Sous la direction de Claudy Delné, historien et docteur en études françaises de la City University of New York et Jean Florentin Agbona, doctorant en histoire de l’art à l’Université d’Abomey-Calavi au Bénin, l’Association Legs et Littérature (ALEL) a réalisé le quatorzième numéro de la revue « Legs et Littérature » paru en deux volumes en novembre 2019 chez LEGS ÉDITION autour de la thématique « Littérature et Politique ».
Regroupant près d’une cinquante de contributions (articles, entretiens, notes de lecture, textes de création) de collaborateurs d’horizons divers et de plusieurs pays francophones et même anglophones, cet énième numéro de Legs et Littérature entend produire un discours sur le fait politique et sa représentation et/ou (ré)appropriation par la littérature. Étudier, analyser, établir les relations, les ramifications, les correspondances et les divergences entre le fait littéraire et le fait politique, tel est donc ce qui est posé d’emblée dans les éditos des deux volumes. Est-ce le fait littéraire qui est politique ou l’inverse ? Comment l’un influence-t-il l’autre ? Qu’en est-il de l’engagement de l’écrivain ? Comment produit-il son œuvre ? Quelle est l’influence de la société sur sa production, vu que sa parole, que l’on veuille ou non, dans le sens sartrien, aura certainement des retentissements ? Autant de questionnements que les auteurs se proposent, à travers des réflexions très poussées et à la lumière de diverses théories, de mettre sur le tapis.
Ce numéro est dédié à Toni Morisson, éditrice et écrivaine américaine, prix Nobel de littérature (1993), morte au moment de sa préparation, le 5 août 2019 à New York et à Jean Roger Petit-Frère, professeur d’universités et historien haïtien décédé le 8 août 2019 à Port-au-Prince, lit-on à la page de dédicace. Lectures croisées, rigueur, méthode, il propose des pistes pour « traiter les enjeux et les contradictions qui peuvent découler des perceptions du littéraire et du politique dans le champ social et la réception de leur discours respectif ». Dans leur éditorial respectif, Delné et Agbona soulignent toute la complexité ou la difficulté de l’écrivain de s’éloigner ou de se détacher de la politique. L’écrivain, l’intellectuel qu’il le veuille ou non fait figure d’engagement, car si pour Delné, « le discours littéraire est éminemment politique », Agbona, pour sa part, souligne que « la littérature est fréquemment la traduction artistique de questions politiques ».
Les articles du volume sont très documentés. Les réflexions sont très poussées. La rigueur, la clarté et la précision, le souci de la recherche approfondie sont donc au rendez-vous et le lecteur peut bien se rendre compte de la qualité scientifique des textes au regard des méthodes et des théories auxquelles les auteurs ont fait appel. Ainsi le premier volume s’ouvre sur un papier de Mohamed Ajbilou qui propose une analyse des nouvelles figures de l’engagement au regard du legs théorique de Sartre. D’où la nécessité pour Ajbilou « de s’interroger plus à fond sur ce qu’auraient pu être le sens et les formes de l’engagement sartrien en ce début du XXIe siècle, où la politique passe outre l’authenticité, où la course vers l’armement devient de plus en plus frénétique, mais où surtout la démocratisation de la culture devient un souci majeur, et où la question écologique s’impose davantage comme une urgence vitale ». Aussi les divers articles proposent différentes manières d’aborder la problématique du politique et du littéraire. Rapport de pouvoir, l’usage du corps, la relation à l’autre, le comportement sexuel, crise, révolte et résistance, l’esclavage, la liberté, la guerre, ce sont donc autant de pistes conceptuelles mises en œuvre par les contributeurs pour tenter d’élucider la question.
En plus de 600 pages, ces deux volumes de la revue proposent un regard critique circulaire sur la production littéraire du monde francophone en essayant de déceler au mieux les perceptions, compréhensions et appropriations du politique dans les œuvres littéraires. Rappelons que le quatorzième numéro de Legs et Littérature a été publié grâce au soutien financier de la Fondation connaissance et liberté (Fokal).
Jean-Lucas Saint-Jean, M.A
