Haïti et la journée mondiale de l'épargne !

Dépenser moins que ce qu’on gagne ou encore, ensemble des sommes mises en réserve ou employées à créer du capital, sont les deux principales expressions qui permettent de définir l'épargne. Le 31 octobre, la journée mondiale de l'épargne sera célébrée une nouvelle fois dans de nombreux pays, et pourquoi pas en Haïti.

Derrière les statistiques et les mesures, les programmes et projets, les initiatives et les rapports d'activités disponibles et partagées par les plus hauts responsables et les publications sur les sites des principales institutions concernées par cette question, l'épargne est pratiquement un sujet ordinaire que la grande majorité des familles et des acteurs économiques formels et informels dans le pays devrait pouvoir maîtriser et discuter au quotidien, dans le cadre d’une appropriation de la culture financière en Haïti.

Dans bon nombre d'établissements scolaires et des universités, on aurait pu observer de nombreuses activités telles  que des conférences-débats, des publications, des expositions et des animations autour de l'importance de l'épargne dans la création de richesses et la vie économique de tous les jours, durant cette dernière journée du mois d'octobre. Si et seulement si. 

Dans toutes les couches de la population haïtienne, il y a un besoin énorme d’information et d’appropriation des principales connaissances et compétences nécessaires pour épargner. Quels sont les  principaux produits pour épargner en Haïti ? Comment sont-ils répartis à travers les institutions publiques et privées du pays ?  C’est pratiquement l’un des principaux objectifs de toutes les journées mondiales qui consistent à démocratiser, à sensibiliser et à responsabiliser l’ensemble des acteurs de la société autour d’une thématique ou problématique importante.

Depuis le jeudi 25 juin 2020, le Plan national d’Éducation financière en Haïti a été lancé, dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie nationale d'inclusion financière, par la Banque de la République d'Haïti et plusieurs de ses partenaires. Un nouveau pas est franchi en ce sens. Plusieurs activités ont été réalisées en ce sens. Hélas. La situation difficile actuelle dans le pays risquerait à tout prix de retarder à la fois les agendas, entre les réseaux stages nécessaires, les retombées et les résultats.

Définir un tel concept n’a rien de méchant. Seulement dans les faits, il faudra compter cette couche importante de la population haïtienne qui ne peut même pas gagner, encore moins pour penser à dépenser. Encore moins, si cette dernière pourrait penser à disposer des excédents  à mettre de côté, ou les employés à des fins d’investissement et de capitalisation.

Dans ce contexte complexe et catastrophique de crise sociopolitique actuelle en Haïti, les principales institutions qui composent le système financier en Haïti, et notamment les banques ne pourront certainement porter l’attention sur la commémoration d’une telle journée thématique. La situation est grave à tous les niveaux. Les services sont plus que jamais revus à la baisse. Épargner n’est pratiquement pas possible dans un contexte d’asphyxie presque totale de l’économie, ou la création de richesses se limite pratiquement à de rares opérateurs de plus en plus informels, qui font le marché noir et parfois très peu catholique.

Dans la paysannerie, les approches et pratiques en matière d'épargne ne sont plus les mêmes, bien avant l'élimination des “kochon kreyòl”. Ces grandes villes du pays, jadis considérées comme  modernes sont désormais prises au piège de la violence et de l'insécurité, de l’isolement et de l'insalubrité provoquée en grande partie par les problèmes démographiques et institutionnels.

Devant un tel tableau qui provoque de plus en plus le chômage en cascade dans de nombreux secteurs et domaines d'activités économiques, la diminution significative des activités économiques, l’isolement des villes et la réduction de la circulation dans beaucoup de communes, rares sont les professionnels, les entrepreneurs et les familles, qui pouvaient épargner, qui se verront dans l’obligation de retourner vers l’utilisation de certaines réserves stratégiques pour survivre en ces temps de crises profondes dans le pays.

Durant cette journée mondiale de l'épargne, les familles haïtiennes devront plus que jamais se tourner vers les chapitres revus et corrigés des manuels d’initiation à l'économie, pour apprendre de nouvelles connaissances et appliquer à la lettre les notions d'éducation financière en temps de crise, ou en temps de guerre.

Dans ce système financier qui déjà souffrait de beaucoup de maux, tant sur le plan de la législation et de l’inclusion, sur le plan de la gouvernance politique et de l'éthique, en dehors du manque de préparation et d'éducation de la grande majorité de la population, il parait encore plus difficile d’inscrire une telle commémoration dans l’agenda d’un grand nombre de familles de plus en plus affaiblies, épuisées, capitalisées et appauvries.  

Dans un pays qui retrouve la voie de la stabilité et du développement, à l’occasion de cette journée mondiale de l’épargne, on va certainement retrouver la mobilisation des responsables et spécialistes des différentes institutions stratégiques impliquées activement dans la mise en œuvre du Plan national d’Éducation financière. Le ministère de l’Économie et des Finances, le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle, en dehors de la banque centrale, et quelques autres acteurs et partenaires, seraient partie prenante dans cette grande marche ou messe visant à renforcer les capacités de la population à mieux s'insérer dans le système financier .national et international, afin de participer activement au processus de croissance et de développement du pays.

Dette et perte sont malheureusement les deux concepts qui donnent du mal à la tête et dominent les discours de grand nombre d’acteurs économiques locaux. Qu’ils s’agissent des responsables des institutions et entreprises et surtout des familles qui envisageaient d'investir, de construire et de  bâtir, en misant sur leurs épargnes. Hélas ! Face à ces crises imprévisibles et persistantes, ils déclinent.

Des deux côtés le mal est infini. Entre l’obligation d'épargner pour anticiper les besoins futurs et l'incapacité de continuer à créer de la richesse, les besoins, les contraintes, l’inflation et d’autres urgences du présent nous imposeront de revoir nos bonnes intentions d'épargner à la baisse. C’est pratiquement là où le bât blesse. Haïti risquerait une nouvelle fois cette année, d'être absent, dans cette grande marche internationale visant à célébrer ou à commémorer cette  journée mondiale de l'épargne.  

Derrière les trente années qui séparent la citation de Gracia Moune, en 1992, qui disait que : "L'épargne permet l’investissement et l’investissement permet l'épargne.", en misant sur la somme des connaissances et des expériences accrues dans l'économie et la finance de certains experts du milieu, on pourrait bien leur demander comment articuler véritablement et de manière efficace,  ses deux concepts, variables ou problématiques dans la réalité haïtienne en 2022 ?  

Dominique Domerçant    

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