Aujourd’hui cela fait exactement un an que Liliane nous a quittés. Elle, la femme rebelle. Même dans sa mort, elle a défié les attentes. Elle est partie brusquement, sans tambour ni trompette. Cette disparition soudaine a résonné comme un coup de tonnerre, nous laissant tous abasourdis.
À l’heure où tout le monde attendait le ton de sa voix à 4 heures de l’après-midi, c’est le vent du drame de Thomassin 25 qui a soufflé à travers le pays, semant une tornade à la radio Kiskeya (comme cela avait été le cas avec Radio Télé Ginen). Les pendules ont cessé de sonner à cette heure avec sa voix inimitable. Notre seule consolation pour ses fans c’est que ses collègues à l’heure actuelle, avant de commencer l’émission nous font entendre son annonce « li fè katrè.
À l’heure où tout le monde attendait avec impatience d'entendre sa voix emblématique à quatre heures de l'après-midi, c'est plutôt un vent de tragédie venant de Thomassin 25 qui a balayé le pays, déclenchant une tornade médiatique sur les ondes de la radio Kiskeya, un phénomène similaire à celui vécu par Radio Télé Ginen. Les horloges semblent s'être arrêtées à cet instant précis, privées de sa voix unique. Pour ses admirateurs, un maigre réconfort réside dans le fait que, juste avant le début de l’émission de 4 heures, ses collègues nous permettent d'entendre son annonce familière : « li fè katrè ».
Défiant le temps et le destin, elle a choisi le 31 juillet pour nous quitter, rejoignant ainsi Anthony Pascal (compère Filo), parti le même jour en 2020.
Oui, elle était une rebelle. Elle l’était même dans sa tenue originale aux couleurs éclatantes. C’est la marque qu’elle s’était créée avec finesse et élégance. Sa signature.
Liliane n’était même pas encore devant le trône de Dieu pour le grand jugement que certains cherchaient déjà à la dépeindre comme une mauvaise icône, ignorant sa contribution à la liberté de la parole. D’autres, en revanche, la voyaient comme un monument du journalisme engagé, une figure majeure de la lutte démocratique, une femme de courage qui n’a jamais reculé devant la peur.
Moi qui abhorre l’extrémisme, je dirais simplement : Liliane était Liliane, avec ses qualités et ses défauts. En politique comme en toute chose, il faut savoir maintenir l’équilibre. Respecter la dignité des gens, qu’on les aime ou non. Car personne n’est parfait, personne n’est entièrement bon ni entièrement mauvais.
Liliane et moi avons partagé une amitié de longue date, marquée par des hauts et des bas, surtout lorsque nous abordions le terrain politique. Combien de fois avons-nous eu des discussions orageuses au téléphone ! Juste avant sa disparition, nous avions débattu de la pertinence d’un gouvernement de facto. Pour elle, une telle solution était un péché mortel. Je lui avais alors posé la question : « Quand toutes les voies constitutionnelles sont épuisées et qu’un consensus est impossible, que faire, Liliane ? »
Tout cela pour dire que je n’étais pas toujours d’accord avec ses analyses et ses prises de position dans le journal radiodiffusé le plus écouté du pays. Mais ces désaccords n’ont jamais entamé notre amitié sincère.
Rendez-moi fou ou sage, Liliane était une journaliste de haut niveau. Elle mérite nos hommages. Sans savoir qu’elle allait nous quitter si brusquement, je lui avais dédié Les élections de 1987 : espoirs déçus ou démocratie assassinée, mon dernier ouvrage paru en France, aux éditions L’Harmattan. Ce livre était terminé depuis plusieurs années, et je n’avais pas attendu son départ pour lui rendre hommage. Sur la quatrième de couverture, j’ai évoqué l’incident mémorable entre elle et maître Jean Gilbert, alors président du Conseil électoral provisoire (CEP), lors d’une conférence de presse sur les élections de 1988. J’ai aussi dédié cet ouvrage à cette opiniâtre travailleuse de la presse engagée, qui a fait ses débuts à Radio Haïti Inter avant de fonder Radio Kiskeya avec Marvel Dandin.
Comme je l’ai exprimé dans mon livre, ce n’est pas seulement pour rendre hommage au courage indomptable de cette icône de la profession, mais aussi pour témoigner de mon admiration et de mon respect pour son engagement envers l'information et la sensibilisation, souvent au péril de sa vie, depuis près de 40 ans. Notre réconfort réside dans l'émergence de femmes qui s'affirment dans le milieu politico-médiatique.
L’épisode mettant en scène Liliane Pierre-Paul face à maître Jean Gilbert est l’une des nombreuses petites histoires — allant du cocasse au dramatique — qui jalonnent ce livre de souvenirs et de témoignages.
Nous penserons encore longtemps à elle !
Me Emmanuel Charles