Zainhy est un rappeur haïtien qui évolue en France depuis un moment. Et pourtant, son art ne se fait pas dans la langue de Molière. Il a choisi de chanter en anglais. C’est un élément très curieux parce que, souvent, les rappeurs haïtiens visent d’abord le public de leur pays et ensuite un public plus large.
Mais, il faut dire aussi que Zainhy a vécu pendant un temps en Floride. C’est peut-être dans cette contrée que lui est venue l’envie de rapper en anglais, l’une des langues les plus parlées au monde. On saisit de ce fait le souci de cet artiste haïtien d’étreindre la terre entière. En fait, Zainhy n’est pas le seul rappeur haïtien à chanter exclusivement en anglais. Il y a Make Shine, cet homme devenu manchot après le tremblement de terre qui a ravagé Haïti, en 2010. Zainhy, de son côté, après cet événement malheureux, s’était réfugié en Floride avec sa famille. D’où son rapport au rap et à la langue anglaise. Il est nécessaire de signaler que contrairement à Zainhy, Make Shine n’a jamais laissé le pays.
Nous avons plusieurs cas de figure dans notre littérature où les Haïtiens ne produisent pas en créole, voire même pas en français. On peut citer Edwidge Danticat, auteure de La Récolte douce des larmes, qui a émigré aux États-Unis à 12 ans et qui a décidé d’écrire ses romans seulement en anglais. Il y a aussi Jacques Viau Renaud, poète haïtiano-dominicain qui a reçu la nationalité dominicaine à sa mort, à 23 ans. Il a émigré en République dominicaine à 7 ans et tout son art poétique est écrit en espagnol.
Lorsqu’un rappeur haïtien comme Zainhy décide de chanter en anglais, que gagne son pays d’origine ? Peut-être une plus grande ouverture sur le monde. En effet, même en dehors de leur pays, les artistes ne cessent de parler de leur terre natale. Né le 25 avril 1999 à Aquin, en Haïti, Yvens Danel Pierre Louis, de son vrai nom, avoue dans plusieurs interviews qu’il aurait aimé voir des jours meilleurs dans son pays, surtout après avoir vu trembler la terre. C’est peut-être ce désir de faire parler d’Haïti, autrement, qui anime l’artiste, un désir de se faire ambassadeur d’une terre meurtrie par tant de catastrophes.
Rappeur et producteur, Zainhy est un artiste à surveiller. Il est possible que ses sons nous parviennent comme les hits d’un Kizz Daniel ou d’un Wyclef Jean. S’il est vrai que comme tous ceux qui sont partis en laissant derrière eux un pays démuni, Haïti reste et demeure au cœur de leur œuvre et de leurs préoccupations, Zainhy ne sera pas l’exception qui confirme cette règle. Il reste à savoir ce dont le pays bénéficiera de ce rappeur dont l’avenir semble se dessiner dans les étoiles.
Wadson Lormilus
