Ti Paris l’immortel troubadour haïtien

Il est des voix qui ne s’éteignent jamais. Ni dans le temps, ni dans la mémoire. Il est aussi des voix qui ont une vie et qui résonnent au-delà de la mort. La voix de Ti Paris, une voix magnifiquement timbrée, sensuelle, une voix mélodieuse. Une voix qui était la voix d’Haïti, de ses paysans, de ses petites gens n’avait pas pris une ride durant toute la carrière de l’artiste. Ti Paris était le représentant le plus authentique du goût créole, un condensé d’originalité et de spontanéité. Considéré comme l’un des artistes les plus authentiques de la Caraïbe, il était le symbole de la musique troubadour un genre très populaire en Haïti.

Né en 1933 dans le quartier de la rue Beauvais ci-devant “ Sou l’hôpital» une rue de la ville de Jacmel, fils de Resia Delmas commerçante et Vilson Paris maître maçon.

Révélation sur Ti Paris

Lors d’une causerie sur Ti Paris dans les jardins du défunt poète Maurice Cadet, écrivain, et ancien Président d’honneur des Éditions Pulucia le 21 juin 2017 à l’occasion de la journée internationale de la musique, avec Pierre Paul Ancion journaliste, poète, écrivain et chef de file du mouvement Sacraisme

Maurice Cadet a déclaré : « Achille  n’a pas eu la signature des  Paris. Les Paris étaient Maurice Paris et Emmanuel Paris, tous musiciens, guitariste et accordéoniste, troubadour. Archille portait la signature de sa maman, il se nommait Archille Cyriaque Delmas, frère de Roger et René Delmas un ancien député.»

Le livre dénommé « Les trois mousquetaires de Jacmel », une psychobiographie de Ernst Delmas, un membre de la famille, lève le voile sur la vraie identité de Cyriaque Achille Paris tout en mettant en lumière sa vie et son œuvre musicale.

«  L’homme plus généralement connu sous le sobriquet de Ti Paris était né Cyriaque Achille Delmas, deuxième enfant de la dame Résia Delmas, commençante au Bélair dans les parages du célèbre Marché en Fer, et de Vilson Paris. Cyriaque Achille Delmas était devenu plus tard Cyriaque Achille Paris puisqu’il l’exigeait de son père pour se mettre au diapason avec les exigences sociales.Le cœur a des raisons que la raison ne connaît pas, et Ti paris, nom de profession parce qu’il nourrissait une admiration féroce pour son grand demi-frère Maurice Paris, musicien lui aussi, qui l’avait initié très tôt, peut-être a l’engouement musical au mépris des règles familiales imposées par la mère.»

 

Ses débuts

Un jeune troubadour inconnu de 17 ans en provenance de Jacmel, arrivait en 1950 à Port-au-Prince, avec comme seul bagage et motif de vie: sa guitare. Cyriaque Achille Paris deviendra célèbre sous le nom de Ti Paris. Ses débuts dans la capitale haïtienne étaient très difficiles. Chanteur infatigable et troubadour de rue, selon ce qu’il a raconté, il a beaucoup bourlingué avec cet instrument, condamné à errer d’un bar à l’autre.

 

Une carrière artistique mouvementée

 Sa vie et sa carrière artistique seront rapides et agitées. Ti Paris était un homme simple, humble et immensément populaire qui n’hésitait pas à combattre les préjugés et les injustices sociales. Il vivait pleinement sa vie, parfois à outrance, et goûtait à tous les plaisirs sans aucune restriction.Deux disques à l’actif du trouvère jacmélien (Ti Paris et sa guitare) sortit en 1970, Anasylia (posthume) 1995.

La vie de Bohême et ses excès lui ruinaient lentement la santé. Entre 1977 et 1978 , la santé du chanteur s’est beaucoup détériorée. On lui a diagnostiqué une grave cirrhose du foie. Il est retourné á Jacmel et a commencé à reconquérir la foule de ses admirateurs épris de ses chansons. Le chanteur s’est éteint dans sa ville natale en 1979, à quarante-six ans, et entre directement dans la légende.

En 2003 avec sa plume, Wilson Décembre lance un cri d’alarme dans les colonnes du journal Le Nouvelliste dans un article titré «Ti Paris un grand Nègre», l’auteur en a profité pour dénoncer l’hypocrisie des Jacmeliens envers son génie troubadour qui fut l’incarnation même de l’âme chantante jacmélienne.

« Sakta di sa en ?! – à Jacmel, pas une rue, pas une place, pas un endroit public ne porte le nom de Ti Paris. Même pas une petite plaque pour honorer sa mémoire. »

 

Différentes activités réalisées en hommage à Ti Paris

Festi-Paris

En 2007, l’homme d’affaires Edwin Zenny franchement élu à la municipalité de sa ville lançait Festi-Paris, un festival de musiques populaires pour saluer la mémoire de Ti Paris, dont la voix et la guitare symbolisent sa contribution à l’enrichissement de la musique haïtienne.

 

Ti Paris twoubadou nasyonal

L’ingénieur-agronome, gestionnaire et maitre en éducation, Bito David, a signé en 2015 à Livres en folie un ouvrage en créole titré « Ti Paris twoubadou nasyonal », un ouvrage de 120 pages truffé de témoignages, d’interviews et de traductions d’articles à l’appui. Sans oublier : un recueil de textes de l’auteur-compositeur « Ann chante ak Ti-Paris» ; un résumé de sa discographie « Nòt pou fanatik» (Ti-Paris et sa guitare – Analilya – Sérénade à Carrefour.

 

Salle Archille Cyriaque Paris à l’école de musique Dessaix Baptiste

En 2015 le staff d’administration de l’école de musique Dessaix Baptiste de Jacmel ayant à sa tête M. Fritz Valescot, après maintes réunions a pris la décision de nommer l’une des salles de l’école de Musique Dessaix Baptiste Salle Archille Cyriaque Paris.

Et il y a lieu aussi de mentionner ce concours de musique troubadour organisé  par Kik Production en  hommage à Ti Paris à l’Alliance française pour donner un coup de pouce à la tendance musicale qu’est le troubadour. Un rythme qui tend à disparaitre en Haïti d’après Manassé Fortuné l’un des membres de Kik productions.

Cette première édition de « Konkoumiziktwoubadou » est en hommage à Ti Paris. Pour remercier le musicien et sa famille, car Ti Paris est l’un des pionniers du troubadour tel que nous le connaissons, soutient Manassé Fortuné.

Il faut revenir à la conférence donnée à Jacmel le 29 avril 2013 par le docteur es-lettres, Jean Élie Gilles, et Madame Michaelle Craan, à l’occasion de la 6e édition de Festi-Paris autour du thème : Ti Paris, citoyen jacmélien : passionné de la vie

Le conférencier Gilles Jean avait déclaré : « Durant les funérailles de Ti Paris, le révérend père Jean Fagot, curé de la paroisse d’alors, a demandé à feux Roland Zenny et Michel Ambroise de venir exécuter un ou deux morceaux du répertoire de Ti Paris pour le repos de l’âme du défunt. Ce fut un beau geste et les Jacméliens ont toujours admiré le R.P Fagot pour son humanité de prêtre breton qui se mettait à l’écoute du monde et qui avait vu dans les messages des chansons de Ti Paris une autre façon d’écraser l’infamie des injustices sociales de toutes sortes.»

Pour tous ceux qui savent apprécier les œuvres des artistes à leur juste valeur, Ti Paris représente le symbole culturel par antonomase de la musique populaire troubadour d’Haïti, que ni le temps ni le vent de l’oubli ne pourront jamais effacer ou détruire. Il était le troubadour le plus extraordinaire parmi les plus authentiques et les plus aimés. Authentique et naturel, comme en témoignent ceux qui l’ont connu dans la vie. La musique de Ti Paris ne meurt jamais, elle est immortelle.

 

 

Bibliographie

Bito David’ Ti Paris TwoubadouNasyonal,Edisyon PerleDesAntille

Ernst Delma, Les Trois Mousquetaires de Jacmel, Édition Lulu.com

 

Articles internet

Wilson Decembre, Ti-Paris, un nègre, Le Nouvelliste, 2003

Jean Élie Gilles ,Ti Paris, citoyen jacmélien : passionné de la vie – Bonzouti.com- 4 mai 2013

 

Emerson Vilbrun

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