Qui est contre l'égalité ?

En prélude à la 18e édition du Festival 4 chemins qui se tiendra du 22 novembre au 4 décembre 2021, Le National a recueilli les propos de Guy Régis Junior, directeur artistique de ce festival autour de cette problématique de l’égalité entre hommes et femmes.

Le National : La phrase phare du Festival cette année est : Qui est contre l'égalité ? Quel sens cela a-t-il pour vous ? Pourquoi cette question ?

Guy Régis Junior : Il était temps que le plus grand festival des arts vivants de Port-au-Prince, se penche sur la question de l’égalité et de l’équité. Nous vivons dans un monde injuste, inégalitaire. Et la question de l’égalité de droit entre femmes et hommes en Haïti est une affaire urgente. Tous nos milieux sociaux témoignent de notre retard crucial sur la question : dans la famille, le milieu éducatif, et surtout dans tout le milieu socio-professionnel. Cette affaire-là, c’est notre affaire. Elle ne doit pas concerner que les femmes, qui représentent plus de la moitié de la population haïtienne. En tant que citoyens, nous devons agir pour changer cet état de fait. Un festival est un espace ludique, un lieu de réjouissances par les arts, mais surtout selon moi un endroit d’où l’on ne repart pas sans rien dans la tête. Avec ces débats que nous lançons chaque année pour une citoyenneté responsable, nous voulons dire que : les artistes aussi sont concernés, qu’ils et elles sont porteurs de ces questionnements à partager avec la cité, le monde. Le monde des artistes ce n’est nullement un monde clos. Un artiste pense la société dans laquelle il vit. C’est d’ailleurs le lit de sa création.  D’où part sa pensée. Pourquoi créerait-on sinon ? Nous ne pouvons passer outre ce combat, cette grande lutte des femmes vers l’égalité de droit et de fait.  

L. N. : Chaque année le Festival 4 chemins met à l'honneur une troupe ou un (e) artiste du milieu. Cette année vous n'avez pas d'artiste invité (e). Est-ce un choix ?

G. R. J.: Si vous nous suivez bien, nous avons arrêté avec la série des artistes invités depuis deux éditions maintenant. Mais on va reprendre en grande pompe l’année prochaine. Avec un (e) artiste dont vous allez entendre beaucoup parler. Nous avons pensé que ce n’était pas favorable pour eux. La situation socio-politique empêchait aux artistes de vraiment pouvoir tout montrer de leurs talents. Vous souvenez-vous de toutes les difficultés que s’était données Michèle Lemoine pour réussir à nous montrer son travail ? Elle avait réussi, malgré tout, à nous offrir un festival exceptionnel. Et aussi, un festival doit pouvoir se régénérer. Nous grandissons avec les difficultés auxquelles nous faisons face, et aussi les différents changements que nous sommes obligés d’apporter.

L. N.: Le Festival 4 chemins se fait malgré la situation sociopolitique du pays. Pouvez-vous nous dire avec quel sentiment vous organisez cette 18e Édition ?

G. R. J: On ne fait pas le festival malgré la situation. On fait le festival, c’est tout. Déjà pourquoi l’existence d’un festival en Haïti ? Comment le festival est  ? Je n’ai jamais connu ce pays dans le calme le plus complet. On fait du théâtre, on fait de l’art, parce qu’on vit, et parce qu’on veut questionner ce vécu. « Il n’y a pas d’art de la mort. » Deleuze. On fait ce festival parce que des gens vivent encore dans ce pays, malgré tout. C’est avec ce sentiment-là qu’on concocte chaque édition. Le pays connaissait le trouble quand j’ai participé dans la toute première édition du festival. On vit le pays avec ces hauts et ces bas. Au fait, on devrait s’intéresser à créer plus d’espaces de beauté de ce genre, que se poser la question du pourquoi ils existent. C’est donner raison à ceux qui croient que l’art est l’affaire des fantaisistes. C’est donner raison à ceux qui pensent que la grande violence que nous subissons aujourd’hui doit prendre toute la place. Et, alors, comment espérer un autre pays ? Les arts sont le fait de tous. Il faut que nous les défendions. Nous ne devons pas les laisser envahir, comme c’est le cas aujourd’hui à Noailles. Ce serait dommage un pays laissé seulement aux pleurs, et non aux arts et à la réflexion. En 2018, la direction artistique du festival 4 chemins avait réuni toutes les manifestations dans Jaden Sanba, pendant plusieurs jours. Nous voulions nous rencontrer autour de la poésie, de la photographie, du théâtre et de la danse. On l’a fait. Et au début des années 2000, j’ai commencé à faire du théâtre avec TWOUP NOU dans les rues de Port-au-Prince, avec ces mots de Malcolm X : By Any Means Necessary. Aujourd’hui, je travaille avec des jeunes qui y croient, comme moi. Ils sont de moins en moins jeunes d’ailleurs (Rires). Le festival a 18 ans. Ce n’est pas le moment de freiner sa jeunesse. 

L. N.: Comment choisissez- vous les spectacles qui vont être joués dans le cadre du Festival ?

G. R. J: Comme toujours, ce sont les artistes qui nous proposent des dossiers, des créations déjà présentées, un an, deux ans auparavant. On les examine, on va les voir. On les insère dans notre programmation. On part à la quête de créateurs qui nous intéressent aussi, en Haïti et à l’international. Ceux qui vont avec la ligne artistique de la direction artistique. Et, en dernier lieu, nous choisissons ceux qui ont un lien avec l’esprit éditorial de l’année, c’est-à-dire qui rentrent en résonance avec le débat citoyen de l’édition. En dernier lieu, car nous ne sommes pas un festival à thème. Je le dis et

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