Standing ovation pour Les monologues du vagin au Festival théâtre communauté des Noirs

Dans le cadre de la quatrième édition du Festival théâtre communauté des Noirs qui se déroule au Cap-Haïtien et à Montréal du 12 au 27 mars 2022, le public capois a assisté à une représentation théâtrale de la pièce fétiche de l’autrice New -Yorkaise Ève Ensler « Les monologues du vagin », créée en 1996 à Broadway. Cet événement exceptionnel, concocté pour les amants de la scène par la Compagnie théâtre créole, s’est tenu dans l’antre de l’Alliance française du Cap-Haitien le jeudi 17 mars 2022. Cette pièce est une sorte de réappropriation de la parole féminine sur la sexualité.

Le temps ayant fait son œuvre, le public de partout connaît désormais le sort de la pièce « Les monologues du vagin » qui fut le prétexte de nombreuses représentations. Sur une mise en scène de Jean Marc Voltaire, avec la participation de   Urielle Anténor, une comédienne à la hauteur de son rôle, la représentation a bénéficié de la participation de NIFE (Compagnie de théâtre et arts visuels).

 Sur une scène presque vide balayée par la lumière douce des projecteurs, Urielle Anténor , belle comme une fleur et fragile comme elle seule, est apparue sous les regards des spectateurs vêtus de noir. Un collant et un simple maillot laissant voir toute la morphologie de son corps. Ses cheveux abandonnés aux bons soins du vent, parfois elle les cache avec des mouchoirs pour le besoin du scénario et porte des foulards à la taille et autour du cou. Le tout forme un ensemble qui unit et mêle simplicité, féminité et une certaine sensualité. Sur scène, il y avait seulement deux chaises qui donnent l'impression qu'elle s’adresse à un personnage. Pourtant c’était un monologue quelque chose venant de l’intérieur, dans les bas fonds de l’âme. Cependant, par moments, elle a su instaurer un dialogue avec son public et a ainsi contribué par delà les masques des personnages qu’elle portait dans sa voix à l’édification esthétique et morale des spectateurs

Par la traversée des apparences et le redoublement des illusions, elle a exprimé l'intensité de ses silences, traduit ses ressentis autour de la partie génitale de la femme. Elle dit tout, exprime tout, se moque de tout, fait entendre les voix multiples de deux cents femmes de toutes conditions sociales et de confessions religieuses pour parler de leur vagin, un univers complexe tellement doux placé sous la peau. Les interviews ont été émouvantes. Aucune de ces femmes n'avait jamais parlé de leur vagin appelé par plus d'un « bouboune », «chouchoune»,  «chatte » « foufoune ». Des appellations qui varient selon les localités ou les régions mais en fonction des mœurs et de l'éducation de chacun. Pour en finir avec les tabous.

 Ces femmes ont confié leurs sensibilités leurs aspirations, leurs angoisses, leurs joies parfois les plus intimes, de l' apprentissage de la sexualité en passant par la maternité jusqu’au  machisme ambiant. Durant les discussions tout était en effet sujet de débats : Les comportements sexuels, le libido, la forme du vagin, son odeur, les expériences de la vie courante, les récits décapants des femmes violées et frigides  et cet appel à l'unité lancé par tous les : » bouboune » du monde pour que les femmes puissent parler sans peur de leur vagin, leur moteur, leur centre de gravité. Elles ont aussi parlé de sexe de façon crue et joyeuse. Elles ont participé à des ateliers. Elles se laissaient s’affranchir du regard de la société et celui des hommes. Le but de ces rendez-vous est d'encourager ces femmes à mieux connaître leur corps.

« Mon vagin est en colère. C’est vrai. Il en a ras le bol. Mon vagin est furieux et il faut qu’il parle, Il faut qu’il parle de toutes ces conneries. Il faut qu’il vous en parle. Bon, c’est quoi le problème ! Line armée de gens, la, qui n’ont qu’une idée en tête, torturer mon pauvre cul, mon adorable petit vagin… Ils passent leur temps à inventer des trucs de malades, des idées dégoûtantes pour me saper la foufounette. C’est des enfoirés du vagin.

Toutes ces saloperies, ils essayent sans arrêt de nous les rentrer dedans, de nous aseptiser- de nous boucher avec, en un mot de nous annihiler le vagin. Eh bien non. On ne supprimera pas mon vagin comme ça. Il est furieux, mais il reste bien là. Tenez, les tampons – c’est quoi celle saloperie ? Un putain de bout de coton tout sec qu’on se calle, là franchement, ils pourraient pas trouver un moyen de les lubrifier délicatement leurs tampons? Dès que mon vagin en aperçoit un, il est en état de choc. Il dit: pas question!» Et il se ferme. Vous devez travailler pour les vagins, leur présenter les choses, les préparer. Ça sert à ça les préliminaires. Vous devez convaincre mon vagin, le séduire. Gagner sa  confiance. Et je peux vous dire que vous n’y arriverez jamais avec un putain de bout de coton tout sec. »

Pièce qui se veut féministe, Les monologues du vagin sinueuse, complexe et sensuelle à souhait  contient de nombreuses traces autobiographiques La réussite de ce spectacle théâtral  à l’Alliance française du Cap-Haitien tient du fait de la capacité de Urielle Anténor de rentrer dans les différentes mises en scène en incarnant différents personnages avec une humilité et une humanité hors normes. Et sa capacité à retenir l’attention du public pendant deux heures de temps sans se lasser. L’interprétation d’une vielle dame et la partie où la comédienne se masturbait sur scène sont les temps forts de la pièce. Urielle Anténor, sublime sur la scène, a tenté de surmonter la torpeur du quotidien des femmes vis-à-vis de leur vagin et de la sexualité à force de rêveries et de réflexions. C’était sans forcer la note une soirée réussie.

 

Schultz Laurent Junior

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