L’artiste multidisciplinaire Barbara Prézeau Stephenson présente :« Tresses 2022 »

L’artiste multidisciplinaire Barbara Prézeau Stephenson procédera, levendredi 4 novembre 2022, au vernissage de l’exposition d’arts visuels, d’installations photographiques et numériques : « Tresses 2022 ». Cet événement artistique,parrainé notamment par le Conseil des arts du Canada, se tiendra à la Maison d’Haïti. “Tresses 2022” est une initiative multidisciplinaire alliant écritures, enregistrements de témoignages sonores, photographies, installation, recherches iconographiques. L’entrevue réalisée avec Barbara Prézeau Stephenson propose une vue rapide sur « Tresses 2022 », un travail qui, selon l’artiste, apporte un regard neuf sur une tradition millénaire rarement valorisée dans le champ des arts visuels tout comme dans celui de la théorie et de l’histoire de l’art. Entretien.

Le National : Qu’est-ce qui se cache derrière le vernissage de l’exposition d’installations photographiques et numériques : « Tresses 2022 » ?

Barbara PrézeauStephenson :L’exposition « Tresses 2022 » est ma contribution à la programmation commémorant les 50 ans d’existence de la Maison d’Haïti à Montréal.    C’est un lieu hautement symbolique au Canada, où de nombreux membres de ma famille ont trouvé une seconde patrie, à partir des années soixante. Ma famille élargie, oncles, tantes, cousins et cousines, ainsi que mes enfants sont au Canada et avec ma petite fille, cela fait 5 générations. « Tresses 2022 » au Centre des arts de la Maison d’Haïti, parle de l’expérience de l’immigration, du point de vue des femmes.   C’est une exposition multidisciplinaire, alliant la photographie numérique, les nouvelles technologies, la réalité augmentée.

 

LN :Pourquoi êtes-vous intéressée à cette thématique ? Et quel est le sens de votre travail ?

 

BPS :Je travaille sur le thème des « Tresses » depuis décembre 2019, où j’ai réalisé une sculpture de plus de cinq mètres de haut, en tressant des cheveux artificiels, pendant un mois entier derrière la baie vitrée du Centre des arts de la Maison d’Haïti. Cetteperformance a donné lieu à la réalisation d’une vidéo qui est visible sur mon site webwww.prezeau-stephenson.com et des tirages photographiques. Ce travail était soutenu par le Conseil des arts de Montréal. J’ai décidé d’approfondir ce travail, en présentant une nouvelle exposition, constituée de deux installations photographiques, alliée à la technologie de la réalité augmentée, permettant à la fois de visualiser et d’écouter les témoignages de vingt femmes de différentes générations et d’origines diverses. Toutes, habitant Montréal. Ce travail est également complété par une recherche en théorie et histoire de l’art, avec de la documentation sur l’évolution de la pratique de la tresse, la diversité de ses formes et sa dimension esthétique, sociologique, historique, à partir du continent africain et dans les cultures afrodescendantes contemporaines. Toute cette recherche est présentée sur un blog qui sera en ligne cette semaine.

LN : Qu’est-ce que vous voulez faire montrer à travers cette exposition ?

BPS : C’est très complexe. Il y a la thématique de la tresse renvoyant à la nuit des temps, aux premières civilisations humaines d’une part, il y aussi l’innovation avec les possibilités infinies de la technologie, entre le tangible et le virtuel, il y tout un univers de combinaison à explorer et c’est ce que je montre, un travail qui allie à la fois des modes d’expression conventionnelle telles que l’écriture, la photographie, le travail physique avec la performance, les enregistrements sonores que nous devons à l’invention de Thomas Edison, mais aussi la réalité augmentée, le virtuel, l’intangible.

LN : Combien de temps avez-vous pris pour réaliser ce travail ? D’autres artistes qui vous ont aidé ?

BPS : La réalisation de cette exposition a pris trois années, de 2020 à aujourd’hui. J’ai engagé une petite équipe de trois personnes qui ont assuré les différentes tâches. La collaboration du photographe et réalisateur Radu Juster a été d’une aide précieuse.

LN : On sait que les tresses font partie du lexique de la coiffure féminine, comment avez-vous exploré les dimensions esthétiques, sociologiques et historiques de la tresse ?

BPS : D’abord par les aspects théoriques. En explorant l’iconographie de la tresse, les plus anciennes représentations de la tresse comme coiffure. Les plus anciennes représentations remontent au paléolithique. Mais j’ai dû circonscrire mes recherches au continent africain et aux cultures afrodescendantes contemporaines. C’est un vaste sujet, très peu traité de fait. J’espère ainsi ouvrir de nouvelles pistes de réflexion pour la théorie et l’histoire de l’art. D’un point de vue décolonial, nous avons beaucoup de pain sur la planche…

LN : Avez-vous présenté au cours decette exposition d’autres particularités de la tresse ?

BPS : La dimension socio-économique m’intéresse également. Il y a un vaste commerce du cheveu artificiel, fabriqué en Asie, des réseaux mondiaux de prestataires, tresseuses, on pourrait avancer la thèse d’une "route de la tresse". Il y cette dimension des tresses en tant que marqueur de la présence d’une communauté africaine ou afrodescendante dans les grandes villes de la planète. Mais avec les témoignages des vingt femmes montréalaises, c’est la tresse en tant que lien intergénérationnel, liens affectifs, lien culturel et identitaire qui est mis de l’avant.

LN : Vous profitez au cours de ce vernissage pour signer votre nouvel ouvrage : « Port — au-Prince, le paradoxe de l’art contemporain » édité par CIDICAH. Pouvez-vous nous présenter votre livre ?

BPS : Finalement l’éditeur propose un titre plus avenant « Écrits sur l’art ». C’est une compilation de l’ensemble de mes publications, sur l’art haïtien et de la Caraïbe. Une manière de protéger mon travail qui a souvent été plagié, paraphrasé sans jamais être salué par mes collègues haïtiens.

Le National : Un dernier mot

Barbara PrézeauStephenson : Nous traversons une période très difficile. Beaucoup de destructions. De pertes en vies humaines ; beaucoup d’artistes et d’artisans ont perdu leurs ateliers et leurs moyens de subsistance. Je profite pour lancer un appel à solidarité pour mes amis du Village artistique de Noailles.

Propos recueillis par :

 

Schultz Laurent Junior

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