Rentrée littéraire de janvier: neuf coups de cœur francophones pour commencer 2025

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Pour les bibliophiles et les libraires, l'année civile commence toujours fort: moins renommée que celle de septembre, la rentrée littéraire de janvier est pourtant presque aussi chargée en nombre de publications. On estime qu'environ 500 romans et récits sont amenés à paraître d'ici au mois de février, dont deux tiers écrits par des auteurs et autrices francophones.

Voici donc neuf titres hautement recommandables, émanant d'écrivains et écrivaines ayant encore peu publié –contrairement à Pierre Lemaitre, Leïla Slimani, Philippe Besson ou encore Frédéric Beigbeder, qui seront immanquablement placés en tête de gondole et n'ont donc nullement besoin de nous pour faire parler de leurs écrits.

Cette sélection est évidemment loin d'être exhaustive: n'oubliez pas d'aller aussi vous promener en librairie, de donner leur chance à des plumes encore méconnues, mais aussi d'acheter le nouveau Jean Echenoz, Bristol, que l'on n'a pas encore lu, mais qui sera forcément formidable.

«Patronyme», au nom du père

«Durant des années, je me suis perdue dans de vaines fouilles archéologiques sur la toile, à l'affût de lointains cousins, ou tout simplement d'une preuve que ce nom existait bien. Puis je me suis fait une raison. Le résultat de mes recherches, obstinément nul, ne faisait que confirmer ce que j'avais toujours su en mon for intérieur: des Springora, il n'y en avait aucun autre, ma famille et moi étions les seuls à porter ce nom dans le monde entier.
C'était un nom sans homonyme. Un “hapax”, pour les linguistes, qui n'apparaissait qu'une seule fois dans la langue. En règle générale, les hapax étaient soit des néologismes, soit le résultat d'une erreur de graphie. Dans tous les cas, c'étaient de pures créations, des mots inventés de toutes pièces.
Un nom sans passé ni mémoire, un nom fantôme, en quelque sorte, c'était inhabituel. Mais peut-être avait-il tout de même une histoire?»

Si Le Consentement (paru en janvier 2020), le premier livre de Vanessa Springora, a fait couler beaucoup d'encre, il a été bien trop souvent réduit à un statut de témoignage à verser au dossier Gabriel Matzneff. Or, c'était aussi et surtout une œuvre littéraire d'une grande puissance, ce que confirme la publication de Patronyme, récit au cordeau d'une quête de racines doublée du portrait d'un père absent, singulier, détestable, mais finalement fascinant, puisqu'il va servir de point de départ et de fil conducteur à la vaste investigation menée par l'autrice à propos de sa famille.

On retrouve ici la même intensité que dans Le Consentement, la même intelligence d'analyse. Abandonnée très tôt par son père, triste sire qui n'a cessé de vampiriser, mentir et inonder le monde de médiocrité, Vanessa Springora découvre après sa mort des facettes de lui qu'elle n'avait jamais approchées d'aussi près. C'est aussi l'occasion pour elle de tenter de remonter le fil d'un patronyme vraisemblablement inventé de toutes pièces et dont la création est forcément le symbole d'un lourd passé familial. Meilleur livre de cette rentrée littéraire, Patronyme étouffe, prend aux tripes et ne relâche jamais son emprise.

 

«Vies et survies d'Elisabeth Halpern», la vieille femme et la mort

«Jusqu'ici, la vie m'avait menée vers des histoires ténues où la névrose auto-infligée était la principale source de difficulté des personnages, où les méchants n'en étaient pas vraiment. Comme dans la plupart des comédies que j'appréciais, mes personnages occupant la fonction de Némésis prenaient alternativement la figure du snob, de l'idiot ou de l'ambitieux, lorsqu'ils ne combinaient pas les trois en la personne d'un producteur de télévision des années 1990. Je ne m'étais encore jamais frottée à un vrai salaud comme Dark Vador ou Le Pingouin, de ces vermines qui ont du sang sur les mains, rivalisent de cruauté et jouissent avec une perversion toute sophistiquée des souffrances qu'ils infligent. Et voilà que ma grand-mère m'intimait l'ordre de me confronter à ce type d'antagoniste, moi la petite autrice qui avais fui toutes ces années l'implacable du réel, m'entêtant à cultiver la fleur enthousiaste et délicate de l'enfance et refusant de considérer l'une des pires pages de l'histoire qui avait frappé la branche maternelle de ma famille. Trop tard. Je suis rattrapée par le chœur tragique, contrainte de regarder l'horreur en face, marquée à l'encre indélébile.»

Chaque année, Elisabeth Halpern, octogénaire juive née en Ukraine mais installée en Australie, retrouve dans le même lieu de villégiature le vieil homme antipathique dont elle semble malgré tout apprécier la compagnie. Mais la vérité est bien différente: cette femme aux mille vies est en train de tisser une toile machiavélique autour de celui qu'elle a reconnu comme étant un ancien cadre du nazisme. Pour mener son plan à exécution, elle a besoin de sa scénariste de petite-fille, venue lui rendre visite depuis la France.

À la lisière du grand roman familial et du thriller à rebondissements, Carine Hazan bâtit sur ce postulat un livre merveilleusement écrit, dont la structure dramatique nous happe tout autant que le portrait au long cours d'une héroïne tenace et déterminée. Cette Elisabeth est une icône, et si son plan est aussi discutable que faillible, c'est pour mieux permettre à l'autrice de déployer une réflexion sur le devoir de mémoire, la possibilité ou non du pardon, la tentation de la vengeance… Le tout avec autant de personnalité que d'humour.

 

«Cui-Cui», jeunesse mode d'emploi?

«L'école m'aura rendu amibe. Enfin je crois que les amibes c'est mou. C'est ce que je veux dire. J'ai plus d'os dans la colonne, je suis ployé comme un saule toute la journée la langue pendante sur mon pupitre. J'avais un autre mode avant. Celui qui consiste à lever la main en s'étirant le bras avec l'autre dans une impatience qui confine au malaise. Je savais, j'étais plein d'entrain et j'aurais souhaité qu'on reconnaisse mon intelligence.
Qu'on me sorte de là. En mode “toi c'est bon, on va t'exfiltrer du quatrième cercle des Enfers, tu es promis à un grand avenir hors de cette fange.”»

Dans son indispensable essai Sortir de l'hétérosexualité (2021), on sentait déjà Juliet Drouar tenté par l'écriture fictionnelle, l'invention et la fantaisie. Dans Cui-Cui, son premier roman, il concrétise tout cela à travers la chronique d'une adolescence contrariée –ce qui est peut-être un pléonasme. Nous sommes en mai 2027, au moment de la prochaine élection présidentielle et, ô surprise, le pays va mal. Mais comme il est désormais possible de se présenter et de voter à partir de 16 ans (l'un des dadas de l'auteur), ça change un peu la donne. Et l'état d'esprit de la jeunesse française.

Cui-Cui, c'est avant tout une langue agile, qui bondit sans cesse, joue avec les mots, multiplie les références sans jamais exclure. Mais c'est aussi le récit de ce qui se joue autour des violences intrafamiliales, à travers le personnage très bien senti de Mme Gisèle, prof pleine de bonne volonté, mais totalement paumée qui souhaite s'occuper au mieux de l'élève qui lui a confié sa détresse. Qui, aujourd'hui, prend soin de notre jeunesse? Est-ce que quelqu'un a le mode d'emploi? Le ton du roman est souvent léger, mais le fond ne l'est pas; ce contraste qui fonctionne du tonnerre donne envie de retrouver très vite d'autres écrits de Juliet Drouar en librairie.

 

«Ravagés de splendeur», sans contrefaçon

«Je retire la couronne de fleurs d'orangers et lève mon voile. Héliogabale me sourit comme je lui souris, je jette les fleurs pour orner la porte. Hiéroclès me prend dans ses bras pour me faire franchir le seuil.
L'Impératrice se tient au centre du triclinium, entourée d'eau et de feu. Je m'empare des clés de la maison et la montre à mes Sœurs restées à l'extérieur. Je lance trois pièces vers elles. Une pour ma femme, une pour les Lares et une pour la Déesse mère. Les Vestales referment la porte en poussant de petits cris de bonheur.
Lorsque nous sommes enfin seuls tous les trois, j'embrasse longuement Héliogabale et Hiéroclès. Je suis désormais leur épouse, Julia Aquilia Sévéra, impératrice de Rome, toujours Prêtresse, bien que Vesta ne consente probablement pas à la cérémonie pour laquelle je suis sur le point d'officier.
Hiéroclès se tient à côté d'Héliogabale; je deviens à mon tour pronuba et joins leurs mains.»

Dans son premier roman, Fantaisies guérillères (2022), Guillaume Lebrun nous permettait entre autres de redécouvrir les chansons de Céline Dion, réécrites en ancien français. Après une citation de Brigitte Fontaine en épigraphe, son deuxième livre démarre par cette phrase: «Nous sommes en -1728 avant Cherilyn Sarkisian.» Si la référence vous échappe, sachez qu'il s'agit du véritable nom de la chanteuse Cher. Le ton est donné: cette épopée sentimentalo-mystico-sexuelle résolument queer, construite autour de la figure de l'empereur romain du IIIe siècle Héliogabale, ne fera rien comme les autres.

Si le personnage a autant attiré Guillaume Lebrun, c'est parce que certains écrits en font la première impératrice trans. Dans ce court récit, qui jongle avec les points de vue, l'auteur décrit en tout cas Héliogabale comme une icône queer, pour qui les questions de genre, de sexe, d'orientation et d'identité sexuelle sont des terrains tout sauf figés, à explorer avec curiosité. Centré sur un mariage à trois, Ravagés de splendeur glorifie les transgressions de ses personnages principaux avec une emphase délectable. Si délectable que le petit format de l'ensemble –162 pages, c'est court– peut légitimement plonger dans un certain état de frustration.

 

«Pussy suicide», cru-cru

«Ottessa détend ses jambes pour se préparer à dégager. Elle a fait son choix. Elle va appeler Oscar et lui demander si elle peut venir chez lui juste après ça. Tant pis pour sa sale tête. Enfin, non. Elle va passer dans un supermarché pour se badigeonner d'anticernes et de mascara. Elle a vraiment besoin qu'il la prenne dans ses bras. Elle a envie de se foutre à poil, se coller à lui, se faire pénétrer jusqu'à ce que sa chatte soit HS. Gober sa bite au fond d'elle, qu'elle se greffe entre ses lèvres. Que ça dure des heures. Qu'il la lui mette au fond de la gorge, puis qu'il l'encule d'un coup. Ensuite elle voudrait bien boire un truc chaud, qu'il la réconforte dans son canap, avec une couverture, tout contre lui, devant les dessins animés, avec son petit frère.»

Se déroulant sur un week-end, Pussy suicide (titre un peu tape-à-l'œil) est un voyage au fond de la tête d'Ottessa, très jeune femme qui semble ne vivre que pour deux raisons (à moins que ce ne soit par elles): l'amour et le sexe. Parce qu'elle attend devant son smartphone un signe de vie d'Oscar, le premier mec de sa vie qui lui donne envie de s'engager, l'héroïne rumine, se retourne sur ses nombreuses expériences passées, fait tout pour (se) montrer qu'elle est une femme, alors qu'elle n'est clairement pas sortie de l'adolescence. Mais ce week-end-là, une rencontre avec Jacques, un type deux fois plus âgé qu'elle, va venir tout remettre en question.

Cash, cru, aussi épuisant qu'une partie de flipper qui ne s'arrêterait jamais, ce premier roman réussit son entreprise: dépeindre un état d'hyperdépendance au sexe et aux sentiments potentiellement destructeurs, mais qui ne le sera pas forcément –et que son héroïne voit comme le seul chemin à emprunter. Pussy suicide, c'est énormément de drama, beaucoup de sexe, un peu de fleur bleue et pas mal de sentiments méprisables, le tout servi au shaker par une autrice qui sait très clairement où elle va. Et qui y va jusqu'au bout.

 

«Le ciel est mon drapeau», corps et territoires

«En vietnamien, le mot xác signifie “cadavre”. Il comprend la condition matérielle du corps et celle éthérée de son âme, libre et pleine de vie. Quand le corps meurt, l'âme vagabonde entre le lieu du décès et celui de l'enterrement, et dans d'autres endroits auxquels le défunt reste attaché, où l'identité de son âme est rappelée, comme l'autel aux ancêtres de la maison familiale par exemple.
Des fantômes errent ainsi au bord des routes, apparaissent dans des cuisines, des salles d'école ou d'anciens postes de police. On les rencontre à la tombée de la nuit. Ils sont particulièrement actifs et nombreux chaque 15 du mois.»

Après le singulier Orchidéiste (2023), Vidya Narine signe un récit politique et poétique, autour de la promiscuité entre les notions de corps et de territoire. Sa réflexion naît au début de l'automne 2007, lorsqu'un certain Nicolas Sarkozy, au terme d'un discours aux relents racistes, relance son idée de création d'un «ministère de l'identité nationale». La France est-elle vraiment disposée à gommer toute forme de multiplicité, quitte à se priver de mille richesses, comme un organisme qui ferait sauter ses barrières immunitaires?

L'autrice signe un livre hybride, à la fois mesuré et engagé, affirmant des convictions très fortes avec une infinie douceur. Le ciel est mon drapeau est un patchwork d'une grande cohérence, qui ausculte les lambeaux d'un pays de plus en plus profondément inscrit dans un obscurantisme gaulois. Vidya Narine évoque évidemment la diaspora vietnamienne –sa mère est née dans ce qu'on appelait alors l'Indochine–, mais elle ne cesse d'ouvrir son champ de réflexion et d'écriture. De pamphlets en poèmes, elle invite à cultiver ses racines et la fierté de ses origines. C'est éminemment précieux.

 

«Le Regard d'Aurea», quantique des quantiques

«Giulia referma l'écran. Elle ne réussissait pas à démêler, après avoir tant espéré se retrouver en présence d'Élie, les sentiments contradictoires qui expliquaient l'irritation qu'elle ressentait.
Après la nuit qu'ils avaient vécue en Toscane, elle lui en voulait de tous ces mois sans donner de ses nouvelles. En même temps, elle avait ressenti une forte conviction de sa présence autour de ce silence. Au début, elle avait pensé que c'était une construction de son esprit. Mais son intuition l'avait rarement trompée, elle sentait qu'il était là, quelque part autour d'elle.
Elle connaissait la maîtrise qu'il pouvait avoir des dispositifs électroniques; était-il possible qu'il puisse la surveiller? Folie, s'était-elle dit. Mais depuis qu'elle avait vu ce qu'Aurea était capable de faire, cette idée s'insinuait en elle, encore plus forte.
L'irritation n'était pas seule en cause pour expliquer le besoin qu'elle avait ressenti de s'abandonner au sommeil et de le faire attendre. Ce qu'elle voyait autour d'elle dans cet environnement futuriste lui faisait penser qu'Élie cherchait à se projeter pour fuir un passé douloureux; c'était la démarche inverse de ce qu'elle avait analysé chez la plupart de ses connaissances ou de ses patients qui trouvaient souvent refuge dans le passé par crainte de l'avenir.»

Plus l'intelligence artificielle (IA) entre dans nos vies, plus elle risque également d'envahir le champ culturel. Il ne sera sans doute pas bien compliqué de faire le distinguo entre les auteurs et autrices qui maîtrisent leur sujet et les autres, simples opportunistes croyant que quelques heures passées sur ChatGPT peuvent faire office d'expertise. Isaac Azancot, lui, maîtrise son sujet. Professeur au Collège de médecine des hôpitaux de Paris, spécialiste en informatique médicale, il signe un roman documenté et passionné qui mêle romance et réflexions poussées sur l'éthique.

 

Deux personnages principaux, souvent seuls en scène: Giulia, cheffe de clinique, et Élie, médecin et spécialiste de l'IA, vivent une rencontre pleine d'intensité. Bientôt Élie dévoile à Giulia sa création nommée «Aurea», dotée à la fois d'une intelligence quantique et d'un sens moral aigu. Aurea est capable de faire des merveilles et de révolutionner le monde médical, tant qu'elle ne tombe pas entre de mauvaises mains. Si l'écrivain dispose de tout le matériel nécessaire pour bâtir un terrifiant thriller technologique, il n'en fait rien: jamais Le Regard d'Aurea ne sombre dans un alarmisme clinquant, préférant dessiner un futur où tout est possible –y compris la fusion entre l'humain et l'IA–, mais où jamais l'inquiétude ne quitte le devant de la scène.

 

 «La mer est un mur», de l'autre côté

«Antoine a bien sûr été, pendant un temps, l'enfant docile qui buvait les paroles des adultes avec une attention respectueuse, mais il finirait par arriver à la conclusion qu'un saisonnier ça ne connaissait pas grand-chose à la mer.
On en voyait se déposer par grappes dans les jardins à la tombée du jour, des cousins ou des amis qu'on entendait derrière une haie, qui parlaient d'une bourrasque comme on parle avec assurance d'une montagne qu'on n'ira en réalité jamais gravir. Un mauvais grain, chez ceux-là, ça se vivait de loin, on le regardait passer pendant une partie de cartes au salon, dans un bon fauteuil au chaud, la main sur un verre de vin blanc. Antoine les considérait curieusement, ces imposteurs qui consacraient plus d'énergie à vernir leur prame qu'à se faire secouer par les vagues, et dans son esprit mal formé se figeait progressivement cette vérité qui dirigerait sa vie ici: la mer ne gouverne pas tout le monde de la même façon.»

Quiésay, île imaginaire située dans la Manche, à une vingtaine de kilomètres du continent. La population se divise en deux catégories: les gens qui partent et les gens qui restent. Dès son plus jeune âge, Antoine choisit son camp. Traîné là chaque été par son père, médecin parisien dont la mère était une îlienne, il a la bougeotte, l'envie d'aller voir ce qui se trame ailleurs. Il apparaît très vite que les efforts conjoints des autres membres de sa famille ne suffiront sans doute pas à le retenir.

C'est le petit frère d'Antoine, Joseph, qui fait office de narrateur. Il raconte la façon dont son aîné se construit en opposition à son père, en allant chercher d'autres modèles masculins symboles de son envie d'évasion. Une caserne, des marins, la rencontre avec Baptiste, local qui souhaite lui aussi s'extraire du noyau familial: les leviers de l'éloignement sont nombreux. En toile de fond, Marin Postel questionne les absurdités liées aux injonctions familiales. Doit-on quelque chose aux individus qui nous ont donné la vie? Doit-on s'excuser de ne pas vouloir suivre leur chemin? Les réponses offertes par l'auteur sont d'une délicate âpreté.

 «La Saison des bêtises», entre deux âges

«Et puis ça y est, on sonne. Est-ce le dealer? Est-ce la sœur de Ruben? Au fond, quelle importance. Il faudrait juste que quelque chose advienne. Elle ne sait pas quoi.
Quelque chose qui viendrait combler ce sentiment d'incomplétude, cette petite case qui semble lui manquer, cette légère tristesse qui lui noue un peu la gorge.
Sensation d'être comme une fleur sèche entre les deux plaques d'une presse. On dit que pour faire un herbier, il faut placer la presse à fleurs dans un endroit sombre et chaud, car les plantes sèchent ainsi plus rapidement et conservent leurs belles couleurs. La lumière fait pâlir les couleurs des fleurs. Pour les humains, c'est le contraire.
C'est la nuit qui les fait pâlir. C'est pour ça que les gens dorment la nuit. Mais maintenant, c'est trop tard de toute façon, il fait jour. Autant attendre le soir.
“C'est bon, c'est le dealer! Qui veut un trait?”»

 

La rentrée littéraire 2024 en huit romans francophones

En librairie, les récits de jeunesses abîmées semblent pulluler. Certains n'ont que du trash à offrir, d'autres jouent et rejouent encore les mêmes scénarios sans vraiment se singulariser. Mais quand émergent des livres sincères sur le sujet, qui regardent le monde en face et déploient leur identité, il y a de quoi se réjouir. C'est le cas avec La Saison des bêtises, dont l'héroïne, 25 ans, n'a clairement pas envie de vivre sa jeunesse à moitié. Alors elle célèbre, expérimente, profite de chaque parcelle de nuit. Tout, plutôt que de s'arrêter. La vieillesse guette et la moindre minute compte.

C'est un carrefour que décrit Mathilde Henzelin. Celui qui mène son personnage principal, Victoire, vers une trentaine qui la poussera à se réinventer ou à s'assagir. La Saison des bêtises est un livre en forme de fin de cycle. Car si rien n'oblige à se ranger à partir d'un certain âge, un mélange de lassitude et de fatigue chronique pousse peu à peu la jeune femme à envisager d'emprunter d'autres directions. Ça n'empêche pas de vivre vite en attendant de prendre sa décision.

 

Slate.fr

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