Josepha Dumas : de ses rêves à ses couleurs

Claire Marie Josepha Dumas, née à Pétion-ville le 27 novembre 1994, est une artiste franco-haïtienne multidisciplinaire qui choisit de travailler avec des outils pour se prouver que, en tous points, ses visions peuvent enfin devenir une (autre) réalité. Au rythme et au hasard des rencontres et scènes vues, elle se concentre aujourd’hui plus sur des dessins/peintures et crée des paysages qui représentent ses rêves, ses souvenirs et sa réalité personnelle en même temps. Ces paysages bariolés à profusion sont créés avec une accumulation de points et de lignes pour jouer avec la perspective et guider l’œil du spectateur. Exigeante, passionnée, laborieuse, elle utilise beaucoup de couleurs vives pour représenter le climat tropical d’Haïti contrairement aux couleurs plus foncées mises en relief pour reproduire le climat froid du Canada. À travers ces paysages, elle évoque la différence financière, architecturale et climatique entre Haïti et Montréal ainsi que les limites et libertés que ces deux endroits dissimulent. Un symbole important dans ces œuvres est la route qui, pour elle, signifie la (dé) connexion entre deux pays et la migration d’un pays à un autre. L’homme est rarement représenté face au paysage, car pour elle, même s’il s’installe souvent, il se déplace constamment.

Lancinante, la question la plus importante pour elle : entre ces deux pays (ou d’autres) où est chez moi ? Avec un très haut degré de concentration, elle pratique aussi la performance, la photographie et l’écriture, pour poser le même questionnement. Depuis qu’elle est petite, Josepha Dumas a dû sans arrêt voyager, bouger d’un pays à un autre sans avoir eu le choix. Avec autant de minutie et, surtout, d’enthousiasme, elle a dû apprendre de nouvelles langues et rencontrer d’autres cultures sans pouvoir vraiment apprendre la sienne. Mais, elle a déménagé à Montréal et a complété avec brio un baccalauréat en peinture et dessin avec une mineure en étude de film à l’Université Concordia (juin 2018).

Constat 

L’œuvre picturale de Josepha Dumas est une œuvre dense à plusieurs égards où le mariage des couleurs capte l’attention du regardeur pour le transformer dans un univers séduisant, plein de motifs, de formes bondissantes. C’est ce qui fait sa particularité par rapport aux jeunes peintres de sa génération, toutes nations confondues. On y découvre des scènes de paysages et de soleil baignées d’une forte luminosité des portraits, des natures mortes. D’une œuvre à l’autre, la végétation est très présente, essentielle même. C’est l’intention de la peintre de faire promener l’œil du regardeur dans une végétation abondante et fourmillante où s’élèvent des jardins. Il s’agit ici d’une œuvre fortement conquérante, mais stylisée qui interpelle tout observateur, qu’il soit novice ou expert.

Ce qu’il faut voir chez Josepha Dumas, c’est sa dextérité de mener son projet pictural au regard d’une thématique variée et enrichissante : voyage, rêve, lumière, quête identitaire et bien d’autres. Ruisseau scintillant plutôt que fleuve tranquille, elle a sa propre technique picturale et passe de l’acrylique au pastel, voire le fusain sur papier, sans aucun problème. 

Le portfolio de Josepha Dumas comporte 93 pages et subdivise en cinq sections :

Section 1 : Présentation biographique de Josepha Dumas, pages 1-5

Dans cette section, une brève présentation en anglais lui est consacrée. Très précise, elle est suivie d’un CV valorisant ses études à l’Université Concordia à Montréal, l’une des universités bilingues du Québec.

Section 2 : Drawings (dessins), pages 6-31

Dans cette section se baladent des dessins de différentes couleurs. C’est ce qui démontre, preuves à l’appui, l’art de la polychromie de Josepha Dumas, son grand sens de l’observation, sa vision éblouissante du paysage, son rapport au soleil, à la lune, au temps et à l’espace, notamment Montréal avec ses arrondissements comme Mont-Royal et Verdun.  Happée aujourd’hui par l’insécurité et l’incertitude, Haïti apparaît dans certains de ses dessins comme dans la page 29. Il y a même une ode à l’écrivain Pierre-Raymond Dumas, son père, à la page 51 : capté dans son haletant environnement de travail. Dans cette ode, elle immortalise son père en tant qu’écrivain. C’est là qu’on découvre sa capacité en tant qu’artiste multidisciplinaire.

Section 3 : animations, pages 32 -78

La section des animations comporte majoritairement des portraits et autres objets artistiques captivants, don’t le portrait de l’artiste en tant que telle. Certains objets artistiques relèvent de la performance. Des portraits des jeunes de son âge parsèment les pages de cette section. Ici, elle défend sa cause : celle des artistes noirs comme Dada Khanyisa, Eric Paulinor, Olliver A. Gauthier, Samdi, Simone Leigh, etc. Oui, elle a raison, car vivant dans un monde essentiellement multiethnique et blanc. Avec ferveur, elle a pris position en valorisant les artistes noirs. 

Section 3 : Workshops (Ateliers), pages 78-81

Cette section plonge le lecteur dans un univers pittoresque où un appel à l’acte de création se manifeste de manière constante.

Section 4 : Publications/Collaborations, pages 82-93

Cette section présente les titres les plus récentes des livres de Pierre-Raymond Dumas, quelques photos de paysages montréalais en lien avec le Centre des Arts actuel Skol dont elle était membre.. On y constate des shows de groupes, des liens de site d’Internet, des contacts. La vie s’accélère ici. Bref, des images (photographies d’événements). Et dans ce cas, le paysage y est présent pour montrer à quel point elle est fascinée par l’espace (la spatialité montréalaise et autres). 

En conclusion, le travail artistique de Josepha Dumas, présenté avec soin dans ce portfolio mérite d’être apprécié, car ce travail s’ouvre sur un univers à la fois passionnant et prometteur. Un art où souffle l’esprit. En tant que jeune artistique, elle a fait œuvre de qualité.

Schultz Laurent Junior

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