Célébrer le centenaire d’un géant de la littérature haïtienne.
Une année pour Depestre
La Direction nationale du livre (DNL) inaugure l’année du centenaire de René Depestre, célébrée du 29 août 2025 au 29 août 2026. À travers cette commémoration, c’est toute une vie consacrée à l’écriture, à la poésie et à l’engagement littéraire que l’on honore. L’auteur de Hadriana dans tous mes rêves s’impose comme une figure incontournable, dont l’œuvre transcende le temps et les frontières.
Le poète avant tout
Même lorsqu’il s’aventure dans le roman, René Depestre demeure avant tout poète. Sony Labou Tansi ne disait-il pas que « l’on est écrivain à condition d’être poète » ? Chez Depestre, la poésie ne se dissimule pas, elle habite ses récits et rayonne dans leurs titres mêmes : Alléluia pour une femme-jardin, Hadriana dans tous mes rêves, Le Mât de Cocagne. Chacun de ces titres révèle une sensibilité lyrique qui confirme l’évidence : Depestre est, et restera, un poète éternel.
L’héritage des devanciers
Dans Hadriana dans tous mes rêves, Depestre s’inscrit dans une filiation littéraire qui remonte aux pionniers de la « génération de la Ronde ». Ces écrivains cherchaient à enraciner leurs œuvres dans le terroir haïtien, en puisant dans le quotidien des zones rurales (andeyò). Ainsi, Justin Lhérisson, dans La famille des pittite-caille, forgeait des personnages aux noms évocateurs et typiquement créoles : Boutnègre, Ti-Coq, Golimin, Cabatoute. Depestre hérite de ce réalisme enraciné en donnant à ses personnages des noms qui respirent la terre haïtienne : Balthazar Granchiré, Ti-Joseph, et tant d’autres.
En outre, Depestre rend hommage à ses compagnons de route. Dans son roman, semblerait qu'il glisse subtilement des références à Jacques Stephen Alexis, en citant les titres de ses œuvres: L’espace d’un cillement, Romancero aux étoiles, Compère Général Soleil. Parfois il ne reste qu'un mot au détour d'une phrase pour évoquer le titre complet comme un signe discret, mais vibrant de reconnaissance. Ces clins d’œil rappellent que la littérature est un dialogue entre générations, une chaîne de mémoire et de combat.
Un miroir de la société haïtienne
Hadriana dans tous mes rêves est également une fresque sociale et culturelle. Le roman s’inspire de la croyance haïtienne en la zombification et fait de la mort de Hadriana une scène à la fois tragique et révélatrice.En inscrivant ce mythe profondément haïtien au cœur de la fiction, Depestre donne à voir une société où les rites, les croyances et les contradictions deviennent matière littéraire.
Un héritage littéraire universel
Célébrer le centenaire de René Depestre, c’est célébrer une littérature enracinée le local (Haïti), mais ouverte sur l’universel. C’est reconnaître un écrivain qui, à travers la poésie, le roman et l’essai, nous lègue une œuvre d’une richesse inestimable, faire chanter les rêves et les luttes, inscrire Haïti au cœur des imaginaires du monde.
Feguerson Fegg THERMIDOR
ecrivainfeguersonthermidor@gmail.com
