L’odeur du café de Dany Laferrière ou un retour en enfance

Publié en 1991, Dany Laferrière, a écrit L’odeur du café pour rendre hommage à sa grand-mère maternelle, Da, aussi à Petit-Goâve, sa ville natale, mais aussi pour faire l’éloge du café, le café des palmes. C’est un roman autobiographique sur l’enfance de l’auteur. C’est le récit d’un petit garçon de dix ans vivant avec sa grand-mère, dans une petite ville de la province d’Haïti.

C’est l’été 1963, il a la fièvre jaune et doit passer la plupart de ses journées avec Da. Avec toute la spontanéité qui accompagne cette partie de la vie, toujours à l’affut de connaissances, il pose toutes sortes de questions dont Da s’efforce toujours de répondre.

- Pourquoi on meurt, Da ?

- Pourquoi on dort ?

- Pour se reposer ?

- Alors ?

- Alors quoi, Da ?

- La mort, c’est le sommeil éternel. »

- Qu’est-ce qu’il y a après la mort, Da ?

- Il n’y a que les fourmis qui en sachent quelque chose.

- Pourquoi elles nous ne disent rien ?

- Parce que la mort ne les intéresse pas, Vieux os.

- Et pourquoi la mort nous intéresse ?

- C’est le secret de la vie.

Que représentent nos grand-mères dans nos vies? La sagesse, l’amour, beaucoup de bienveillance. L’odeur du café est une ode à nos grands-mères. Que serait Vieux os sans Da? L’odeur du café est aussi un hommage à toutes ces rencontres de l’enfance qui façonne l’adulte que nous serons.

L’auteur fait beaucoup appel aux sens pour construire son texte. Cela permet d’intégrer facilement son univers, mais aussi pour mettre en évidence l’âme d’enfant du narrateur. Les couleurs sont très présentes pour donner vie à ce tableau de souvenirs. Il y a la couleur jaune qui revient très souvent, le liquide jaune, la robe jaune de Vava, la fièvre jaune dont souffre le jeune garçon, le ruban jaune des sacs de café, le jaune la couleur préférée de tante Renée, le maillot jaune... Une façon pour l’auteur de rappeler la spontanéité, l’énergie, le dynamisme et l’enthousiasme dont émane cet univers enfantin. Le roman est subdivisé en sous-chapitres très courts, comme les pièces d’un puzzle qui s’emboitent les uns aux

autres. Ce sont des fragments de vie « les filles de Da, le souffle de vie, le petit seau, le bouton, le mur, le bâton, le marchand de foin, ... », des petits moments de bonheurs mis bout à bout « la bicyclette rouge, les reines, le repas, la première fois, le journal, mon cœur... ».

Submergé par l’émotion, on ne peut s’empêcher de faire des pauses pour mieux se remémorer notre enfance, la tendresse d’une tante qui est aussi une mère, se rappeler de nos jeux, ou de notre première bicyclette, ou d’une tasse de café servi avec un morceau de pain par notre grand-mère, pour se souvenir des fois où on est tombé malade, une fièvre ou un gros rhume, des marques d’attentions de la famille, cette grand-mère changeant les compresses ou ce fameux bain avec les feuilles d’oranger et ce savon bon marché. L’odeur du café ce n’est pas seulement l’enfance de Vieux os assis sur la galerie de Da, C’est le journal intime de tous ceux qui ont vécu leur enfance avec leur grand-mère en province.

«Un jour, j’ai demandé à Da de m’expliquer le paradis. Elle m’a montré sa cafetière. C’est le café des palmes que Da préfère, surtout à cause de son odeur. L’odeur du café des Palmes. » Que sent le café? L’odeur de ce café est imprégnée de souvenirs d’enfance, de l’hospitalité de Da.

Il y a de la beauté partout et surtout en tout, seuls ceux qui gardent leur âme d’enfant, plein de sensibilité pourront s’en émouvoir. Dany Laferrière, dans l’odeur du café, nous ramène dans l’enfance pour voir la beauté du monde, pour s’émerveiller devant une colonie de fourmis, devant le paysage haïtien, dessin d’un peintre naïf, à la vue de la mer turquoise des Caraïbes ou pour ressentir le vent léger et sournois comme vieux os, soulevant les robes noires des paysannes. Il y a de la beauté partout et surtout la beauté des gens, la beauté des Haïtiens, dans leur courtoisie, dans leur histoire, dans leurs combats au quotidien, dans leur résilience, et surtout dans leur sourire qui ne les quitte jamais malgré les aléas de la vie. L’odeur du café est l’essence de la culture haïtienne expliquée avec les mots d’un enfant utilisant un langage limpide. L’haïtien est un être fascinant avec ses coutumes, ses croyances, ses mœurs, ses rituels, ses peurs, l’interprétation de ses rêves. Da, Vieux os, Gros Simon, Zette, le notaire Loné, Thérèse, la folle, Le docteur Cayemitte, la mère de Dieusel, Le marchand de Foin, Timise, La famille Devieux... ce sont nos voisins, des haïtiens que l’on rencontre à chaque coin de rue de la province haïtienne.

L’odeur du café est une lecture pour tous les âges, pour ceux vivant loin du pays et qui ont envie de renouer à leurs racines, de s’éloigner du froid pour profiter du soleil de ce petit village d’Haïti, pour ceux qui ont envie de découvrir la culture haïtienne, de faire un voyage dans son enfance, ou pour la simple envie de lire un bon livre accompagné d’une tasse de café, peut-être, s’il est chanceux, le café des palmes.

 

Yahmila Devalon

Source : Le ministère de la Culture et de la Communication (MCC) a organisé, dans le cadre de l’Année de la Belle Amour Humaine, un concours de critique. Il s’agissait pour les participants de choisir un des 11 livres proposés par le MCC et de produire un article critique sur l’œuvre choisie. Les postulants devaient être âgés de 18 à 25 ans. Yahmila Devalon, de Saint-Louis du Nord, âgée de 25 ans  a remporté le premier prix du concours de critique avec un texte sur L’odeur du café de Dany Laferièrre.

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