Un musée pour le théâtre haïtien : patrimoine national !

Des tonnes de costumes cherchent désespérément des vitrines pour rappeler les personnages romantiques, historiques, cyniques, gentils, méchants, aimés, mal-aimés et enfermés entre les livres et les scènes, les représentations et les reportages, les souvenirs et sans la possibilité de les collecter et les conserver pour les besoins des générations futures. 

De quelle institution publique ou privée viendra l’initiative d’organiser une semaine d’inventaire du patrimoine dans le théâtre en Haïti, sans distinction aucune envers les acteurs, les directeurs artistiques, les troupes et les productions ? Une telle initiative ne peut qu’aider à constituer les collections qui nous permettront à l’avenir de découvrir l’histoire du théâtre en Haïti !  

Découvrons bientôt la galerie des métiers, des collections de textes et leurs auteurs. Plusieurs salles seraient aménagées pour accueillir les troupes de théâtre dans toute l’histoire d’Haïti. 

Des matériels, équipements, accessoires, des masques, trainent également entre les tiroirs, les boîtes en carton, les valises usagers placés sous les lits, quand ces textes ne sommeillent pas entre deux matelas, à défaut de trouver un rayon spécialisé dans les rares bibliothèques publiques encore fonctionnelles dans le pays. 

Dans la liste des sites culturels de la capitale haïtienne, très peu fréquentés ces derniers temps, on peut citer en premier lieu les prestigieux locaux du Théâtre national d’Haïti. Un haut lieu qui rappelle tant de grands et beaux souvenirs dans la vie culturelle dans les années 50, 70 et 80.

Des rues comme des villes du pays, ne pourront plus accueillir les successions de performances qui ont suivi la tournée universitaire de la Troupe Nous, au début du millénaire, lors de la tournée universitaire avec la pièce de Franketienne. Que deviendront les objets, les costumes et les meubles qui ont servi dans les pièces d’Hervé Denis ? Où sont passés les objets, les archives et la mémoire de la Troupe de Languichatte, Lavi nan Bouk, Jesifra, d’Alcibiade, Frederique Surpris, entre autres ?  

Défendre une meilleure place autour de la mémoire et du patrimoine qui découlent dans les industries culturelles et créatives, en particulier dans les arts de la scène, en particulier le théâtre, s’impose comme un acte légitime, rationnel, réaliste dans l’Haïti d’aujourd’hui.

Le théâtre est défini comme : « Un champ artistique lié à la présentation directe, non différée ou saisie par un média, du produit artistique. L’équivalent anglais (performing art) rend bien l’idée fondamentale de ces arts de la scène, le théâtre renforce toutes les formes d’expressions et de représentations artistiques, pour devenir un théâtre total.

Dans l’histoire contemporaine du théâtre haïtien, on pourrait bien se questionner autour de l’existence des archives audiovisuelles de la station PVS Antenne 16, concernant la célèbre émission « Teyat Lakay ».

Danse, musique, arts plastiques et visuels, littérature, chants, entre autres participent dans la machine théâtrale, le montage, la mise en scène, les masques, les maquillages, les marionnettes, les mouvements, les mimes, entre autres.

Derrière chacun des concepts cités se trouvent des acteurs et d’autres talents, des techniciens et professionnels souvent perdus à l’ombre de la scène, derrière les rideaux. Ils ont chacun des choses à dire, des fiches techniques de leurs métiers ou des activités artistiques à présenter pour chaque type de mise en scène. Ils ont autant de supports, des documents, des matériels et d’autres accessoires qui méritent une place importante entre les vitrines ou les projections lors d’une exposition dans un musée consacré au théâtre en Haïti.

Difficile de répertorier tous les grands noms dans l’histoire et l’évolution du théâtre haïtien, lorsqu’il existe très peu de livres, de documents scientifiques, d’articles de journaux, de rapports et de mémoires disponibles actuellement dans le pays. On ne peut compter sur les doigts d’un manchot les rares médias qui disposent dans leur programmation une émission, une rubrique sur le théâtre haïtien.

De nombreux festivals de théâtre participent dans cette forme d’éducation, d’animation et de réveil de la population haïtienne. On peut citer le Festival des Quatre chemins, qui porte les marques de l’auteur Guy Régis Junior depuis plusieurs années. Plusieurs autres acteurs et promoteurs du théâtre haïtien, comme Georges Beleck de la COSAFH, Fritz Evens Moise (Jhon Vanyan) de Palto Vanyan, Foudizè, BIT Haïti, et tous les autres noms comme Billy Elucien, Chelson Ermoza, Richard Thomas, entre autres.

Des expositions, sur la présence des femmes dans le théâtre haïtien, offriraient une belle fenêtre sur la diversité des thématiques que ce musée offre au grand public. Depuis plus d’un siècle pratiquement, elles sont nombreuses ces figures féminines qui s’imposent comme Florence Jean-Louis Dupuy, Paula Clermont Péan, Michele Lemoine et toutes les autres.  

Des acteurs se reconvertissent ou disparaissent de la scène pour ne pas mourir de chagrin à force d’affronter la tragicomédie de la vraie vie. D’autres finissent par se désorienter, jusqu’à s’autodétruire, comme le dernier cas en date de l’artiste et comédien assassiné et humilié.

Diction, discours, décors, déguisement, déclamation, démonstration en passant par la distribution de rôle, sont autant d’éléments ou des dimensions qu’il faudra retenir lors d’une première exposition dédiée à l’histoire et l’éducation culturelle et artistique autour du théâtre en Haïti.

Dans l’actuelle génération, ils sont de plus en plus nombreux les troupes qui continuent d’assurer la garde, à défaut de célébrer cette nouvelle journée internationale du Théâtre en Haïti. En dehors de la note officielle du ministère de la Culture et de la Communication pour marquer cette date, plus d’un reconnaît les nombreux défis qu’il faudrait surmonter pour garantir un meilleur avenir au théâtre en Haïti. 

Dans l’impossibilité ou dans l’attente pour les amateurs et professionnels de théâtre en Haïti de disposer des salles de spectacles, de la formation et des moyens pour développer leurs talents et contribuer à la production et aux performances des pièces de qualité, cela n’empêche pas d’encourager la valorisation du patrimoine spécifique aux arts de la scène en Haïti.

Des collections à constituer, des expositions à visiter, des animations à découvrir, des publications pour illustrer le théâtre haïtien sont autant d’actifs que les professionnels des musées pourraient proposer au grand public dans un proche avenir, tout en participant à la sauvegarde de ce patrimoine culturel, à la fois matériel et immatériel qu’est le théâtre. Un art total à promouvoir et à préserver pour les générations présentes et futures.

 

Dominique Domerçant

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