« SMS aux blanches, aux noires et aux mulâtresses », tel est le titre du septième livre de poésie d’Eric Sauray. Des poèmes pour rêver et pour faire réfléchir.
Un titre qui ne doit rien à la routine et qui vous invite au voyage. Ce recueil est une compilation de 112 poèmes consacrés à l’amour, qui surprend, subjugue, choque et voire interpelle le lecteur. Outre la magie du titre, tous les ingrédients sont réunis pour un cocktail explosif d’émotions les plus diverses dans un style envoûtant.
En déballant ces états d’âme, c’est une manière pour Sauray d’aborder philosophiquement les rapports hommes-femmes. La lecture des poèmes habillés d’une pléthore de métaphores les unes les plus belles que les autres nous plonge dans une atmosphère idyllique. Certains textes recèlent une telle sonorité musicale qu’on les dirait prêts pour l’enregistrement en studio. Le lecteur doit se frayer un chemin à travers cette poésie pour découvrir l’univers iconoclaste de l’auteur, qui a le don de pousser le lecteur dans ses retranchements, ses incrédulités. D’exciter sa curiosité car en effet voilà ce dernier qui se précipite pour découvrir ce qu’il y a derrière ces nombreux SMS. Avec un tel jeu, on ne peut que remporter un franc succès. C’est comme ce qui s’est passé avec l’Immortel Dany Laferrière avec son titre original « Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer » alors que le contenu du livre a peu à voir avec cette annonce fracassante.
L’artiste nous réserve encore bien des surprises en nous faisant voyager dans les desseins cosmiques de l’amour avec de beaux vers percutants, semblables à cette musique qui vous éveille les sens. Et le premier poème qui frappe comme un baryton dans un concert de jazz est on peut plus charmant de cocasserie bien que le ton soit grave. Comme quand il évoque ce dimanche, le jour où on lui « a chanté son libéra » et « donné l’extrême-onction » et où il voulait crier son amour à l’aimée mais malheureusement celle-ci n’a pas su comprendre.
Le lecteur s’aventure dans les labyrinthes de cette œuvre qui dégage une cohérence poétique séduisante. Les mots déposés sur nos maux réinventent l’amour, autant de faisceaux poétiques qui vous font réfléchir sur ce sentiment universel dans ses principales déclinaisons, notamment dans les moments de volupté.
« Dis-moi ce que tu fais sans moi
Lorsque tu es seule dans le noir
Et que minuit sonne
Le temps des étreintes
Le temps du corps à corps
Dans un lit pas assez grand
Pour ceux qui s’aiment intensément
Et qui baisent énergiquement
Pour couvrir le son des violons. »
La ballade à laquelle nous sommes conviés est celle de l’amour authentique dans son sens le plus noble. On ne sait pas si ces SMS sont arrivés à destination ni si les récipiendaires ont été captivées et envoûtées par la magie des mots. Par ces temps de confinement sévère, un peu d’évasion et d’optimisme aurait la vertu de redonner le moral. Mais certains passages traduisent la tristesse parce que le sentiment amoureux en vient à manquer, l’amour et la douleur allant souvent ensemble. Mais l’espoir est là et le poète de supplier :
« Pars et laisse-moi ton cœur
La gloire ramène la tristesse
La célébrité ramène la mort
La lumière conduit aux ténèbres du chagrin
De la solitude
Et de la décrépitude
Alors, pars, si tu veux
Mais, laisse-moi ton cœur »
La quête inépuisable
La réflexion politico-philosophique garantit toujours un effet positif: il suffit de s’y plonger et on resurgit à la surface avec de nouvelles idées et des questionnements sur la vie et l’existence. La poésie, c’est aussi cela ! Ainsi, « Aujourd'hui c’est dimanche », le premier de la série, nous invite à nous débarrasser de la vanité humaine et à nous intéresser à l’essence même de la vie qui est l’amour, cette quête inépuisable.
Il n’y a pas que l’amour éthéré : Sauray évoque ses moments forts de roucoulements, de gémissements, de plaisirs mis à nu, sans faux-fuyants, aussi visibles que le nez sur la figure. Mais on découvre aussi des blessures, des complaintes quand l’amour déçoit. Un amour déçu entraîne frustrations et douleur. Le poète parle-t-il pour lui ou à la place des autres ? Ce ne serait pas en tout cas la première fois qu’un écrivain dissimule son expérience dans celles des autres. En tout cas, l’imaginaire est, ici, fertile et en général c’est bon signe pour accoucher de la bonne poésie susceptible de faire chorus dans les chaumières. On y va à pas feutrés pour expertiser chaque sommation poétique accompagnée d’une dose d’humour pour bien décrire les salves amoureuses sur fond de tout ce qui peut contribuer au bonheur. À une certaine jubilation. Parfois ce sont des hymnes aux sublimes réconciliations qui se faufilent entre deux complaintes et qui se laissent lire comme des cantiques de prières pour la fête de la Saint-Valentin. Aucun des textes n’est superflu et chacun correspond à une réalité spécifique. Parfois il suffit de lire entre les lignes pour défricher le message qu’il contient. D’autres fois, les propos sont clairs comme de l’eau de source lorsque l’amoureux transi invoque, implore la réciprocité de l’amour, seul qui augure le bonheur, la plénitude :
« Ni par la puissance, ni par la force
Mais par le Verbe, mon amour
Parle-moi et je te parlerai
Ni par la ruse, ni par la force
Mais par le Verbe, mon amour
Séduis-moi et je te séduirai
Ni par la violence, ni par la force
Mais par le verbe, mon amour
Donne-toi à moi et je me donnerai à toi
Ni par la haine, ni par la force
Mais par le Verbe, mon amour
Aime-moi et je t’aimerai. »
En poursuivant notre visite poétique à travers ces écrits d’une éloquence giralducienne exprimant les bonheurs et les malheurs de cette vie parfois tumultueuse, nous découvrons qu’au fond l’amour est roi, peu importe l’espace dans lequel il se développe. Professions de foi amoureuses exprimées par SMS, chacune d’elles cache des trésors de voluptés susceptibles de panser les blessures des cœurs affectés ou endoloris. Malgré les incompréhensions, l’amour reste tenace et s’affirme :
« Tu peux oublier le jour où je suis né
Me jeter l’anathème
Et me couvrir de blasphèmes
Tu peux oublier que je t’ai aimée
Tu peux même reprendre toutes les espérances
Que tu m’as donnée
Fidèle à moi-même
Malgré ma détresse
Je reste sous ton charme noir de belle mulâtresse
SMS à ma mulâtresse SMS comme un SOS
SMS comme une caresse SMS comme une promesse SMS à ma mulâtresse ».
Dans ce recueil, comme on le voit aussi dans la vie, on se lance à la poursuite - parfois à l’assaut - d’une forteresse complexe qu’est l’amour, parfois elle se laisse prendre, parfois elle se révèle imprenable. Une tâche laborieuse.
Maguet Delva
N.d.l.r.
(1) Pour commander le livre en cette période de confinement qui se prolonge inexorablement, allez sur la plateforme d’Amazon :
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