Littérature contemporaine : choix thématiques dans l'enseignement de la culture littéraire en Haïti

La culture littéraire haïtienne et francophone occupe une place centrale dans l'enseignement dans le nouveau secondaire haïtien. Elle trouve toute sa place dans la volonté du ministère de l’Éducation nationale (MENFP) de substituer les cours d'histoire littéraire haïtienne et française par celle-ci.

 Les cours d'histoire littéraire dans leur mise en œuvre traînaient ce double handicap :  d'une part, l' indisponibilité des manuels de cours à fort tirage à l'usage des apprenants et voire même à l'usage des enseignants / es de ces matières (cf Les manuels de P. Pompilus et de R. Béroux, de G. Gouraige, de H. Trouillot, H. Jadotte et D. Fardin 1, etc.) les manuels disponibles - à côté de leur intérêt didactique- tiennent pour la majorité un contenu sclérosé, figé et non dynamique ( Les cours de littérature d'E. Manigat, de P. Pompilus et de R. Béroux 2, notamment).D'autre part, lesdits cours et manuels s’intéressent au mieux à l'histoire littéraire ( vie des auteurs, résumés de l'œuvre, entre autres) et négligent la lecture thématique et comparative des œuvres, cas d'intertextualité, évolution thématique au cours de différentes périodes, permanences et divergences de vues d'un thème sous des latitudes différentes ( autres pistes de lectures possibles de « Le lac » de Alphonse de Lamartine et de « La brise au tombeau d'Emma » de Coriolan Ardouin, Jonction et divergences du thème Spleen chez Baudelaire et Seymour Pradel).

 Dieulermesson Petit-Frère, dans le « Dossier Max Dominique » publié sur le Portail littéraire « Île en Île » a souligné les défauts de la critique traditionnelle haïtienne « dans les réflexions produites dans les anciens manuels ou critiques sur la littérature [cette critique] s’enlisait dans une histoire de pastiche et n’offrait rien de neuf sur les auteurs et les textes mille fois revisités"2.  Des exceptions demeurent tels les travaux du Dr Eddy Arnold Jean, de la feu revue Conjonction, de Notre Librairie, de Max Dominique, de Stéphane Martelly, d'Yves Chemla, de Yanick Lahens, de Nadève Ménard, etc.

 Si ces travaux sont destinés à un public spécialisé et universitaire, la non-responsabilité ou la si peu vulgarisation de ceux-ci ne leur a pas rendu grand service. La disponibilité des extraits des œuvres littéraires ou de l'œuvre intégrale constitue un autre handicap majeur.

Toutefois, le cours de culture littéraire devait avoir cette appréhension. Il a le mérite de faire lier connaissance aux apprenants aux œuvres ou extraits d'œuvres de la littérature contemporaine haïtienne. Ce cours devait être une passerelle de partage d'expérience entre enseignants et apprenants. Gouverneurs de la rosée, Compère Général Soleil, Les Arbres musiciens,  Dezafi, Amour Colère Folie, L' odeur du café, Les Fous de Saint- Antoine, Hadriana dans tous mes rêves, Le peuples des Terres mêlées, Diacoute 1, 2, 3, Konbèlan, Un alligator nommé Rosa, Bredjenn blues, Désirée Congo, Les immortelles, Soleil à coudre, Le sang visible du vitrier, Bwadchenn 3, etc. gagneront à être connu dans une double approche intégrant l'auteur et l'œuvre.

On peut répéter ce même jeu pour les Cahiers du retour au pays natal, La tragédie du roi Christophe d'A. Césaire, Les crapauds-brousse de Tierno Monémenbo, Les nouvelles extraordinaires de E. Allan Poe, Le deuxième sexe de S. Beauvoir, Petit Pays de Gaël Faye, Texaco de Patrick Chamoiseau, etc.

La littérature vécue comme «l'expression du vécu d'un peuple» ou dans le sens marxiste du terme «la retranscription ou le rapport des conflits de classes à l'oeuvre dans un milieu social donné» représente à travers la multiplicité des oeuvres, un témoignage éloquent des écrivains, à travers le temps, autour de leur milieu. Un questionnement qui demeure d'actualité. En effet, la littérature doit constituer ce terreau fertile, creseut de partage, de réflexion sur les thématiques explorées dans les œuvres.

Il demeure que tous les problèmes de l'enseignement de la culture littéraire dans les écoles haïtiennes n'évacuent guère les difficultés soulevées auparavant dans les cours d'histoire littéraire. Un manque de formation adaptée des enseignants, la non- disponibilité des œuvres récemment parues, voire même plus anciennes, la plage d'horaire insuffisante accordée à ce cours, l'existence des manuels de cours de culture littéraire abordant les œuvres et les thématiques nouvelles se révèlent des facteurs importants ignorés dans la mise en œuvre de ce cours dans les établissements scolaires.

Voici une proposition minimale d'œuvres littéraires dont un cours de culture littéraire devait intégrer dans son corpus d'étude. Notre approche épouse une démarche thématique et comparative des textes. Il est préférable de prioriser le dialogue thématique des œuvres, et opter pour cela à une étude comparative de deux textes produits sur des latitudes différentes. L’évolution et la permanence d'un thème sur plusieurs époques et par différents auteurs, tout en accusant la volonté de faire remonter les points de jonction et les points de fuite, se révèlent un autre axe d'étude, d'analyse pour ce cours.

 

Les thèmes proposés pour le cours de culture littéraire haïtienne et francophone :

La solidarité et le sentiment de révolte : Gouverneurs de la Rosée),  ( Jacques Roumain), Compère Général Soleil ( Jacques Stéphen Alexis), Mât de Cocagne de René Dépestre.

L'écriture post séisme : Les immortelles, (Mackenzie Orcel), Failles ( Yanick Lahens),

 Soro, (Gary Victor)...

La misère et le banditisme dans les quartiers précaires ( Soleil à coudre, Jean D'Amérique), Les enfants des héros, Lyonel Trouillot), Les villages de Dieu d'Emmelie Prophète, etc.

L'écriture de soi / le pacte autobiographique et ses failles:  Héro(s) chimères, ( Frankétienne), L'odeur de café ( Dany Laferrière), L'énigme du retour ( D. Laferrière).

Excursion en littérature francophone Afrique, Caraïbe ( Tierno Monémenbo : Les Crapauds- brousse , ( Seuil,1979), roman consacré à la dictature de Ahmed Sékou Touré, en relation à des Romans haïtiens tels Amour Colère Folie ou les Rapaces de Marie Vieux Chauvet, traitant de la dictature des Duvalier : ( Un alligator nommé Rosa, de Marie Célie Agnant ...), La douce récolte des larmes d'Edwige Danticat ;  et Cahier d'un retour au pays natal ( Aimé Césaire), peut-être mis en lecture par rapport au dernier roman de Mohamed Bougar Siarr, et Milwaukee Blues de Louis Philippe D'Alembert, etc.

« Peau noire, masques blancs » de Frantz Fanon mis en étude parallèle à « Ainsi parla l'oncle » de Jean Price Mars, ou « De l’égalité des races humaines » d’Anténor Firmin pour le thème de la race noire et sa culture et ses préjugés.

La tragédie du roi Christophe (Aimé Césaire) comme texte représentatif des arts de la scène mis en relation aux œuvres de Bernard Marie Koltès et les « Nouvelles Dramaturgies » de Guy Régis Junior, les pièces de Syto Cavé et d'Hervé Denis.

Les rapports interfrontaliers haïtiens et dominicains ( Rapatriés, Pierre Néhémie Dahomey), Le peuple des terres mêlées ( René Philoctècte)", Compère General Soleil ( Jacques Alexis) et l'essai de Jean Price Mars ( La république D'Haïti et la République dominicaine).

 

James Stanley Jean-Simon

Critique littéraire et président du C.E.L.A.H ( Centre d'études littéraires et artistiques haïtiennes)

E-mail :  jeansimonjames@gmail.com

 

Notes :

  1. Manuels d'histoire littéraire haïtienne du 20emsisiècle
  2. Dossier Max Dominique préparé par Dieulermesson Petit Frère /dominique_max/ mis en ligne : 30 décembre 2020 ; mis à jour : 3 janvier 2021
  3. romans, poèmes, récits d’auteurs haïtiens du XXe et du début du XXIe siècle

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