Centenaire de la Société Haïtienne d’Histoire (1923-2023)

Lettre de Pierre Buteau, Président de la Société Haïtienne d’Histoire, de Géographie et de Géologie

Cher.e.s compatriotes, l’année tout juste entamée marquera l’anniversaire du premier centenaire de la Société haïtienne d’Histoire. Anniversaire peu ordinaire puisqu’il permettra à cette institution de courir un siècle.

C’est en effet, un 8 décembre 1923, qu’à l’invitation du Dr Brun Ricot, un certain nombre de notables s’était retrouvé à l’Amicale du Lycée Pétion pour se prononcer sur le bien fondé d’une telle initiative, celle de la création d’une société d’Histoire et d’arrêter une décision. Toutes ces personnalités jugeaient, face à cette situation de désarroi provoqué par l’intervention américaine depuis le 28 juillet 1915, que la création d’une telle institution se révélait nécessaire et urgente.

Il s’agissait pour l’ensemble de ces notables de procéder à un nouveau questionnement autour de notre passé tout en traçant les voies et moyens pour nous retrouver et redonner espoir au peuple haïtien. C’est dans cet esprit qu’Horace Pauléus Sannon, le premier président de cette honorable Institution, invitait, lors du discours inaugural, la communauté haïtienne dans son ensemble à une sorte de « ressaisissement » pour sortir le pays de cette tragique occupation.

Un siècle déjà, depuis le lancement de cette institution ! Un siècle se doit d’être célébré dans la plus grande convenance même si la situation à laquelle on est confronté ne semble guère s’y prêter. Nous vivons une époque déraisonnable, celle d’une décomposition sociale de plus en plus accélérée ; celle où les gens se parlent et ne semblent plus être à l’écoute. Nos compatriotes paraissent vivre dans le déni de tout : de leur passé, de leurs racines ; de leur amour pour le pays duquel ils et elles réclament quasiment tout. Une perte de repère absolue où s’engage de manière constante, une confrontation entre les classes d’âge. Une époque d’une rare complexité peut-être la plus compliquée de notre histoire contemporaine où il ne fait pas bon d’être aussi vieux que notre vieille dame.

L’écrivain Georges Bernanos avait connu un moment presque identique où la France de la « Belle époque », orientée vers une modernisation aveugle, semblait pratiquement perdre pied s’exclamait, en 1926, au cours d’un entretien resté célèbre, «  le crépuscule des vieux ! ». Ce crépuscule, dans notre cas, correspond davantage à celui d’Haïti ! Un peuple a besoin des vieux, des anciens qu’on écoute, dont on suit «  les préceptes » comme pour ces anciens qu’on retrouve dans les villages les plus reculés de l’Afrique, la terre matrice.

Nous avons besoin de notre passé, de nos traditions, de ces retrouvailles pouvant nous permettre de mieux mesurer les mutations en cours, évaluer leurs effets afin d’apprécier le présent. Un présent trop présent où nos compatriotes livrés à leur instinct acquisitif paraissent essentiellement guider vers la conquête des bien de consommation de masse, quel qu’imposé par une mondialisation de plus en plus destructive. En regard de cette expérience, amère pour beaucoup d’haïtiennes et d’haïtiens, il est tout-à-fait indiqué de rappeler cette réflexion de l’auteur « De la démocratie en Amérique ». Alexis de Tocqueville, quand «  Le passé n’éclaire plus l’avenir l’esprit marche dans les Ténèbres ».

Ce centenaire de la « Vieille Dame » nous offre l’occasion, peut-être unique, de renouer avec certains rituels dont celui des « commencements ». Refaire cette histoire contemporaine à laquelle l’évolution de la Société d’Histoire est étroitement liée. Rendre aux commémorations leur solennité d’antan tout en nous interrogeant sur les conditions et les raisons de cette surprenante longévité. Longévité qu’elle semble partager aujourd’hui avec quelques rares entreprises et Institutions culturelles comme «  Le Nouvelliste » drapé depuis plus d’une décennie dans cet honorable statut et dont la courtoisie continue d’être bénéfique à la future centenaire !

Cette lettre, est la première d’une série. Leur publication constitue déjà autant d’informations relatives à nos projets, à certaines de nos dispositions, au sens de nos démarches orientées vers ce grand événement. A chaque étape, nous déclinerons nos attentes, nos préoccupations tout en rendant compte au grand public des différents aspects de notre programme.

Tout au long de cette année du centenaire, on ne cessera d’évoquer le souvenir des personnalités illustres qui ont préparé le terrain et qui nous ont permis de parvenir à cette phase de l’histoire de notre « Société ». Il nous parait tout à fait impérieux de rendre un puisant hommage à tous ces travailleurs de l’ombre qui, dans la solitude de leur cabinet, ont produit des textes de valeur ayant contribué à l’enrichissement du patrimoine historique haïtien.

Enfin, outre les abonnés de notre revue, il nous reste à saluer, sans pour l’instant citer les noms, les personnalités, les institutions qui pendant toute l’évolution de la «  Vieille Dame »  l’ont accompagnée dans sa route et continuent aujourd’hui encore à lui accorder leur compréhension, leur soutien moral, mais aussi matériel.

 

 

Pierre Buteau

 Président

Pour le comité de la Société Haïtienne d’Histoire

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