IN MEMORIAM

Ansy Dérose 25 ans après

Au matin du 17 janvier 1998, le chanteur, compositeur et artiste peintre Ansy Dérose est mort. Il fait partie des plus grands chanteurs à texte de sa génération et avait, grâce à ses talents de musicien, représenté valablement Haïti, son pays, qu’il a chanté, par ailleurs, dans nombre de ses compositions sur la scène internationale. Aujourd’hui, vingt-cinq ans après sa mort, l’on se souviendra toujours de ce chanteur qui chante des chansons d’amour et patriotiques servies par sa voix charmeuse aux résonances profondes.

« Se pou tout moun viv ak kè kontan

 Se pou tout moun viv avèk lespwa

 Ka tout moun gen nan m,

 tout moun gen kè

 Si nou vle plante kèk grenn lespwa

Lè lapli tonbe ya va pouse

 Lè solèy leve na rekolte. » 

  (Extrait de Messaj)

Ansy Dérose a quitté ce monde un matin du 17 janvier 1998. Aujourd’hui, au-delà de la mort, sa voix continue de résonner dans toute la profondeur de nos âmes pour nous rappeler l’artiste, le compositeur, l’interprète qu’il a été tout au long de sa vie. Éclectique et esthète, Ansy savait aussi manier le pinceau et on pouvait facilement déceler et découvrir dans ses toiles tous ses états d’âme, portant le reflet de son amour de la vie, de son sens de l’autre, de sa volonté de partager avec ses semblables, cette lumière éclatante qui illuminait et irradiait son existence. Épaulé par sa femme, Yole Ledan Dérose, qui possède une voix douce et prenante, il a porté bien haut le flambeau de la culture haïtienne. À Porto Rico, en effet, à la fin des années 70 avec sa chanson « Merci», il fut auréolé de gloire parmi les plus grands, dont Paul Mauriat, chef d’orchestre et musicien accompli et l’heureux auteur de « La décadence ». Outre la femme et l’amour qu’il a chanté avec des accents sublimes, il mettait souvent des mélodies sur nos maux, nos souffrances, nos désespoirs et prêchait dans ses textes les uns plus engagés que les autres : l’humilité, la fraternité, la solidarité, l’espérance, l’esprit de vivre ensemble.

 

 Homme de conviction et de combat, il croyait avec une confiance absolue que l’homme peut s’unir avec ses semblables, peut se rapprocher de Dieu, notre Père et notre Créateur.

 

« Si Bondye bann lespri se pou n kapab sanble

 Si Bondye ban nou kè se pou n kapab renmen

 Si Bondye ban nou nanm se pou n kapab soufri

 Ak tout moun ki gen nanm lavi ap mal mennen

 Nou menm ki gen mwayen ki genyen lasante

 Pa bliye frèn yo k ap trennen (…)

Nou tout son grenn kote n prale

 Ann kenbe men jouk tan n rive »

 (Si Bondye)

 

Le Testament d’Ansy Dérose

Jouissant d’un succès indéniable tout au long de sa carrière, il a laissé à la postérité plusieurs albums : « Quo Vadis », Terra « , « Merci » « Nou vle », « Ansy et sa chanson », « Haïti mélodie d’amour », dans lesquels on retrouve de magnifiques chansons comme : « Thérèse », « A la fanm yo bèl », « Frè Do », « Hymne à la jeunesse », « Manvi al lakay mwen », « Anacaona », « Nou vle », « F.D.A, Wanraje », qui témoignent son incessant effort vers la justice sociale et le respect de la dignité de chacun. Nostalgiques, on écoute ces compositions avec un plaisir renouvelé pour mieux vivre et cheminer dans la grisaille du temps, pour tracer une voie idéale à notre existence qui est parfois et souvent sens dessus dessous dans une Haïti, notre pauvre pays traversé et bouleversé par des crises d’idéologie. Sa chanson « Testaman » remue les fibres les plus sensibles de notre être et laisse dévoiler que Ansy, l’artiste, avait au cœur l’amour bien compris de la patrie.

 

 « Yo touye Jezi Kri,

 yo,krisifye lanmou

Yo touye Dessalin

 ki bay la libète

Mwen menm ki pa anyen tou tan yo vle touye m

Sa sa fè si m mouri konsyans mwen sans reproch

 M ap kontinye chante paske m renmen nou tout anpil. »

 

 Célèbre composition, ce chant divisé en quatre strophes suscite chez nous des sentiments contradictoires : irritation et compassion, révolte et tendresse, ressentiment et solidarité. Son testament prouve que l’artiste a mené le bon combat. Il incombe à d’autres d’en assurer la relève pour continuer l’œuvre si courageusement entreprise en faveur de la collectivité. Aujourd’hui, vingt-cinq ans après sa mort, que nous reste-t-il sinon à relire de temps en temps son testament ? À continuer à lutter avec acharnement pour embellir l’image de ce pays défiguré après la catastrophe du 12 janvier 2010. De continuer à espérer un changement en profondeur à tous les points de vue, où l’Haïtien sera invité à aimer son frère de la manière la plus parfaite. Où l’Haïtien sera aussi convié à construire des rêves de grandeur en faveur de la patrie. Peut-être, sommes-nous encore un bon nombre susceptible de matérialiser ce rêve ? Ce rêve qui pourra nous inciter à chanter comme Ansy l’a fait avec un élan de ferveur : « Nou vle, Nou vle pou peyin chanje. » Ainsi, Ansy, de là-haut où il nous regarde, il reste encore vivant au milieu de nous.

 

 Schultz Laurent Junior

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