La communauté haïtienne de France : quel dynamisme !

La communauté haïtienne de France vibre au rythme de son pays d’origine, comme en témoignent les récentes initiatives culturelles, musicales et communautaires qui relient l’exil à la mémoire. Loin d’être figée, cette diaspora affirme sa vitalité à travers des gestes, des événements, des hommages qui participent à une reconstruction symbolique d’Haïti, depuis l’étranger.

Le cinquième passage en Europe de l’orchestre Tropicana en mai 2025 a illustré cette énergie. Lors d’une soirée mémorable en banlieue parisienne, le groupe a fait danser un public venu nombreux, de 23 h à 5 h du matin, au son de ses plus grands succès : Poukisa, Superstition, Adam et Ève. Comme toujours, Tropicana a prouvé que sa rigueur et sa discipline restaient intactes, des vertus cardinales dans un contexte où l’excellence artistique se fait rare. Une plaque d’honneur a été remise à M. Pierre Pelota, administrateur du groupe, par le CORRECOF, au nom de la communauté haïtienne de France, à travers Ronald Pierre et Ernest Naissant.

Mais la diaspora ne se limite pas à la musique. Le samedi 3 mai, Bazile Peggy, figure engagée de la communauté, a renouvelé son projet Miss Joumou, une initiative née trois ans plus tôt pour valoriser ce symbole culinaire chargé d’histoire. Pour lui, la soupe joumou est bien plus qu’un plat : elle est un récit de libération. Chaque année, une jeune femme est élue Miss Joumou, porteuse d’une mission éducative et symbolique. Cette année, l’honneur est revenu à une jeune universitaire dynamique, Kerisch Helenta Roussel, qui incarne parfaitement le croisement entre mémoire et modernité.

La cérémonie se tient toujours dans un restaurant, dans une ambiance conviviale, mais chargée de sens. Elle était animée par Chantal Guerrier et moi.

Autre moment fort : la cinquième édition de Grâce Production, le 28 mars dernier à Argenteuil. L’événement a réuni les principales composantes de la communauté haïtienne de France, dans une salle comble et chaleureusement décorée. Dirigée de main de maître par Wilson Chérie et Myrveline Altidor, cette soirée a mis à l’honneur les femmes haïtiennes engagées, ces figures de courage et d’intelligence qui, en France, font vivre une certaine idée d’Haïti.

Parmi les lauréates de cette édition 2025 : Maryse Saint-Pierre Cyprien, diplomate, docteure en Relations internationales, conférencière à l’UNESCO ; Mickaëlle Lafontant Médard, poétesse et critique d’art ; Cottecheese Pierre, féministe radicale et fondatrice du mouvement Fanm Eklere ; Chantal Guerrier, journaliste au Figaro et fondatrice de l’association Haïti-Oise ; et enfin Esther Saint-Ville, présidente de la PAFHA, actrice incontournable du monde associatif. Chacune, à sa manière, incarne une forme de résistance culturelle, une volonté de transmission et de transformation

Joanne Ilean Léone, alias La Belle Jojo, a également été honorée pour son apport artistique. Véritable icône numérique, elle incarne une culture haïtienne vivante, colorée, expressive, portée par la créativité et la liberté. La soirée s’est conclue avec la performance poignante de l’artiste invitée Fatima Altieri, dans un moment de grâce empreint d’émotion et de fierté partagée.

Il faut saluer la présence active des représentants diplomatiques haïtiens, venus en nombre sous la conduite de M. Louino Volcy, chargé d’affaires. Le CORRECOF, la PAFHA et d’autres grandes structures communautaires étaient également de la partie, témoignant de la cohésion d’un tissu diasporique encore capable d’unité et de vision.

Au sein de la communauté haïtienne de France, on vit Haïti avec intensité. Parfois, cette intensité fait oublier qu’elle s’exprime depuis l’étranger. Mais peut-on vraiment dissocier l’exil de la patrie lorsqu’on porte en soi une mémoire si tenace ? Entre mémoire et engagement, la diaspora compose une fresque humaine et culturelle d’une richesse rare. Elle rêve d’un autre Haïti, avec ferveur, lucidité et une foi contagieuse.

À l’heure où le pays traverse une nuit profonde, ce rêve est peut-être notre plus précieux héritage. Et Grâce Production, comme tant d’autres initiatives, en est l’un des visages lumineux.

 

Maguet Delva

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