Demesvar Delorme : dimension et limites

Journaliste, parlementaire, secrétaire d’État, diplomate, écrivain, conférencier, un géant de la littérature, de la pensée et de l’action politique en Haïti lors de la seconde moitié du XIXe siècle. Tous ses contemporains : amis, ennemis, alliés reconnaissent la richesse de son apport à la vie nationale.

Paraissent enfin en un volume les « Mémoires » de ce grand homme que seuls des chercheurs lisaient en fragments dans les colonnes d’anciens journaux. Aussi, la plume élégante, colorée de l’humaniste entraînera le lecteur sur le cours tumultueux d’une histoire individuelle mariée à celle de son pays et de sa ville natale. Défilent les circonstances de sa fondation, le Paris de Saint-Domingue, les agitations de la période révolutionnaire , les fastes de la capitale du roi Henry, le terrible séisme de 1842, la lente reconstruction, l’insurrection populaire avec Sylvain Salnave, la carrière littéraire, politique du mémorialiste avec ses choix difficiles, ses épreuves, ses déceptions, ses réalisations, ses exils, ses retours.. Bref, sa douloureuse condition d’homme politique animé par une certaine idée de son Haïti livrée aux prévaricateurs et aux criminels de tout acabit. Le lecteur prendra plaisir à parcourir la remarquable étude qu’Horace P. Sannon a consacrée à l’illustre Capois.

Demesvar Delorme fut donc un combattant par la parole, l’écriture, la poudre et les balles. Jamais pour son profit, mais pour la cause. Car, son nom incarna un temps la cause nationale, patriotique. Avec ses défauts, ses rêves, ses contradictions. Car, il s’agit d’un homme, non d’un dieu, encore moins d’un Messie. Bien des écrits ont été consacrés à son œuvre. Tentons d’y déceler les idées maîtresses ainsi que les paradoxes du penseur.

 

Sa vision des relations internationales et de notre place.

En 1870, dans « Les Théoriciens au pouvoir », il souligne et dénonce « la tendance d’annexion (des États unis) qui menace l’autonomie des peuples voisins… l’idée mercantile… presque exclusivement matérialiste du profit commercial et de l’intérêt, poussée jusqu'à l’exagération… : c’est en effet l’extension illimitée de l’ambition du gain dans le commerce qui est l’unique mobile des annexionnistes ». Delorme estime pratiquement impossible l’application de la doctrine de Monroe au Mexique, aux Antilles. Selon lui, elle se heurtera aux « liens naturels de rang, de mœurs, de traditions, de tendances ». Choc de civilisation, à bien comprendre sa thèse dans son livre « La Démocratie et le préjugé de couleur aux États-Unis. Les nationalités américaines et le système Monroe » (1866). Plus encore, « Au point de vue pratique et administratif, la chose serait impossible par l’étendue du service, la complication infinie des rouages, l’accroissement outre mesure des charges publiques nécessaires pour maintenir dans le devoir des peuples si jaloux de la liberté et dont l’insurrection et la guérilla deviennent dans l’annexion l’état normal et permanent ». Il développe cette ligne de pensée en 1870 dans « Les théoriciens au pouvoir ». Quatre ans plus tard en 1874, dans sa « Réponse à Édouard Pinckombe sur l’article 7 », il met en garde ses compatriotes qui perdraient toute dignité, en sollicitant l’occupation d’un État raciste ou en l’acceptant. Il affiche sa méfiance même du chemin de fer qui favoriserait la pénétration étrangère dans une Haïti sans routes, sans ponts sur les cours d’eau, à l’agriculture archaïque.  Notre économie arriérée n’occupera pas « ces voies ferrées » et n’apportera pas de « dividende à la compagnie ».  Ce serait mettre la charrue avant les bœufs.

Cependant… Malgré les menaces, les vexations, les extorsions subies par notre pays dans ses relations avec l’Europe et les États-Unis, Delorme rêve une solidarité américaine. Dans « Les théoriciens au pouvoir » (1870), que déduit-il ? « S’unir aux peuples du Nouveau Monde par des traités internationaux, contribuer par ces alliances à une solidarité américaine par rapport aux revendications européennes, étendre son commerce avec ces nations qui, placées pour la plupart sous les tropiques, ont plus d’intérêt à développer la production des denrées tropicales devenues dans le monde d’un usage général et indispensable qu’à se livrer à la fabrication et à la manufacture qu’elle exploite seule dans toute l’Amérique ;s’enrichir ainsi par l’approvisionnement en matières œuvrées dans ces pays essentiellement agricoles : tel est le véritable intérêt de la République du Nord : » Delorme comprend et accepte le rôle qui est ou sera dévolu aux pays d’Amérique latine et de la Caraïbe dans l’organisation et le fonctionnement de l’empire nord-américain. Sur le plan politique, en conséquence, ils s’allieront aux États-Unis face aux puissances de l’Europe. En 1866, dans « Les Nationalités américaines et le système Monroe », il pousse les USA à « exercer… son action politique… en qualité d’arbitre des autres nations américaines dans leurs différends entre elles et surtout dans leur rapport avec les puissances européennes ».

 Souvenons-nous. En 1866, Delorme est en exil en Europe. Aux côtés du populiste Sylvain Salnave, il a perdu la bataille du Cap-Haïtien, après 6 mois de siège, face à l’armée de Geffrard aidé par les canons de la marine anglaise. Les chefs insurgés ont eu leur vie sauve grâce au commandant d’un navire américain. Cette alliance avec les USA, vitale à ses yeux, condamne à changer de maître, non de métier. Le voit-il ? En 1866, peut-il comprendre l’inexorable avenir impérialiste d’une gigantesque économie capitaliste en construction ? Distinguer la différence entre quête d’hégémonie et impérialisme ? L’intrusion britannique au Cap, décisive pour l’issue des combats, marque définitivement la fin de l’État dessalinien, jaloux de son indépendance. Désormais, nul gouvernement local ne pourra survivre, vaincre ses opposants sans un tuteur étranger. Haïti, en panne de ressources, ne peut plus être auto-suffisante. Est-ce cette brutale évidence que comprend Delorme, qui le limite ? Haïti doit-elle s’ouvrir franchement à l’économie internationale ou patauger, s’enfoncer dans l’isolement ?

 Creusons la question en examinant sa position sur l’article 7 de la constitution interdisant la propriété aux étrangers. En 1874, à Édouard Pinckombe partisan de sa conservation, Delorme répond : « Il faut que nous nous mettions à nous organiser d’une manière intelligente et à prospérer par le travail agricole pour que nous en venions ensuite à modifier, puis à rapporter, quand notre situation intérieure l’aura rendue inutile ». Il préconise des changements à chaque étape de nos progrès par l’ordre, la discipline. Ainsi, nous arriverons à sécuriser nos intérêts et permettrons les investissements étrangers, garantirons leurs propriétés. S’agit-il ici des limites de Delorme seulement ou de celles du pays ? Un État fort dégagerait-il assez de ressources internes dans une lutte âpre contre la corruption, le gaspillage, par une sévère discipline fiscale pour un décollage autonome ? La question reste ouverte et les preuves à fournir par la pratique toujours à venir.

Sur le plan culturel, Delorme affiche davantage de paradoxes. Comment l’écrivain des « Théoriciens au pouvoir » où défilent de superbes pans de notre nature tropicale, expose sa connaissance de nos mœurs rurales et urbaines, a-t-il pu choisir l’Europe du Moyen-âge, l’Italie de la Renaissance comme creuset pour l’évolution de ses personnages de romans qui nous sont totalement étrangers ?  Libre au créateur de choisir ses créatures et leurs milieux. Mais, avouons que cet exercice d’universalité au nom de la liberté dans l’art relève de l’aliénation. Price- Mars, dans « Ainsi parla l’Oncle », le taxe de bovarysme et juge que Delorme a « sacrifié à l’un des plus stupides, parmi les plus plats préjugés qui jugulent l’activité haïtienne, à savoir que notre société, dans son passé comme dans son existence actuelle, n’offre aucun intérêt à l’art du romancier… En vérité, le cas de Delorme est une illustration de notre mentalité qui n’accorde de relief à la personnalité intellectuelle d’un écrivain que si elle est projetée sur l’écran incertain de la gloire étrangère : »

 

Sa vision de l’organisation de la cité.

Quoique cyniquement éjecté par Sylvain Salnave d’un pouvoir dont il fut le second personnage, la figure prestigieuse par son passé de député libéral et son charisme intellectuel, les ennemis du populisme salnaviste, même après leur victoire, l’accusent de participation à l’attaque des cohortes populaires contre la Chambre, du déclenchement de la guerre civile où s’affrontèrent paysans du sud et ceux du nord. Leur accusation s’exprime. Précise et cinglante. Il la relaie dans son livre « Les Paisibles » (1874), paru six ans après ces graves événements. Que fit-il « pour réprimer les appétits insatiables de ceux qui, sortis des dernières classes de la société, ont surgi tout à coup au grand jour et ont réclamé…, ont pris place, grades, argent, propriété par force, séductions ou terreur ? » Delorme leur répond en se distançant de ces gens surgis d’en bas : « Ainsi, c’est moi qui devrais, du jour au lendemain, extirper ces lèpres de prétentions et d’audace qui n’ont cessé de s’étendre sur ce pauvre pays, depuis l’époque des populaires, depuis la période de Jacques Acaau jusqu’au moment où nous voilà ». Sa position sociale sort nettement quand il poursuit : « Je n’ai jamais été en bas, aspirant à monter… le sont ceux qui sont dans ce cas, qui peuvent favoriser les partageuses donnant l’assaut à l’ordre social pour avoir, à tout prix et sans titre, la fortune et les premiers rangs. Si on a vu surgir… des inconnus manifestant des prétentions, en quoi les ai-je accueillis, favorisés ? » Dans ses « Réflexions diverses sur Haïti » (1873), il avait nettement indiqué un an avant « Les Paisibles » : « Ce que je souhaite, moi, c’est de voir mes concitoyens des villes apporter dans les plantations leur intelligence et leurs capitaux qu’ils emploient sans fruits dans un commerce sans aliment : les Haïtiens intelligents s’appliquer à refaire ces grandes existences de propriétaires ruraux… et acquérir cette indépendance personnelle, cette considération qui forment dans tous les pays la classe des conservateurs libéraux, je pensais en disant cela à cette Angleterre .. où les propriétaires ruraux composent les classes élevées de la société et sont  en possession de gouverner l’État : » Soucieux d’une forme de justice, il réclame « une proportion équitable du salaire et la part du travailleur au rendement de la propriété qu’il contribue à faire valoir ».

Sur l’épineuse question du socialisme, son analyse dans « Les théoriciens au pouvoir » revêt un puissant intérêt. Quand cet important ouvrage paraît en 1870, la plus meurtrière guerre de classes de notre histoire s’achève par l’exécution du leader populiste Sylvain Salnave et par une sanglante répression de ses partisans en milieux populaires dans les villes comme dans les campagnes. Ces hécatombes durent 3 mois. Les évènements de la commune de Paris ébranlent la France et les idées socialistes sont largement diffusées dans cette Europe où Delorme subit l’exil. Il se déclare, dans son ouvrage, farouche d’adversaire du communisme qu’il estime « une arme funeste aux mains des pervers ». Il le voit comme un projet de nivellement par le bas et un authentique danger par sa démarche radicale.

Que nous enseignera la vérité des faits selon lui ? L’État, distributeur de ses terres, sera inévitablement porté à  distribuer les biens privés. Il lui faudra « quinze jours après, faire une nouvelle abolition et un nouveau partage pour déposséder ceux qui auraient su conserver leur lot au profit de ceux qui auraient perdu ou dissipé le leur …. Puisqu’il a des hommes qui savent conserver et d’autres qui  veulent dissiper ». Par la reproduction des inégalités, le communisme est impraticable et  déraisonnable.

Que préconise le droit ? Les institutions étatiques doivent assurer aux citoyens les moyens de posséder par l’instruction, le travail, la protection et non leur apporter la propriété. La nature enseigne, selon Delorme, que la propriété repose sur la force et le droit du premier arrivé. La civilisation, toujours à son avis, indique que la propriété est la récompense du travail ou un héritage. Pour lui, « le socialisme ne peut consister que dans l’amélioration des conditions de travail… la protection des classes ouvrières, l’abaissement de celles des lois fiscales dont elles portent le poids indirectement, l’élévation proportionnelle des salaires, l’association des travailleurs, l’institution de plus en plus développée de caisses de crédit, de secours, de retraite à leur profit. » Bref, un État précurseur de l’État-Providence. La grande frayeur de Delorme vient de la mise en commun prônée par le socialisme depuis Platon pour arriver à Babeuf, Fourrier, Saint-Simon. Il proteste : « Comment voulez-vous qu’avec la culture de l’intelligence… les hommes supérieurs ne consentent jamais à cette abrutissante égalisation, cette uniformité de la ration et de la misère, cette promiscuité révoltante de l’adultère et de l’inceste ? »

Leader modéré du parti national en lutte avec le parti libéral de Boyer Bazelais et d’Edmond Paul, il répond à deux autres questions capitales posées en son temps. La première ? Préconiser l’agriculture ou favoriser une politique industrielle ?

Delorme privilégie l’agriculture par l’insertion en milieu rural du « capital et de l’intelligence qui s’épuisent dans nos villes en efforts stériles dans un commerce si bas » (Réflexions diverses sur Haïti »)  De quelles industries notre pays a-t-il besoin selon lui ? « Celles qu’inspire la nature des choses, pêcheries, fabrication du sucre et production de l’indigo » (Réflexions…)

La question du papier-monnaie, de la crise financière surtout après la guerre civile de 1867 – 1870 ? Pour lui, là encore, les progrès de l’agriculture solutionneront le problème du papier-monnaie « dont la valeur serait relevée graduellement par des retraits opérés chaque année » (« Réflexion..) Pour ce « sauvetage matériel », les nationaux veulent un gouvernement fort tandis que leurs adversaires libéraux prêchent et appliquent quand ils le peuvent, un contrôle parlementaire rigoureux, tatillon du pouvoir satrape, corrompu. National modéré, Delorme fait équilibre entre le libéralisme de Bazelais, de Paul et les adeptes du pouvoir musclé. Un éclectique, donc. Dans « Les théoriciens au pouvoir », il écrit : « Les hommes d’étude et de réflexion deviennent libéraux-conservateurs. En leurs qualités de libéraux, ils ont à cœur les droits des peuples ; en leur qualité de conservateurs, ils veulent un pouvoir capable de préserver ces droits de la ruine qu’entraîne le désordre ». Remarquons que tout national il fut, il endura la prison sous Salomon ; national brutal et seule l’intervention énergique de l’éducatrice Argentine Bellegarde le tira de l’humiliation, le sauva de la fusillade. Lui, un citoyen honnête, éclairé, capable comme disaient les slogans des libéraux : « Le pouvoir aux plus capables » et surtout  « Ne pas voler, ne pas laisser voler ». Là, il rejoint ses adversaires quand il avance dans « Les Théoriciens au pouvoir » : « Il faut pour gouverner un homme de lumières et de réflexion qu’il n’est pas possible de trouver dans la multitude, jamais une et jamais calme… le peuple ne peut gouverner que pas ses élus, par les plus capables sortis de son sein… Pour éloigner de ce système toute idée d’oligarchie, séparons ces plus capables de toute acception de caste ou de parti, de naissance ou de fortune. Prenons-les où ils se trouvent : » Plus loin il ajoute : « Le système que je défends est l’élection et l’égalité. Mais l’égalité serait un leurre si l’on y ajoutait la faculté donnée aux plus humbles de s’élever de plus en plus par le mérite et l’activité. Qu’importe que j’aie le droit de devenir sénateur… si je n’ai pas les moyens de faire les études qui me permettent d’y prétendre ! »

Contrairement aux nationaux extrémistes comme Lysius Salomon dans sa brochure « Une défense » (1861), et Louis-Joseph Janvier dans « Les Affaires d’Haïti » (1885) et « Les Constitutions d’Haïti » (1886), Delorme n’utilise pas la question de couleur de peau comme arme idéologique et politique pour prendre et conserver le pouvoir par la manipulation des masses populaires ignorantes et en écrasante majorité noire. Pour leur part, les libéraux tiennent cette question pour inexistante. C’est ouvrir la voie à toutes les suspicions, car les principaux meneurs de ce parti sont mulâtres. Ils ne présentent pas des arguments susceptibles de vaincre des prétentions et de permettre un alignement autre que celui traditionnel de la teinte épidermique.

Cependant, Salomon manipulateur des griefs paysans en 1844 dans le sud, devenu président en 1876, laisse tomber les revendications économiques égalitaires des Piquets. D’ailleurs, le leader paysan Acaau, découvrant la manœuvre des Salomon satisfaits de la politique de Philippe Guerrier, n’avait-il pas pointé les canons de la ville des Cayes contre ses anciens chefs ? Leur lutte se réduit à une compétition avec la portion dite jaune des élites pour la domination politique. Et la question de couleur est une bombe sociale entre leurs mains. Aussi, à la chute de Salomon en 1888, le problème demeure.

Delorme dénonce surtout le racisme anti-noir aux États-Unis et indique combien chez les Occidentaux, « la raison est circonscrite dans le préjugé et combien les Haïtiens doivent s’efforcer d’élever leur pays parmi les nations ». Hannibal Price et Anténor Firmin se souviendront des avertissements de Delorme dans leurs œuvres respectives. Grâce à leurs travaux, ces penseurs méritent bien d’être considérés comme les ancêtres du concept de la négritude. Jean Price- Mars est leur héritier idéologique sur ce point.

 

Un réformateur libéral et conservateur.

 L’analyse de la pensée et de l’action de Delorme requièrent de le placer en son temps, c’est-à-dire de tenir compte des idées en vogue en cette seconde moitié du XIXe siècle, des modèles de réussite économique et politique reconnus. Évitons de l’estimer avec les yeux d’un héritier du savoir du XXe siècle et du début du XXIe siècle. Il n’est pas un révolutionnaire, tout comme les politiques et intellectuels de haut vol de son époque : les libéraux et démocrates comme Bazelais, Edmond Paul, Hannibal Price, Anténor Firmin, les nationaux Louis-Joseph Janvier, François Légitime, etc.… Il revendique un conservatisme libéral, préconise des réformes et non un changement radical des structures. Malgré son conservatisme, les forces réactionnaires ont combattu ses tentatives de réformes, même son compagnon : le populiste Sylvain Salnave juge finalement cet intellectuel encombrant, gênant et s’en débarrasse. Le pouvoir haïtien composé de corruption, de violence, de médiocrité ne tolère pas la moindre étincelle, la flamme la plus timide dans son engeance ténébreuse. Sauf si elle accepte de servir de décoration, d’alibi. Pourtant, Delorme prêcha sincèrement la production agricole nationale, œuvra déjà pour la formation d’un clergé indigène, se soucia de la formation intellectuelle des jeunes, encouragea la diffusion des idées, la tolérance dans les débats même en pleine guerre civile… On lui reproche avec raison sa haute estime de lui-même qui le poussa à lancer à ses contradicteurs des épithètes pleines de mépris social. On adressera cette critique de la vanité à Anténor Firmin qu’il traita de petit nègre de la Fossette lors d’une polémique.

Défauts regrettables de deux grands Haïtiens en ces temps où l’instruction n’était pas assez répandue et constituait un pouvoir. Malheureusement, leurs rivaux mirent leurs péchés en exergue, nièrent presque leurs qualités parce qu’ils ne les possédaient pas, les leur enviaient et les tinrent en échec. Notre pays perdit des opportunités de sortir des ornières et ceux qui ont mené Haïti à la catastrophe sont des disciples de leurs détracteurs.

Il n’est point indispensable d’être un Delorme, un Firmin, pour mener à bien la barque nationale. Mais, un minimum est nécessaire, avec un entourage éclairé, un soutien social, une volonté de cheminer vers le progrès. Car là où se manifeste cette volonté, la route peut être percée.

 

Michel Soukar

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