FÊTE DU DRAPEAU ET DE L’UNIVERSITÉ D’HAÏTI

« Bêchons joyeux ! »

Depuis quelques années, les Haïtiens de la diaspora rivalisent d’ingéniosité en ce qui concerne la célébration de notre drapeau à l’étranger. Notre correspondant en a couvert au moins quatre dans la seule capitale parisienne.

Tôt dans la matinée du 17 mai 2023, le Consulat général de la République d’Haïti procède, comme à son habitude, à une distribution de drapeaux aux compatriotes venus célébrer le 220e anniversaire de la création du drapeau. Dans une petite allocution de circonstance, le ministre conseiller, M. James Jules, a rappelé le sens du bicolore qui représente l’héritage que nous a légué nos ancêtres lorsqu’ils optèrent pour le ralliement de toutes les forces. Les couleurs bleu et rouge symbolisent l’unité du peuple haïtien. Nos ancêtres avaient compris que l’entente était plus productive que les mésententes destructrices.

Les manifestations se sont poursuivies le lendemain 18 mai à l’Ambassade d’Haïti en France,  au 10 de la rue Théodule Ribot, à Paris. Dès 4 heures de l’après-midi, les diplomates de l’ambassade ont commencé à recevoir les hôtes invités par l’ambassadeur Jean Josué Dahomey. Y ont pris des ambassadeurs africains et sud-américains ainsi que l’ancienne ambassadrice de la France en Haïti, Madame Béton Délégue. Après que le ministre conseiller Thony Melodin eut ouvert  le bal des mots, l’ambassadeur a appelé les hôtes du jour à s’approcher de la tribune officielle pour une remise de plaque d’honneur au groupe Boukman Eksperyans ».

Beaucoup de compatriotes arboraient ce jour quelque chose qui rappelle nos ancêtres qui ont créé cet emblème lors du congrès de Larcahaie le 18 mai 1803. C’est cette grandiose histoire qu’a contée l’ambassadeur Dahomey dans son allocution. Devant ses compatriotes venus nombreux pour l’occasion et des amis d’Haïti, il a rappelé la geste de nos ancêtres, la création de ce drapeau comme « signe de ralliement » des troupes de l’armée indigène sous le leadership de Jean Jacques Dessalines et comme « symbole de l’unité avant l’assaut final contre le retour de l’oppression esclavagiste ». Ce drapeau fut, a-t-il conclu, « le gage d’une nation à construire et d’un État indépendant à ériger à la face du monde ».

Pour le chef de la Mission d’Haïti en France, cet étendard est aussi « le symbole de notre liberté et de notre indépendance arrachée de hautes luttes ».

Nous avons fait un saut en banlieue parisienne à Épinay-sur-Seine, région où habitent beaucoup de nos compatriotes. À l’invitation de l’association Hibiscus, plus de trois cents compatriotes massés dans la grande salle « Lumière » ont entonné la Dessalinienne dont les paroles nous rappellent que seule l’union de tous les Haïtiens pourra nous permettre de voir un horizon meilleur. Les artistes qui se sont succédé sur l’immense scène ont certes célébré le pays, mais aussi dénoncé le drame sécuritaire que traverse le pays.

En ce qui concerne la célébration du drapeau, Hibiscus tient le flambeau depuis plus de dix ans. Dirigée par des compatriotes, dont  Guerdie Paul, cette organisation s’affirme de plus en plus, chaque année avec des programmes innovants. Le cru 2023 a été la présence de l’un des fleurons de la musique racine haïtienne, Boukman Eksperyans, qui a largement rehaussé l’éclat cette année.

Mais ce n’est pas seulement en ces endroits le drapeau a été à l’honneur. Des associations haïtiennes dans d’autres villes, telles que l’association Haïti-Oise*, ont choisi le Festival Danses et Musiques du Monde, à Montataire, dont la date est le 18 mai, pour marquer le coup en fêtant en grande pompe notre bicolore.

Animé par Chantal Guerrier, sa présidente, Francine Deneuville, Caroline Plaza, Lucette Constant, membres du bureau, ainsi qu’une dizaine de bénévoles, le stand d’Haïti a brillé par son originalité. L’association a proposé aux spectateurs un échantillon de la culture riche et diversifiée de notre pays, allant de l’artisanat d’art jusqu’à la littérature en passant par la musique.

« De nombreux compatriotes habitants dans l’Oise et dans la région Hauts-de-France sont venus nous voir, dit la présidente, pour échanger avec nous sur le projet de l’association ». Celle-ci soutient une école à Jacmel et veut consacrer les bénéfices de la journée au financement du projet de cantine porté par cette dernière.

Sur le stand de Haïti-Oise, on pouvait trouver des livres de plusieurs auteurs haïtiens parmi ceux qui font notre fierté comme Dany Laferrière, Louis-Philippe Dalembert ou Makenzy Orcel pour ne citer que ces plus connus. Le festival s’est clôturé par un concert d’un grand groupe international qui a mis à l’honneur Haïti en interprétant la chanson populaire «Panama m tombe».  

Toutes ces manifestations n’ont qu’un but : rappeler que le bicolore national créé par le chef de l'Armée indigène est notre boussole. En créant ce symbole, les révolutionnaires haïtiens avaient décidé de mourir en hommes libres et indépendants.

On oublie souvent que la fête du drapeau est aussi celle de l'université. Ici le mot « université » doit être considéré comme un projet intellectuel d’avant-garde visant à régénérer la Nation après la catastrophe de l’occupation américaine 1915. Chez Dantès Bellegarde, l’Université est avant tout un lieu où émergent des idées nationales visant à sauvegarder les acquis de la Révolution de 1804. D’ailleurs il fut un temps en Haïti où le 18 mai était l’occasion pour les élèves de participer à des concours de poésies et de réciter des textes patriotiques. En voulant  reprendre en main les pensées nationalistes battues en brèche par l’occupation yankee, le pays a trouvé en Dantès Bellegarde non seulement un farouche défenseur des idées dessaliniennes. Cet intellectuel de grand calibre voulait que l’université joue son rôle d’avant-garde dans la défense des valeurs nationales et nationalistes. Pour lui, il n’y a que l’université qui puisse être le creuset des pensées progressistes, patriotiques.

Nous sommes certes loin du compte, mais les idées ne meurent jamais et elles peuvent être des catalyseurs pour la renaissance des idées de progrès et constituer l’aube d’une nouvelle renaissance.

 

Maguet Delva

 

Notes :

(*) Créée en 2004 par Chantal Guerrier, l’association Haïti-Oise est basée à Creil.

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