Au nom du père, du fils et des ombres

« …des hommes et des ombres » est le titre d’un recueil de nouvelles collectif paru en octobre 2018 chez Legs Édition sous la direction de Dieulermesson Petit Frère. De nouvelles en nouvelles, ces treize écrivains nous tiennent en haleine sur leur histoire de père ; soit en tant que père ou ayant vécu avec le père. Ils nous livrent leurs émotions, leurs souvenirs et plus loin un peu de ce qui est père en chacun d’eux.

Nous mourrons tous ! Loin de nous rappeler la fatalité de ces mots sortis de la bouche de Délira dans « Gouverneurs de la rosée » de Roumain, ce postulat nous met face à une réalité à laquelle nul ne peut échapper. On pourrait aussi croire que ce postulat n’a rien à voir avec le livre « …des hommes et des ombres ». Pourtant, tout comme ce principe de cet ouvrage il en sort un presqu’incontournable : « Nous aimons tous nos pères »… Que cet amour soit haineux ou justifié, la figure du père provoque en chacun de nous de grandes questions existentielles : à quel point vais-je lui ressembler ou m’en éloigner ?

Le premier texte (Lettre à Manuel, Jeanne et Sarah) est le récit d’un père qui se met à nu. L’auteur, Frantz Benjamin, nous emmène dans les méandres de son rôle père-mère, démaquillant sa fausse assurance et nous confessant qu’il ne saurait jamais être une mère, en dépit de tout ce qu’il a pu faire, il ne saurait combler ce vide laissé par l’autre.

Ce vide laissé par l’autre est la hantise de ces enfants élevés sans pères. Le père, indubitablement marque, que ce soit par son soleil ou ses ombres. Il fascine la fille qui se l’approprie, n’imaginant pas une vie sans lui. Il façonne le garçon qui attend de lui d’être un modèle qu’il pourra lui-même suivre, tel un sentier connu dans lequel il n’aurait qu’à déposer ses pas qui, avec le temps, s’affermiront.

Quoique détrôné de son rôle par la société, accusé d’être trop absent, les treize récits du livre nous portent à faire face à nous-mêmes et à nous avouer que nous avons tous soif d’aimer et de connaître cet étranger familial. Du père protecteur et bienveillant (S’il fallait que je raconte Do) à celui que l’on croise sous un torrent de pluies (La nuit de l’ombre), le portrait d’homme-père, d’homme-oiseau, d’homme-ombre dessine sur l’enfance comme sur un papier vierge une marque indélébile pouvant laisser heureux, forts et courtois ou haineux, amers et vides de n’avoir eu la chance d’aimer un père.

Le père, ce premier amant ; le père, ce héros de nos os, qu’on n’oublie jamais ! Un recueil à se procurer !

Laïla Bien-Aimé

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