Sakaj : un groupe musical social et sentimental à revisiter !

Des titres qui abordent à la fois le social et le sentimental se complètent dans ce que nous gardons comme répertoire de la première livraison de la formation musicale « Sakaj ». Plus de trente ans après, la poésie et la mélodie des créations de Sakaj sont encore fertiles, et peuvent rivaliser plusieurs des oeuvres musicales contemporaines.

Découvrons la richesse artistique des morceaux tels : Pa gad sou lòt, Melody Felling, Sakajem, Bali lanmou,  Sak Beat,  Lanmou pou mwen, parmi d’autres pièces interprétées par le duo: Gilbert Bailly et Joseph Doré. Une expérience réussie qui rappelle de nos jours, la semence issue du même registre, mais d'une autre classe sociale celle de Zafèm. 

« Di mwen, pou kisa ou paka konprann, pou kisa ou pa ka tandem lèm ap diw ke mwen renmenw ? », telles sont les premières paroles de cette belle ballade, qui porte le titre de « Fanm Lakansyèl ». Cette chanson comme pratiquement toutes les autres pièces combine plusieurs  tendances à la fois exotiques et traditionnelles. Une musique qui questionne et interpelle ?  

D’autres questionnements encore plus pertinents qui sont  encore d’actualité  sont proposés dans les titres de Sakaj.   Ainsi, cette  formation cherchait à ajouter une touche philosophique dans les débats, tout en imposant une mélodie très entrainante. « Pou ki sa ? », « Di mwen pou ki sa, nou oblije pase mizè konsa ! ».  Les paroles de cette chanson ne visaient pas de questioner uniquement l’existence humaine de façon universelle.  L’existence des haïtiens en particulier, comme ce qui se passe plus de trente ans après la sortie de cette chanson est mise en avant.  

Dans la chanson phare de l'album: « Pa gad sou lòt », les mélomanes sont invités à chanter, danser, et surtout à s’inspirer de certaines leçons ou considérations de la vie, en lien avec l’éducation. « Pa gen diplòm nan chofe ban, fòw travay pouw rive ! ». « Pou ke lavi sa ka souri w, fò w ou kapab konpran n, fòk ou soufri, menm siw rele, pou wou ka wè pi lwen ! ». « Manyè leve pyew, sispann gad sou lòt ! ».

Dans la vidéo qui accompagne cette première pièce du groupe, on pouvait entrevoir l’influence de la musique et des tendances américaines de l’époque. Entre les décors du studio et des rues, les costumes des artistes,  et certainement ceux de leurs proches ou parents qui figuraient confirment cette mosaïque culturelle.

D’autres compositions très intemporelles gardent toute leur fraicheur plus de trente ans après. « Melody feeling » peut bien justifier cette thèse.  Elle porte à la fois toutes les couleurs de l’amour, de l’espoir, de l’énergie et des émotions très profondes. Cette pièce  a bénéficié des talents de plusieurs grands noms comme Fabrice Rouzier, Lionel Duperval et Ralph Condé, entre autres.

Douce et sensuelle dans sa voix, Michelle Angus est bel et bien présente dans les oeuvres sentimentales comme : « Fanm Lakansyèl », ainsi que  « Melody feeling », pour ne citer que ces deux chansons.  Ses rares interprétations et les performances de cette dame apportent un souffle nouveau. « Map chante lanmou, se li ki pou mennenw ban mwen » se compare bien à l'hymne à l'amour.

Dommage que très peu de jeunes filles du pays, qui se lancent dans la carrière musicale ne connaissent pas assez cette étoile cachée et voilée dans les souvenirs de la génération Sakaj. Combien de ces chanteuses jeunes  haïtiennes contemporaines qui seraient capables de rattraper ou même  dépasser la sensualité apportée par l’écho de la voix de cette grande dame de la musique haïtienne des années 90 ?   

Dans cette période de migration et d’isolement des familles haïtiennes, qui va certainement influencer les relations amoureuses,  la composition « Melody feeling » pourrait bien illustrer certains dialogues des plus intimes dans la vie de certains couples qui subissent les poids de la distance. Les émotions sont présentes du début jusqu'à la fin, autant dans le refrain, autant dans le choeur de cette chanson. 

Des collaborations réussies, c’est le moindre que l’on puisse dire dans l’aventure de Sakaj, portée par Joseph Doré et Gilbert Bailly. On peut citer d’autres noms qui se sont associés dans la fabrication de ces oeuvres musicales à un titre ou à un autre,  comme: Patrick Dorcéant, Sheena Rock, Mark Asch,  Jaqueline Denis, Ralph Boncy, Georges Loubert Chancy, Paulette Céléstin, Lorenzo Duenas, Jhon Doane, Celi Bee, Ivan Hernandez, Jose Caballo, entre autres.

Dans l’histoire de la musique populaire haïtienne contemporaine, à travers les registres du Compas direct, il existe différents modes opératoires pour classer les groupes autant les créateurs, et leurs créations. Sakaj figure parmi ces formations musicales qui se sont imposées à des le premier coup d'envoi, à partir d'un  projet artistique qui propose à la fois l'authenticité, la diversité et la qualité dans les choix des titres et des couleurs rythmiques combinées.

Dans le futur musée national de la Musique haïtienne, les visiteurs pourront découvrir le coin Sakaj, tout en appréciant  les contours de ce mariage entre la musique populaire haïtienne avec d’autres tendances exotiques, inscrites dans la musique américaine de l’époque, entre le Rock et la musique du monde.

Des années après la sortie de cet album, en dehors des tentatives avortées pour renouveler la présence du groupe sur les scènes et dans le répertoire, on ne pourra que se contenter de revisiter les plus importantes créations de Sakaj. Une belle aventure musicale et mosaïque, partagée entre nos souvenirs et le patrimoine national. 

 

Dominique Domerçant

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