Jonel Juste nous présente son tout dernier livre « Carrefour de nuit »

Ancien animateur de l’atelier de création Marcel Gilbert, journaliste culturel pendant de nombreuses années en Haïti, auteur de plusieurs recueils de poésies, de nouvelles et d’essais, Jonel Juste a toujours fait de l’écriture son domaine de prédilection, une tendre complicité avec laquelle il partage les moments les plus intimes de sa vie. Passionné de littérature, il présente à la délectation de ses lecteurs son dernier livre « Carrefour de nuit » qui libère les frémissements de son âme de poète et dit à travers les mots sa façon d’habiter le monde. De voir l’humanité. «Carrefour de nuit », son tout dernier livre est un hommage à Carrefour une commune située dans l’arrondissement de Port-au-Prince où le poète a fait de belles rencontres et a connu l’amour, la poésie, l’amitié. Dans le cadre de la parution de son dernier livre, Jonel Juste a bien voulu répondre aux questions du journal Le National. Entretien.


Le National: Vous avez été longtemps journaliste culturel à Port-au-Prince, voilà que maintenant vous êtes devenu écrivain ? Qu’est-ce qui vous a poussé vers l’écriture ?

Jonel Juste : J’ai commencé à écrire en classe de Rhéto. Je me souviens qu’à la fin des années 90, alors que je me préparais pour le baccalauréat, j’écrivais comme un forcené. C’est comme si je devais évacuer quelque chose que j’avais en moi. Je ne savais pas quoi. A l’époque certains se défoulaient au cours des manifestations politiques, moi je me défoulais à travers l’écriture. J’avais rempli plusieurs gros cahiers (les épais “Notebook” de plusieurs centaines de pages) de poésie et de récits divers. J’écrivais tout ce qui me passait par l’esprit. Tout m’inspirait. Ecrire pour moi était une nécessité, une soupape de sûreté pour ne pas perdre la raison. Je me souviens que j’avais une carte d’adhérent à l’Institut Français d’Haïti, alors au Bicentenaire. C’est d’abord là que j’ai pu découvrir que la lecture pouvait se faire pour le plaisir, et pas juste une obligation académique. Le livre m’avait permis de voyager et de découvrir d’autres mondes. Et puis je me suis mis à beaucoup lire. Je lisais tout, des journaux, des magazines, des livres scientifiques, des ouvrages de fiction (roman, poésie, essai, bande dessinée). C’est comme si mon intellect avait faim et qu’il se trouvait soudain à un grand buffet. Et comme cela arrive souvent aux grands lecteurs, j’ai eu envie d’écrire à mon tour. Je lisais beaucoup et j’écrivais de même. Après la Philo, je suis tombé sur la Bibliothèque Justin Lhérisson et l’Atelier d’écriture Marcel Gilbert à Carrefour. Cet atelier m’a permis d’explorer davantage l’écriture et d’affiner mon art. J’ai eu la chance de faire de ma passion mon métier lorsque je me suis lancé dans le journalisme.

LN: Vous présentez au monde intellectuel “Carrefour de nuit” Est-ce un projet que vous avez nourri depuis longtemps et quels sont les auteurs qui vous ont inspiré?

J.J : Je nourris ce projet depuis plus de 20 ans. Comme je l’ai dit dans la préface du livre, j’ai publié des poèmes un peu partout, que ce soit en Haïti ou à l’étranger, participé à divers concours de poésie et produit bon nombre de textes poétiques et prosaïques. Cependant je ne m’étais jamais résolu à publier personnellement car je ne me croyais pas encore prêt. Je devais laisser ma poésie grandir et mûrir. Après avoir laissé Haïti en 2011, je me suis dit qu’il était temps de publier quelque chose. En 2012, j’ai compilé divers poèmes et nouvelles et j’ai envoyé le manuscrit à plusieurs éditeurs. J’ai reçu une réponse favorable de la part d’une maison d’édition en France qui a accepté de publier l’œuvre sous format électronique. Je me suis dit pourquoi pas, puisque les temps changent, les habitudes de lecture et les supports aussi. Aujourd’hui tout le monde a un téléphone cellulaire, certains ont des liseuses, etc. C’est une autre façon de lire. Mais après des années, j’ai constaté que le livre papier a toujours la cote, donc en avril dernier la version physique du livre a vu le jour. Mon parcours poétique a commencé dans la simplicité, par la lecture de Prévert (Paroles) et d’Eluard (Liberté). Je dois reconnaitre aussi l’influence de mes modèles haïtiens : Felix Morisseau Leroy, Jean-Claude Martineau, Georges Castera, Anthony Phelps etc.

LN: Carrefour de Nuit, où vous mêlez poèmes et nouvelles, porte-t-il le frémissement et les plaintes de votre âme de poète, où est-il le reflet des drames et des palpitations du monde d’aujourd’hui?

J.J : J’aime la poésie et la nouvelle. Je ne pouvais pas me résoudre à publier uniquement de la poésie. J’aime l’abstraction que m’offre la poésie, la possibilité de frémissement, comme vous dites, qu’elle offre au poète, la liberté de me perdre et de retrouver, de voyager, de rêver, de dire l’indicible, mais j’aime aussi le caractère concret de la nouvelle et la possibilité qu’il offre de raconter des histoires, de créer d’autres monde, d’inventer, de témoigner aussi des palpitations du monde. A travers ce recueil, j’évoque mon pays Haïti, l’amour, l’espoir, les désillusions, avec parfois un brin d’humour et de fantaisie, en utilisant des mots simples pour composer des images fortes. Ce recueil tient aussi compte des divers évènements qui se sont produits durant les 20 dernières années. Certains récits renvoient aux années Aristide que j’ai vécues; ils traduisent mes frustrations de cette période de notre histoire. D’autres font allusion au séisme du 12 janvier 2010 qui a durement frappé Haïti (Et Voilà). L’un de mes poèmes (Yon pa, yon pon) évoque le scandale financier Petrocaribe (2016-2019), soit les milliards de dollars d’aide qui étaient censés développer Haïti mais qui furent dilapidés par les dirigeants haïtiens. J’ai pris également le soin d’inclure des poèmes faisant référence à la pandémie sévissant dans le monde au Printemps 2020 et confinant l’humanité au silence de la pierre. Mais « Ce n’est pas la fin du monde ». Ce n’est pas la fin de la poésie, de l’amour, de la vie, de l’humain.

LN: Et comment avez-vous conçu cette œuvre?

J.J : Plusieurs courants littéraires traversent cette œuvre. L’ouvrage contient à la fois des poèmes, des nouvelles, des récits et des parodies un peu à la manière du grand et populaire poète français Jacques Prévert dont je suis un adepte. C’est pourquoi j’essaie dans ce recueil d’allier la poésie à l’humour. Aussi, l’œuvre a traversé plusieurs décennies et plusieurs décennies la traversent. Elle a vu bien des choses qui se reflètent à travers ses pages. Je voulais que Carrefour de Nuit soit éclectique, regroupant divers genres et styles, qu’il soit plurilingue (français, créole, anglais), ancrée dans son époque. Je voulais produire une œuvre pluridimensionnelle et j’espère avoir réussi.

LN: Être écrivain pour vous, c’est plus un métier ou une passion?

J.J : Je dirais plutôt qu’écrire est une passion dont j’ai la chance de faire mon métier. En tant que journaliste surtout. J’aurais aimé dire que je vis de mon art, mais ce n’est pas le cas. J’espère que ce sera le cas un jour.

LN: Le livre est-il déjà disponible dans les librairies haïtiennes ?

J.J : Le livre est maintenant disponible à Miami et sur Amazon. On travaille à le distribuer en Haïti. J’avais contacté des firmes comme Communication Plus mais sans succès. Je continue à chercher des distributeurs pour que le livre soit bientôt disponible dans les librairies et les bibliothèques haïtiennes.

Propos recueillis par Schultz Laurent Junior

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