Revoir Tiga !

Dans l’histoire culturelle haïtienne, il existe des personnages multidimensionnels, qui sont à la fois présents et vivants au-delà de la mort. Parmi ces créateurs polyvalents et intemporels, nous retrouvons certainement Jean Claude Garoute, né le 9 décembre 1935 et dont le corps avait fini par se fatiguerle 14 décembre 2006.

Des images et des messages, des témoignages et les passages de Tiga dans ce monde, sont à voir et à écouter, à travers le célèbre film-documentaire : « Tiga, Haïti, rêve, possession, création, folie », produit par le centre Pétion-Bolivar, sous la direction du cinéaste Arnold Antonin. Une belle façon interactive et plus animée de revoir Tiga, en dehors des 185 pages illustrées et imprimées  du catalogueproposant la rétrospective et les hommages à l’artiste.

Dans tous les cas de figure, tant dans le champ des arts plastiques et visuels, dans la musique, dans la danse, le théâtre, et toutes les autres formes d’expressions qui alimentent et enrichissent la culture haïtienne, au travers de la « Rotation artistique », Tiga qui doit avoir une place importante dans le programme officiel d’éducation artistique et culturelle en Haïti. Sa contribution dans les recherches sur l’art contemporain, traversées par les multiples dimensions identitaires, traditionnelles, symboliques, mystiques, et authentiques à la vision, aux valeurs à et la volonté, des plus anciens habitants de la terre d’Haïti, et des ancêtres d’Afrique peuvent grandement servir de semence pour réinventer l’être haïtien.

 

Des hommes et des femmes, des enfants et des artistes, issus de plusieurs générations, continuent malgré tout, et surtoutmalgré le silence éternel de Jean Claude Garoute dit Tiga, à s’inspirer des connaissances et des compétences, des œuvres et des expressions de ce génie haïtien, qui demeure un classique -à enseigner- de l’histoire de l’art en Haïti, de la philosophie esthétique dans le monde contemporain.

Durant le mois d’octobre 2007, un des plus beaux catalogues dans l’art haïtien allait être publié pour le compte de Alliatiga Fondation, pour illustrer l’héritage artistique, culturel et scientifique de Tiga, pour une meilleure transmission aux générations présentes et futures dans le cadre des différentes activités d’hommage qui allaient marquer le premier anniversaire du départ de Tiga.

                           

Daniel Élie, ministre de la Culture à l’époque, s’était exprimé en ces termes : « Authentique, simple, croyant au travail bien fait et en la capacité de chacun de peindre la vie, de refaire ce pays, de dire et de faire sienne la parole qui rassemble et qui ouvre sur l’infini promesse du vivre ensemble et du bonheur, Tiga a offert son temps, son regard pour que toujours il y ait de derniers recours et de l’espoir ».

Docteur Michel Philippe Lerebour, quant à lui, a eu du mal à introduire le personnage dans l’avant-propos du volumineux et beau catalogue dédié à Jean-Claude Garoute. Pour l’historien de l’art : « Parler de Tiga n’est pas certainement chose facile. On ne sait vraiment par où et comment commencer, par où et comment finir ».

Définissons une fois pour toutes les frontières de l’héritage Tiga, ce personnage qui mérite qu’un musée national lui soit entièrement dédié, quand il faudra célébrer en 2035, le centenaire de sa naissance.  

Dans l’introduction à l’univers iconique de Tiga, sous le signe d’Ayizan, l’éminence grise, qui se passe de présentation dans l’histoire de l’art en Haïti et la muséologie dans le monde, le Dr Carlo Aviel Célius, nous dit : « Tiga se présente comme chercheur, animateur, créateur. Cette autodéfinition indique d’emblée l’étendue de sa démarche et par conséquent l’envergure de la recherche qu’il faudra mener pour tenter de l’appréhender dans toute son ampleur, dans toute sa complexité ».  

De son prolongement génétique ,Kafé Marie Pascal Garoute, on retient que Tiga : « En 1959, il crée le premier “Musée de la Céramique” en Haïti, doté d’une section vouée à la recherche amérindienne et aux études sur la restauration et la reproduction des objets d’art de cette époque. En 1960, il organise la participation d’Haïti à l’échange culturel sur l’art de la céramique à Genève ».

Deuxdes plus anciens compères et plus proches collaborateurs de Tiga, au sein de « Poto-Mitan »,Patrick Vilaire et feu Frido Casimir, n’ont pas manqué le train des honneurs et hommages à Jean-Claude Garoute racontent et rappellent que : « Tiga a grandi à l’ombre d’éminents personnages.Son oncle Hamilton Garoute, Hélène Lanoix, Mme Emmanuel Thezan, qui lui enseignent la musique, le piano, le solfège et la guitare ; il fut aussi l’élève du professeur WenerJaerghuber avec qui il étudia le violoncelle. Un esprit éclectique qui touche à toutes les formes d’art. Sa première pièce en céramique, connue sous le nom de Hazel, est datée de 1954. Tiga venait de s’échapper de justesse de la maison de son oncle avant son effondrement sous l’effet du cyclone Hazel. »

D’autres textes comme celui de Philippe Dodard, et des témoignages des anciens proches, élèves, collectionneurs et bénéficiaires (Michèle Gardère Frisch, Fritz Racine, Hugues Gousse, Ginette, Saint Jean Saint Juste) des messages et de l’héritage Tiga illustrent les pages du catalogue, qui se confond à un véritable musée Tiga.Devoir de mémoire oblige en ces temps d’incertitude, de désespoir et de recherche de repères.

Des personnages comme Jean-Claude Garoute, en dehors de Francketienne, Patrick Vilaire ou Simil, offrent des sources d’énergie intarissables pour se renouveler et se réinventer dans ce chaos, qui se confond à la naissance d’une nouvelle ère en Haïti. Cette terre qui se partage entre le « Saint Soleil » et le « Soleil brûlé », au sein desquels Tigaavait bel et bien fait ses armes, pour rester vivant et debout dans la mémoire collective.

Dominique Domerçant  

 

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