Derrière ces six mots clés retenus dans ce titre: enseigner, magie, foi, Haïtiens, l'amour et viendra, se cacher pourtant un autre concept qui les résume tous. L'intelligence de la patience. Cette intelligence au temps à développer, et cette patience active à pratiquer pour se rapprocher de l'avenir sont parmi les valeurs à enseigner à la jeunesse haïtienne, pour lui offrir des lendemains meilleurs, pour ne rien rater, encore moins regretter, afin de mieux profiter des multiples opportunités du temps qui avance ? Une chance !
Dans la perspective de marquer le bicentenaire des relations diplomatiques entre la République d’Haïti et la France (1925-2025), avec tout ce que cela comporte comme passif et actif, en passant par l’un de nos butins de guerre que représente la langue, cette dimension culturelle parmi d'autres partagées nous offrent souvent l'occasion de découvrir des voix et des émotions, des messages, des visions et des énergies qui entretiennent nos cœurs en chœurs, et nous invitent parfois à l'élévation de l'esprit. Retour sur «L'amour viendra», l'une des plus belles compositions musicales de Mireille Mathieu.
Douce et mélodieuse, cette courte chanson inspirante mais également entrainante, portée la voix de cette femme qui ne vieillit pas malgré les ans, n'est pas uniquement une celebration de l'une de nos plus belles expressions ou émotions que représente l'amour.
D'autres titres et refrains plus célèbres, et gravés dans la paysage des mélomanes et la mémoire populaire haïtienne sont restés inoubliables tels: “Que la paix soit sur le monde", dans les années 80.
"Donnez nous mille colombes”, a été même interprété par des masses en Haïti, au Champ de Mars, du temps de Lavalas, quand la première place du pays accueillait des dizaines et milliers de colombes blancs, qui sont depuis repartis vers d’autres lieux et d'autres cieux. Sachant parfois "Les oiseaux se cachent pour mourir" !
De la nécessité parfois de nourrir les esprits de notre jeunesse avec mes messages inspirants et puissants, parfois aux couleurs exotiques, sans perdre pour autant de vue les cicatrices historiques, la raison et l'intelligence pratique nous invitent souvent à nous accrocher à une sélection de pièces majeures tirées du répertoire francophone, partagées entre la France, le Canada, Haiti et l'Afrique entre autres, pour tenter de nous assagir, nous instruire ou pour nous reconstruire comme dans “L’amour viendra”.
Dans l’intervalle de trois minutes et dix secondes, notre monde intérieur bouge au rythme de la voix de Mireille Mathieu, accompagné des instruments qui s’accordent à nous faire rêver que demain sera meilleur, si on y croit. Certainement si on y travaille, tous ensemble, en commençant par faire revenir l'amour. Ce matériau de base, ce ciment indispensable qui manque tant aux Haitiens d'ici et d'ailleurs, dans leurs relations interpersonnelles, institutionnelles et avec le temps et la terre.
Dans cette invitation à la foi et la patience lancée par celle qui porte dans son nom ce double “M”, entre la malheur du passé et le meilleur que nous espérons tous pour l'avenir de cette nation, la jeunesse haïtienne trouvera certainement de la matière, pour apprendre à changer sa manière d'être, depuis quelques temps trempée dans le pessimiste et l'obscurantisme. Par la foi dans l'action collective, et l'amour dans le pays, une nouvelle révolution mentale chez les Haïtiens est encore possible !
Dans les réserves d'énergie inépuisable de l'ADN de nos ancêtres, partagées entre les Haïtiens d'ici et d'ailleurs, il est possible de faire renaître ce pays. En attendant que le créole trouve sa place, face à l'influence imposante de l'anglais, cela ne nous empêche pas comme ancêtres utilisaient les armes de leurs anciens maîtres pour faire renaître l'espoir, en utilisant la puissance de la foi dégagée dans cette chanson, pour éveiller et éduquer l'avenir de notre nation.
Du sens, de l'intelligence et de la conscience se dégagent dans les paroles qui illustrent cette perle de Mireille, cette esclave de la musique de qualité qui n'en souhaite pas se libérer depuis des décennies. Elle s'exprime avec confiance, et nous explique le fonctionnement des engrenages de sa foi, de la foi dans les jours meilleurs : “Ne t'en fais pas, si tu y crois, si tu y penses, l'amour viendra. Ici ou là, rien que pour toi, un jour de chance, l'amour viendra.”.
Des semences pour conforter les esprits les plus incrédules. Mais également pour réveiller l’intelligence collective au sein de la grande famille haïtienne élargie et éclatée. “Tu vas le voir, comme un voleur dans le silence, sortir de ton cœur.”. Il est venu le temps pour les Haïtiens de faire sortir dans leurs cœurs et leurs esprits, ces voleurs de rêves, de vie, d'amour, de bien-être et d'espoir, s'ils souhaitent que l'amour revienne !
Dans cet hymne à la foi et à l’espoir, que les Haïtiens devraient célébrer dans leur fort intérieur chaque matin, Mireille Mathieu rappelle et nous interpelle en ces termes: “Écoute bien, regarde bien, tout recommence chaque matin. Ne t'en fais pas, si tu y crois, la vie est belle, l'amour viendra. Tu vas sourire, tu vas guérir, les hirondelles vont revenir.”.
Dans la capitale haïtienne qui partage avec la France, le Champ de Mars, parmi d’autres hauts lieux militaires, mélancoliques, historiques et symboliques, dans d'autres villes qui portent les traces de la colonisation et de l'esclavage, elles sont des milliers de familles, des jeunes et des moins jeunes de ce pays, qui souhaiteraient revivre des jours meilleurs, et pourquoi pas revoir un jour des hirondelles.
Dans l’attente d'admirer les battements de ces ailes merveilleuses perdues de vue depuis quelque temps dans notre paysage, le retour de l'amour dans coeurs et nos esprits parait comme l'un des actes majeurs à encourager entre les Haïtiens, pour tenter de se guérir des plaies historiques et géopolitiques, de l'intérieur comme de l'extérieur.
De la poésie en abondance dans cette composition magistrale, où tout est dit en si peu de mots, notre génération doit retenir que même si : “Ton ciel est gris, mais quand il pleut, une étincelle allume un ciel bleu !”. Et c'est de cette façon que jeunesse, et chaque Haïtien comprendra le sens du message persistant : “Ne t'en fais pas, si tu y crois, si tu l'appelles, l'amour viendra !”.
Définitivement, il faudra nous rappeler que l’amour autant que les hirondelles, ainsi que les étincelles ne viendront pas tout seul. Autant que la poésie qui habite cette mélodie rapportée, tous les Haïtiens devraient s'adapter face aux nouveaux défis existentiels de notre civilisation, pour se laisser habiter par l'amour de l'être, qui habitait et habite encore notre riche culture et identité de peuple fier.
Dans ce pays où nous habitons, et qui nous habite également, en permanence, l'éducation autour de la foi dans un avenir meilleur et la formation dans l'action collective devrait mériter une place plus importante, dans les relations et les communications, les créations et les négociations au quotidien entre les filles et les filles de cette terre. Si nous croyons que Haïti renaîtra !
Dominique Domerçant