Le Général Alexandre Dumas, un homme que les Haïtiens doivent apprendre à mieux connaître et dont le 25 mars dernier marquait le 261e anniversaire de sa naissance

Quand on parle d’Alexandre Dumas, les Haïtiens ne pensent qu’à l’écrivain de même nom qui était le fils du général de même nom, qui avait brillé au sein de l’armée française entre la période de la Révolution et le Consulat de Napoléon (1799-1804). Pourtant, ce général noir, ancien esclave, connu surtout sous le nom de Thomas Alexandre Dumas, était un véritable génie en matière de commandement.

Les grands moments de la vie du Général Alexandre Dumas

Né le 15 mars 1762, à Jérémie, dans la colonie de Saint-Domingue, il était le fils d'un aristocrate français, le marquis Alexandre Davy de la Pailleterie, et d'une esclave noire, Marie Césette Dumas, dont il avait porté le nom, une fois entré dans l’armée en France. Vendu à réméré comme esclave par son père, quand il est devenu orphelin de mère à l'âge de 10 ans en 1772, il a été racheté trois années après par celui-ci, en proie au remords d’avoir décidé de se séparer de son fils pour de l’argent. Son père l’avait amené au Havre, puis à Paris en décembre 1775. À la suite de son rachat, il avait pris le nom de Thomas Alexandre Davy de la Pailleterie, devenant comte de la Pailleterie, alors que son père était revêtu de celui de marquis de la Pailleterie.

Jusqu’en 1786, l’année où il s’était brouillé avec son père à l’occasion de son remariage avec une femme du nom de Marie Retou. Celui-ci s’en occupait bien, dépensant beaucoup d'argent pour la garde-robe de son fils, afin qu’il pût tenir son rang dans la société parisienne. Les fonds paternels lui avaient permis de s'installer au début de 1784 dans un logement, rue Estienne, dans le centre de Paris, à proximité du Louvre.

À Paris, il avait eu la chance de se lier d'amitié avec un autre métis, le chevalier de Saint George, né esclave en Guadeloupe qui « devint dans une société d'ancien régime pourtant basée sur le préjugé de la naissance, l'un des courtisans les plus en vue du siècle des Lumières ». L’histoire retient que c’est le chevalier qui l’avait élevé au grade de sous-lieutenant avant sa nomination comme général de division en 1793 après sept années de carrière.

 

La carrière militaire de Thomas Alexandre Dumas

La carrière militaire de Thomas Alexandre Dumas avait commencé en France en 1786 dans le régiment des dragons de la reine, comme simple cavalier sous le nom d’Alexandre Dumas (le nom de sa mère). Selon son fils l’écrivain, il s’était vite rendu célèbre dans le régiment par ses prouesses herculéennes, d’où le surnom de Horatius Coclès du Tyrol qu’on lui avait donné pour la défense d'un pont à Brexen, dans le Tyrol (Autriche) en 1798, pendant la campagne d’Italie.

Au sein du régiment des dragons de la reine, ce soldat athlétique et affûté s’était lié avec les futurs généraux d’Empire : Jean-Louis Espagne, Louis-Chrétien Carrière de Beaumont et Joseph Piston, et dont l’amitié et les exploits allaient inspirer plus tard le roman « Les Trois Mousquetaires » de l’écrivain de même nom.

Pendant sa carrière militaire, Thomas Alexandre Dumas avait fait campagne en Vendée, en Italie, en Égypte, puis de nouveau en Italie. On sait qu’il était au départ très proche de Napoléon Bonaparte, mais s’était brouillé avec le futur empereur durant la campagne d'Égypte. Les deux hommes étaient devenus opposés idéologiquement jusqu’à ce qu’ils en soient venus à se détester.

Menacé de naufrage lors de son retour en Europe, il avait dû relâcher à Tarente, où le Royaume des deux-Siciles l’avait retenu prisonnier pendant deux ans, lui infligeant de nombreuses tortures. Il en était sorti estropié de la jambe droite, sourd de l'oreille droite, paralysé de la joue gauche, son œil droit presque perdu, et en plus atteint d'un ulcère à l'estomac qui, bien plus tard, lui sera fatal.

Les choses devaient empirer à l'époque du consulat, en 1802, en pleine expédition de Saint-Domingue où il avait refusé de mâter une révolte d'esclaves en Haïti. En conséquence, cela lui avait valu une disgrâce définitive.

Les dernières années de sa vie s’étaient passées à Villers-Cotterêts où il avait rendu l’âme le 26 février 1806, à l’âge de 44 ans.

C’est grâce à son fils qui lui avait toujours voué une grande admiration et qui en était orphelin à l’âge de quatre ans qu’on connaît les ressorts de cette figure mythique, à travers les romans qui font partie des best-sellers de la littérature française, notamment dans le personnage de Porthos.      « Le plus grand des Dumas, disait Anatole France, c'est le fils de la négresse, c'est le général Alexandre Dumas de La Pailleterie, le vainqueur du Saint-Bernard et du Mont-Cenis, le héros de Brixen.

 

Ingratitudes et reconnaissance envers Thomas Alexandre Dumas

Thomas Alexandre Dumas était toute sa vie un homme d’une grande générosité. Son fils a rappelé dans Les Trois Mousquetaires que son père avait un jour sauvé quelqu'un de la noyade.

Quand il était envoyé en Vendée lors de la Guerre de même nom (1793-1796), il avait tenté de calmer les exactions des troupes révolutionnaires au point de mériter le surnom de "Monsieur de l'Humanité".

De sa vie, il avait subi plusieurs malheurs. Non seulement, il a été vendu comme esclave par son père alors enfant, mais également, au début de son installation en France, il s’était trouvé en froid avec son père quand celui-ci avait pris une femme qui était sa cadette de 30 ans. En conséquence, après que celui-ci lui avait coupé les vivres, il avait dû s'engager à 24 ans dans le régiment des dragons de la reine. 

On sait aussi que sa brouille avec Napoléon était due à plusieurs raisons. En effet, non seulement, il n’avait pas approuvé les méthodes trop sanglantes utilisées par le Premier Consul en Égypte, mais également il avait affirmé sa fidélité à la République, affiché son opposition au rétablissement de l’esclavage en 1802 et sa sensibilité au sort des esclaves pendant la Guerre de l’Indépendance d’Haïti. Ce qui avait expliqué son insubordination contre Napoléon pour refus de mater l’insurrection des Noirs à Saint-Domingue ainsi que sa disgrâce par le Premier Consul.

D’après Wikipédia, «à son retour en France, à l’époque du Consulat, en 1802, il était l’une des victimes des licenciements massifs qui avaient lieu au moment de la Paix d’Amiens. Comme des centaines d'officiers, il avait été mis à la retraite le 13 septembre 1802 pour ses convictions politiques. Malgré ses réclamations, il n’avait pas reçu les 28 500 francs d’arriérés de solde pour les années de captivité ni sa part des 500 000 francs d'indemnité que le gouvernement napolitain devait verser en faveur des prisonniers retenus. Il avait dû  se contenter de sa retraite de général de division qui ne dépassait pas 4 000 francs par an ».

Ses démarches étaient pourtant nombreuses. Il avait écrit en vain à Bonaparte ainsi qu’au ministre de la Guerre Louis Alexandre Berthier en 1802. Il ne s'agissait pas seulement du paiement d'arriérés, mais de retrouver un commandement.

La sanction de Napoléon contre le général Dumas était impitoyable et sans appel : il avait été rayé des cadres de l’armée et privé de récompenses. En conséquence, il avait fini sa vie dans le chagrin inspiré par le racisme du futur Empereur. Mais, il avait laissé un fils qui était devenu l’écrivain français le plus lu dans le monde avec le roman Les Trois Mousquetaires.

Et puis, il faut dire aussi que "la patrie reconnaissante" avait peu honoré le général Dumas, soldat valeureux et humaniste. Certes, une statue financée par une souscription publique exaltant ses origines africaines était érigée à Paris, place Malesherbes, dans le 17e arrondissement à Paris. Malheureusement, la statue a  été détruite par les nazis pendant l'hiver 1941-1942.

 « A l'initiative de l'Association des amis du général Dumas et de l'historien Claude Ribbe, un de ses biographes, auteur de Alexandre Dumas, Le Dragon de la Reine, Éditions Le Rocher. 2002, et de Le diable noir, Biographie du général Alexandre Dumas, père de l’écrivain. Éditions Alphée, 2008, et une sculpture à sa mémoire, inaugurée par Bertrand Delanoë, se dresse depuis 2009, place Malesherbes à Paris. Mais, le plus bel hommage à cette figure d'exception reste le livre de Thomas Reiss. Dumas, Le comte noir, Gloire, Révolution, Trahison : l'histoire du vrai comte de Monte-Cristo, Biographie, Flammarion. 2013.

 

Conclusion                                 

Bien qu’il eût servi au plus haut niveau dans l’armée napoléonienne avec le titre de général, Thomas Alexandre Dumas était toujours moralement et idéologiquement aux côtés des populations asservies, se mettant vent debout contre les exactions voulues et pratiquées par Napoléon, que ce soit en Égypte ou dans la colonie de Saint-Domingue. Il était donc resté profondément humain, même sur le territoire français, lors de la Guerre de Vendée où il s’était taillé la réputation de «Monsieur de l’Humanité». On sait que, malgré ses exploits mémorables au prix de sa vie, il a été victime d’ingratitude de la part de Napoléon. Ce qui lui avait valu de terminer sa vie dans le plus extrême dénuement. Côté haïtien, il faut mener campagne pour que nos compatriotes se reconnaissent dans ce grand homme qui fait partie de notre patrimoine dont le génie tactique était comparable à ceux de Toussaint Louverture et de Jean-Jacques Dessalines. Pourquoi ne pas penser à ériger une statue à son effigie à Port-au-Prince et dans sa ville natale, la ville de Jérémie ?

 

Jean SAINT-VIL

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