« Hervé Télémaque a habité trois continents, sans avoir jamais appartenu à aucun ! », selon le ministre français de l’Éducation nationale Pap Ndiaye

Décédé le 11 novembre dernier à Paris, le célèbre peintre haïtien, Hervé Télémaque, eu les funérailles à la hauteur de son immense talent. À la coupole du cimetière du Père-Lachaise à Paris où reposent de grandes personnalités historiques, s’est déroulée, le 27 novembre dernier, une émouvante cérémonie à sa mémoire, en présence de sa fille Anne Élodie Télémaque et de hauts dignitaires français et haïtiens. Le ministre français de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye et l’ancien ministre de la Culture sous Jacques Chirac, Jacques Toubon, dans leur hommage, n’ont pas manqué de parler en termes fort élogieux de l’incroyable talent de l’artiste.

Grand amoureux des arts, Toubon, également ancien maire du 13e arrondissent de Paris, connaissait bien le défunt qui a occupé la scène artistique parisienne depuis plus de cinquante années. Quant à l’historien Pap Ndiaye, il a exprimé toute sa tristesse de voir partir son ami : « C’est une chance de te connaître et ô combien je suis triste aujourd’hui de te dire adieu. Pourtant, je crois de nous tous, qui t’avons côtoyé, toi et tes hommes, nous serons d’accord pour que ses adieux soient doux, lumineux à ton image. », s’est-il exclamé. Il a dit que Télémaque abordait la mort « avec humour, comme le poète haïtien Carl Brouard ». Pour le politique, c’était pour lui une chance d’avoir connu celui « qui a habité trois continents, sans avoir jamais appartenu à aucun ». « Je suis heureux de t’avoir connu à Paris et nulle part ailleurs ».

Pendant plus de deux heures, des amis haïtiens, comme le professeur Jacques Gourgue, ses collègues français et américains se sont succédé pour dire adieu à un homme qui a laissé derrière lui plus qu’une œuvre picturale, mais aussi un art de vivre. On se souvient encore de la splendide exposition consacrée à Hervé Télémaque, au musée de la Poste en 2005, pendant trois mois. Environ cent œuvres - peintures, collages, assemblages, objets inventés et dessins, etc - réalisées par l’artiste entre 1960 et 2005 qui ont été offertes à la curiosité du public.

Dans plusieurs interventions, on découvre ce jour-là un homme attaché à son pays natal, dont chaque visite dans son bercail lui avait permis d’enrichir encore davantage plus sa peinture. Des scènes de la vie courante en Haïti, comme l’a rappelé le professeur Jacques Gourgues, sont présentes dans le travail de l’artiste.

À l’occasion de la disparition d’un peintre, on savait que certains intervenants allaient évoquer l’histoire de l’art pictural haïtien. L’ouvrage co-écrit par Gérald Bloncourt et Marie Josée Nadal en 1986 avait mis en exergue les premiers promoteurs de la peinture haïtienne. Depuis, on ne peut parler de peinture haïtienne sans évoquer la visite mémorable d’Aimé Césaire, du peintre surréaliste André Breton dans les années 1940 et trente ans plus tard celle du célèbre écrivain André Malraux. Que ce soit l’auteur de La Condition humaine ou l’écrivain martiniquais ou encore le pape du surréalisme, tous avaient découvert que le peuple haïtien était doué pour les arts et chaque époque celui-ci le démontre de manière convaincante à travers ses œuvres. D’ailleurs, à plusieurs reprises l’expression de « peuple de peintres » a été entendue dans les différents hommages.

Avec le temps, il fallait faire un tri pour expliquer le difficile parcours de ceux qui font le métier de peindre, dans un pays qui ne cesse depuis sa naissance d’être confronté à toutes sortes de problèmes. Pourtant, ces peintres ne se laissent abattre et continuent leur chemin contre vents et marées.

D’après Jean Metellus, le grand écrivain haïtien, l’histoire de la peinture haïtienne remonterait aux origines mêmes de la nation haïtienne bien qu’il admette la difficulté d'en administrer la preuve en raison des catastrophes naturelles (cyclones, tremblements de terre) et humaines (guerres civiles, pillages et destructions de toutes sortes) qu’a connues le pays. « Cependant, fait remarquer le romancier dans un article intitulé « Un peuple de peintres » (1), l'examen de l'entourage de nos chefs d'État nous livre des éléments montrant cette fièvre créatrice qui a toujours possédé les Haïtiens. De 1807 à 1818, on trouve des peintres autour du roi Henri Christophe, après lui, les présidents Pétion, Boyer ont donné leur appui aux artistes, le président Geffrard, successeur de Soulouque, fonde une académie d'art et une école des beaux-arts. En 1880, Archibald Lochard ouvre une académie de peinture et de sculpture. Cette floraison d'académies, d'écoles d'art dans des contextes politiques de guerre civile, dans un pays analphabète à 90 % durant tout le XIXe siècle est remarquable. »

Il revient maintenant à Elodie Anne Télémaque, fille unique du peintre, de continuer à faire connaître l’œuvre de son père et veiller sur cet immense lègue. Ceux qui la connaissent disent que l’œuvre du défunt est entre de bonnes mains, l’avocate parisienne sachant comment naviguer dans ce domaine. L’occasion de présenter encore nos condoléances à Élodie Anne Télémaque et tous ses proches touchés par ce deuil. 

 

Maguet Delva

 

N.d.l.r.

(1) Du côté haïtien, le corps diplomatique était présent à la cérémonie. À la tête d’une délégation, on pouvait voir l’ambassadeur Jean Josué Pierre Dahomey, le ministre conseiller, chargé du Consulat  général de la République d’Haïti à Paris, James R. Jules, et Maguet Delva, responsable de communication et des relations publiques au Consulat général à Paris. D’autres membres de la communauté haïtienne de France ont aussi pris part à cette cérémonie, dont les professeurs Jacques Gourgue, Gérard Aubourg, Paul Baron, Jacques Nesi, ainsi que la présidente de la maison d’Haïti à Paris, Roseline Dieudonné.

(2) Extrait envoyé par son fils Olivier Métellus tiré du chapitre consacré à la peinture in Haïti une nation pathétique.

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