Haïti entre vœux en 2023 et rétrospective aux couleurs musicales d’Ozone !

Dans une quête profonde pour sélectionner des chansons haïtiennes porteuses d’espoir, de raison, d’amour, de paix et d’inspiration, capable de résumer en peu de temps le présent et l’avenir d’Haïti, dans cette saison de fin d’année, c’est la première pièce de la brève aventure du groupe Ozone de Gary Didier Perez, à la fin des années 90, qui semble si bien faire la synthèse de cette transition vers 2023.

Declic réussi dans les industries de la musique haïtienne au courant de l’année 1997, si ma mémoire est bonne. On se souviendra de l’accueil positif reçu par Ozone, en particulier de la chanson « Anba latè », dans les médias et auprès du public, à cette époque où il n’existait pas encore de réseaux sociaux, en dehors du transport en commun.

Déjà un quart de siècle pratiquement, depuis que le refrain « Anba latè sa ki ni ? » et par déformation phonétique ou logique, les jeunes répétaient pendant des années: « Anba latè sa fini ». Plus qu’une chanson, une leçon de vie, d’envie et d’avenir pour mieux profiter de la vie, c’était un vent de renouveau qui soufflait dans la musique haïtienne à cette époque. Et dire, que notre génération, et les industries du Compas direct allaient disposer de son premier groupe musical à tendance écologique : Ozone !

D’une célèbre citation, suivie des observations sociales, des rappels historiques et de la philosophie de la vie, Gary Didier Perez, ancien lead vocal des premiers moments du groupe mythique Zenglen, porteur du slogan « An nou alèz », allait introduire l’aventure de sa nouvelle formation musicale. « Pa ni omelèt san ze kase, pa ni pawòl ki pa blese, ipokrizi son gwo lachete, men se pawol pou rezone. », « Nou gen lontan ke nap lite, retire chen kolon mete », « anba latè se repose pandan nou la fòn balance…. », on chantait encore ces paroles à l’époque.

Du choc ayant gravé beaucoup de nos souvenirs en 2022, rares sont les familles qui n’ont pas vu tellement d’œufs tombées à contrecœur et volontairement, pour préparer l’omelette destinée aux plus gourmands et seigneurs dans la cité. Michael Benjamin, Eric Jean-Baptiste et plusieurs autres vies figurent importantes et anonymes figurent parmi ces personnalités qui sont partis avec leurs rêves dans l’œuf !

De l’introduction à la présentation du groupe musicale, Gary D. Perez poursuit dans le deuxième couplet : « Ozone nan la se lesansyèl, pou proteje n anwo latè. Pote lavi sa sot nan syel, pa ni koulè ki lakansyel. », « Polisyon se pwazon vyolan, ka detwi tout kretyen vivan », « Pakite lagè deklare, pandan nou la fòn balance… ».  

Douce musique, une mélodie qui coule tellement bien dans l’esprit qui absorbe chacune des leçons de sagesse apportée par ce samba, qui partage l’île de ses ancêtres. La voix de Gary Didier Perez portait également des messages de paix, d’amour et de fraternité dans cette chanson au titre interpellateur et inspirant, qui confirme et questionne le sens de l’existence humaine, tout en invitant à chacun de profiter de la vie, de faire l’amour, à la place de la guerre.

Du début jusqu’à la fin de ce cocktail musical qui dure environ quatre minutes et trente-quatre secondes, plusieurs sujets aussi importants et encore d’actualité sont ainsi abordés sans tomber dans la cacophonie. Tout se résume dans la conclusion philosophique. « Anba latè, sa ki ni ? », « Pa ni ozone, pa ni lanmou osi, ni mwen ni wou te ka sanble… ».

Demande qui a toute son importance, dans la réalité, la dualité et l’actualité en 2022, « Pa fe lagè, ann fe lanmou wo… ». Et si seulement ce message pouvait parvenir aux Russes et Ukrainiens, aux Dominicains et Haïtiens, et certainement aux chefs de groupes armés entre eux, ceci, au bénéfice des familles, communautés et populations victimes des violences de toutes sortes.  

Des scènes de danses populaires sur fond de « Pandan nou la fòn balanse », illustrent la vidéo de la chanson, « Pa ni plezi, pa ni mizè », « Epi lajan pa enpòtan… », « Pa ni Ozon pa ni lanmou osi », « Ni mwen ni wou, te ka sanble ». On pourrait bien se demander, que deviennent ces hommes, ces femmes et ces enfants 25 ans après ?

Duo réussi, Gary Didier Perez et la chanteuse inconnue depuis, qui l’accompagne dans la video, sont tous les deux vêtus en noir et blanc, ont pratiquement bien joué leur rôle dans ce décor dansant et mouvementé. En invitant leurs publics respectifs et le monde à l’époque, à ne pas faire la guerre, mais l’amour de préférence, ils allaient finir par laisser l’ombre d’un baiser dans la vidéo, comme un geste provoquant pour inciter et inviter à revoir en boucle la chanson.

Dieu seul leur est témoin, dans cette belle aventure musicale et la danse saine portée par « Melody Makers/Video Plus », qui ont pratiquement traversé le temps, via des saisons et des années entre deux siècles. « Tande vwa gran mèt la kap pale anlè mòn nan… », dans cette mélodie oubliée sur les ondes depuis. Au-delà des vœux, n’est-ce pas l’occasion de remercier et de saluer la créativité, le talent et la réalisation de ce projet musical devenu un classique dans la musique haïtienne, pour parler de la vie, de l’avenir, de la joie de vivre à travers un refrain autour de la mort. Cette pédagogie sur la mort à travers tant de leçons, pour profiter de chaque minute et seconde avec nos proches, qui a été présentée et fertile dans l’actualité d’Haïti en 2022.  

Dans cette chanson armée de plein de sagesse sur l’existence humaine destinée à la société haïtienne, 25 ans après, on retient pratiquement tous les vœux réalistes et rationnels pour traverser dans l’année 2023, en se rappelant toujours : « On ne fait pas d’omelette sans casser les œufs », « Anba latè se repoze. Pandan nou la fòn balanse…! », « Ni mwen ni wou te ka sanble…! », « Pa fè lagè, an’n fè lanmou wo ! ».

Derrière tous les problèmes économiques, politiques, sécuritaires et sociaux qui empoisonnent le bien-être des familles haïtiennes et le quotidien d’une grande partie de la population évoluant en Haïti et dans d’autres pays, on ne saurait laisser passer sous silence et dans l’oubli la crise écologique profonde et la mauvaise gestion de l’environnement en Haïti qui constituent de véritables dangers réels face à la vulnérabilité des villes du pays, ce qui nous porte à croire, qu’en dehors des invitations à la logique proposées dans la chanson « Anba latè », l’industrie de la musique haïtienne a grand besoin 25 ans plus tard, pratiquement dix ans après l’expérience solidaire de « Kita Nago », et 13 ans après le séisme du 12 janvier, d’un ou de plusieurs autres groupes comme « Ozone », traversés par une sensibilité créative écologique.

Découvrons, explorons et profitons en 2023 les multiples dimensions, les secrets, les questionnements et les raisonnements profonds que le refrain de la chanson « Anba latè, sa ki ni ? » pourrait même nous proposer un quart de siècle après. « Anba latè », entre les racines des arbres qui continuent de se nourrir avec le sang de tant d’innocents, les dépouilles de nos ancêtres qui se reposent et qui surveillent certains leur héritage historique et certains des trésors enfouis sous terre et caches symboliquement, les Haïtiens survivants en 2023, devront s’armer de bon sens et de conscience pour mieux balancer entre la vie et la mort, entre le blanc et le noir, entre la guerre et l’amour.

 

Dominique Domerçant

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