se disent inquiets de l’ampleur et la propagation de cette maladie au niveau mondial souhaitent l’adoption des mesures encore plus drastiques afin d’éviter au mieux la propagation de cette maladie. Avec seulement 200 lits pour plus de 10 millions d’habitants, personne n’avait l’envie de voir une telle maladie débarquer dans le pays. D’autant plus que les médecins haïtiens ont peur de la maladie. Selon un texte d’Ayibopost, pour éviter de se faire contaminer en retour, des médecins affirment qu’ils ne mettront plus les pieds à l’hôpital si cette maladie débarque en Haïti. D’autres se sont déjà réfugiés dans d’autres pays. Une réalité qui pourrait compliquer encore plus la situation d’Haïti dans le combat contre le virus. Evens REGIS

Hendrik Streeck est virologue, directeur de l’Institut de virologie de l’hôpital universitaire de Bonn. Il a consulté beaucoup de patients infectés par le coronavirus. Dans une entrevue accordée au quotidien de Francfort FAZ (1), il a parlé de nouveaux symptômes du Covid-19 qu’il a découverts, des cas trouvés et des taux de mortalité.

« Je suis probablement le virologiste qui a vu le plus grand nombre de patients ici en Allemagne. » Avec son équipe, Hendrik Streeck est allé de maison en maison dans le district de Heinsberg (2) particulièrement touché par le virus pour rencontrer chaque personne infectée par le Covid-19. Ils ont interrogé les malades et ont enregistré les symptômes et c’est ainsi qu’ils en ont découvert de nouveau. Par exemple, l’équipe a constaté qu’environ deux tiers des malades interrogés ont décrit avoir perdu leurs facultés olfactives et gustatives, qui a duré plusieurs jours. « À tel point qu’une mère ne pouvait pas détecter l’odeur de la couche salie de son bébé, rapporte le professeur. D’autres ne pouvaient plus sentir leur shampoing et la nourriture commençait à avoir un goût fade. » Le virologue est dans l’impossibilité de préciser à quel moment ces symptômes apparaissent, mais il pense que c’est « une fois qu’ils ont développé la maladie ».

Les chercheurs ont aussi capté des échantillons d’air, effectué des prélèvements sur des poignées de porte, des téléphones portables et des télécommandes. Ils ont même prélevé des échantillons d’eau des toilettes. Le virus se transmet-il aussi par les selles ? « C’est une crainte qui n’a pas encore été prouvée », répond Hendrik Streeck. Mais il a trouvé du matériel génétique du virus dans les cuvettes des toilettes, ce qui ne signifie pas encore qu’il est également contagieux.

Le virologue a interrogé plus de 100 personnes infectées, « mais pas les cas très graves qui sont hospitalisés ». Pour le professeur, le patient typique de Covid-19 présente des symptômes légers. C’est également le résultat d’une étude chinoise menée dans la métropole de Shenzhen. Elle a révélé que 91 % des patients infectés ne présentent que des symptômes légers à modérés, avec une toux sèche et irritable et éventuellement de la fièvre. « Dans nos cas, la perte de l’odorat et du goût s’est ajoutée à cela. » Dans 30 % des cas, les personnes infectées qu’il a consultées, avaient également la diarrhée, « ce qui est plus fréquent qu’on ne le pensait ».

Ses collègues comparent aussi le test rapide en quinze minutes de la société berlinoise Pharmact AG avec le test standard, à savoir les prélèvements de gorge. Dans le test rapide, le sang est prélevé au bout du doigt et un changement de couleur indique le résultat.

Fiable ? Le test rapide réagit à la présence éventuelle d’anticorps dans le sang. « Malheureusement, explique le professeur, la sensibilité n’est que de 33 %, avec une spécificité relativement bonne de 93 %. » Chez deux tiers des patients, le test rapide ne détecterait pas le virus.

Pas si dangereux que ça ?

Le bruit court que ce qui rend le Sars-CoV-2 si dangereux, c’est parce qu’il pourrait être composé de l’ancien agent pathogène SRAS de 2002/2003 (3) et du VIH (sida). Un « non-sens », réagit le scientifique. « Peut-être quelqu’un a-t-il pris conscience qu’une ancienne préparation contre le VIH, Kaletra, avec les ingrédients actifs lopinavir et ritonavir, a un certain effet contre l’ancien virus Sras-1, et a ensuite diffusé l’histoire en ligne. » Il reconnaît que le nouvel agent pathogène est similaire à l’ancien virus SRAS, c’est pourquoi il est également appelé Sras-CoV-2. Il explique aussi que les deux agents pathogènes sont génétiquement liés à environ 80 %.


Mais qu’est-ce qui rend alors ce virus si dangereux ? lui demande l’intervieweur perplexe. Selon le chercheur, le nouvel agent pathogène n’est pas du tout dangereux ; il le serait même moins que le Sars-1. « La particularité est que le Sras-CoV-2 se réplique dans la partie supérieure de la gorge et est donc beaucoup plus infectieux, explique-t-il clairement, car le virus saute de gorge en gorge, pour ainsi dire. Mais cela présente également un avantage : bien que le Sras-1 se répande dans les poumons profonds, il n’est pas aussi infectieux, mais il affecte toujours les poumons, ce qui le rend plus dangereux. Le Sras-2 se rend moins souvent aux poumons, ce qui entraîne toutefois des affections graves. »


Hendrik Streeck ne peut pas confirmer à cent pour cent si le nouveau coronavirus attaque également d’autres organes tels que le foie et le tractus gastro-intestinal. Mais ce qu’il sait en revanche, c’est que « le Sras-2 entre dans sa cellule hôte via le récepteur ACE-2. » (3) Il indique que de nombreuses cellules tissulaires possèdent ce récepteur, y compris par exemple les testicules, que l’on dit susceptibles d’être attaqués. Il estime possible d’envisager cela dans des cas individuels. Mais jusqu’à présent, affirme-t-il, il n’y a pas de résultats fiables. « En tout cas, nous n’avons pas trouvé l’agent pathogène dans le sang ou le plasma dans aucun des cas de Covid-19 sur lesquels nous avons enquêté. » Cependant, la diarrhée observée chez ses malades du Covid-19, suggère, selon lui, que le tractus gastro-intestinal est attaqué.


Quant au faible taux de mortalité en Allemagne par rapport à l’Italie, par exemple, le chercheur confie ne pas être pas du tout surpris. « Parce qu’en Italie, a-t-il constaté, ils n’ont testé que les cas très gravement symptomatiques. L’étude actuelle de Shenzhen, par exemple, a également révélé que les enfants sont tout aussi susceptibles d’être infectés par l’agent pathogène que les adultes, mais qu’ils ne développent que des symptômes légers ou pas de symptômes du tout. Selon l’étude, 91 % des malades du Covid-19 ne présentent que des symptômes légers ou modérés, les Italiens se sont d’abord concentrés sur les 9 % restants. En outre, les morts sont également soumis à un test de dépistage du Sras-CoV-2. » Pareil en Chine. « Les chiffres des décès ont d’abord fortement augmenté, mais pas les chiffres des infections, car l’accent était également mis sur les morts. » Maintenant, il constate que c’est l’inverse justement parce que beaucoup plus de tests sont effectués en Chine.


À l’en croire, il y a en Italie beaucoup plus d’infections que ne le reflètent les chiffres. « Je suppose que le niveau d’infection en Italie est extrêmement élevé, mais on ne l’a pas encore été établi. »


La situation est différente en Allemagne parce que les patients ne présentant que des symptômes légers ont été testés dès le début. « Notre patient index à Bonn, par exemple, n’avait qu’une égratignure au cou. Je suis sûr qu’il n’y aurait jamais eu de prélèvement sur lui en Italie. »


Interrogé à propos des cas de mortalité, Hendrik Streeck confirme qu’ils vont augmenter « mais pas en des chiffres aussi apocalyptiques que ceux qui sont en partie en circulation ». Il rappelle qu’il faut également tenir compte du fait que les décès de Sras-CoV-2 en Allemagne étaient exclusivement ceux des personnes âgées. « À Heinsberg, par exemple, un homme de 78 ans souffrant de maladies préexistantes est mort d’une insuffisance cardiaque, et ce sans aucune atteinte pulmonaire de la part du sars-2. Comme il était infecté, il apparaît naturellement dans les statistiques du Covid-19. La question est cependant de savoir s’il ne serait pas mort de toute façon, même sans le Sras-2. » En Allemagne, précise-t-il, environ 2 500 personnes meurent chaque jour, et avec douze décès jusqu’à présent, et 12 morts (aujourd’hui, 19 mars, 28 morts) sont en lien avec le Sras-2. « Bien sûr, des gens mourront encore, mais je prends le risque de dire qu’il se pourrait bien qu’au cours de l’année 2020, nous n’allons pas avoir plus de décès au total que d’habitude ».

Hendrik Streeck est spécialiste en virologie et en épidémiologie des maladies infectieuses. C’est en raison de sa formation qu’il connaît également les coronavirus. Il est maintenant aussi spécialisé dans d’autres virus dans son domaine de recherche. L’Institut de virologie et de recherche sur le VIH de la Faculté de médecine de l’Université de Bonn était le laboratoire de référence pour les coronavirus. Maintenant tous ses collègues, plus d’une quarantaine (doctorants compris), travaillent sur le Sras-CoV-2, « dans l’espoir, dit-il humblement, de pouvoir contribuer à la recherche » sur ce nouveau fléau des temps modernes.

Huguette Hérard

N.d.l.r.
(1) Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), 16 mars 2020. Interview accordée à Peter-Philipp Schmitt, rédacteur de la rubrique ''Deutschland und die Welt “ (Allemagne et le monde)

(2) Cette ville est située en Rhénanie du Nord-Westphalie.

(3) Le syndrome respiratoire aigu sévère lié au coronavirus appelé syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) est cette maladie infectieuse des poumons due au virus Sras-CoV du genre des coronavirus. Il est apparu pour la première fois en Chine en novembre 2002.

(4) Le Sras-CoV2, le virus à l’origine du COVID-19, pénètre dans les poumons par les récepteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ACE2), et les personnes avec une hypertension artérielle présentent une forme plus sévère de l’infection. (Medscape, 19 mars 2020)

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