Gaëlle Bien-Aimé : du sang neuf dans le théâtre ces «Nouvelles Dramaturgies d’Haïti»

« Que ton règne vienne », de la dramaturge Gaëlle Bien-Aimé est le sixième texte du premier tome. Découvrons ensemble le résumé (la trame) et la présentation (l’à-propos) de ce texte.

Trame
Haïti 2020 : deux hommes, deux âmes confrontées à la mort qui plane...
Deux témoins privilégiés au cœur d’un pays en crise proche du chaos.
Deux hommes, qui ne se connaissent pas, se retrouvent bloqués ensemble dans les rues enflammées de Port-au-Prince. Dans ce climat de peur, d’insurrection, une intimité se crée, une amitié ? Revendication d’un peuple qui veut simplement vivre en sécurité et être libéré de l’oppression des gangs armés qui le terrorisent en toute impunité.


Ces deux humanités vont se rapprocher, se rassurer mutuellement bercées
par le chant du chœur, antenne sensible d’une voix universelle.

À propos
Quand la pièce débute, deux hommes qui ne se connaissent pas se sont réfugiés dans le coin d’une rue, cernés par la violence et le chaos d’une manifestation.


On est à Port-au-Prince. P et B sont bloqués dans ce huis clos à ciel ouvert et
la parole s’affole. Ils disent leur peur, leur indignation et aussi leur résignation.
Ils parlent souvent en même temps, leurs voix s’entremêlent, s’entrechoquent
et leur reviennent en boomerang comme après s’être heurtées contre une paroi invisible. P et B sont exaspérants, empêtrés dans leurs contradictions dont ils n’ont qu’une conscience éphémère. En creux, ils disent ce qu’une société patriarcale fait aux hommes, ce qu’elle exige d’eux.


Gaëlle Bien-Aimé ne fait aucune concession dans sa dénonciation des violences faites aux femmes, violences qui vont jusqu’au meurtre, mais elle le fait en donnant la parole à deux hommes pour tenter d’en éclairer les mécanismes.


Gaëlle est très connue en Haïti pour ses batailles politiques, artistiques et
ses spectacles, souvent en créole, dans lesquels elle dénonce les pouvoirs de son pays qui, à l’image du machisme, gouvernent par la violence, le déni,
l’impunité, la complicité et le silence. Avec cette première pièce écrite sans
l’urgence de la porter elle-même à la scène, l’autrice creuse jusqu’à faire apparaître une architecture de la violence : solide, transmise, qui structure
la pensée jusqu’à laisser croire que la division des êtres humains, la violence
des hommes sur les femmes, la violence des pouvoirs est une évidence, une nécessité, une cohérence dans un environnement politique et social effondré.
Architecture invisible de la violence, seule encore debout dans les ruines.
En contrepoint à l’immobilité des deux hommes, un chœur s’élève
régulièrement, dans une langue ample, en un long poème qui contraste
avec les répliques courtes de P et de B et leur flot de paroles ambivalentes. Le poème dit le silence, mais aussi la vitalité des femmes. Même si ce sont leurs corps qui subissent les violences, le viol, même si ce sont elles qui meurent, elles incarnent la verticalité, le souffle de la parole debout. Chœur comme une résonnance féminine, poétique, puissante et sensible à ce chaos, à cette boue dans laquelle tou.te.s sont englué.e.s.


Gaëlle Bien-Aimé écrit en femme libre et combattante ; elle écrit pour galvaniser, pour inspirer. Sa langue est tantôt ramassée, trouée tantôt déployée, poétique. Que ton règne vienne, une prière, une injonction adressée aux vivants pour un règne de toutes les paix ?

Nadine Chausse

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