Le Forum économique Belgique-Afrique, une opportunité pour les entrepreneurs haïtiens ?

L’association sans but lucratif (ASBL), Oeil d'humanité, a organisé le 24 mars dernier à Namur en Belgique le Forum économique Belgique-Afrique (FEBA). Ce forum destiné à sensibiliser la diaspora africaine à la création d’entreprises ainsi qu’à l’invitation à des investissements bilatéraux des opérateurs africains et belges. Nathanaël Delhaye, co-organisateur du FEBA, a souhaité nous entretenir sur la tenue du tout premier forum et sur ses retombées positives.

Le National : Tout d'abord, le lectorat souhaiterait savoir votre parcours. Vous avez vécu en Haïti, mais vous vous êtes installé en Belgique depuis combien de temps ?

Nathanaël Delhaye: Je suis né en Haïti et j'ai été adopté. J'ai encore de la famille en Haïti, mais il est vrai que je vis en Belgique depuis mon enfance. La dernière fois que je suis retourné en Haïti, c'était en 2012. 

 

L. N. : Comment ce projet est-il né?

N.D. : Comme pour beaucoup de choses dans la vie, ce projet est né suite à une rencontre fortuite. À ce moment, j'étais apporteur d'affaires. J'ai accepté de ramener un homme que j'avais rencontré à une réunion de famille, au cours de la discussion sur la route, il m'a dit qu'il était le directeur d'un journal, Œil d'humanité, et qu'il organisait un forum économique. Nous en avons discuté et suite à ce que je lui ai exposé, il m'a demandé de venir prendre la parole au forum.

Quelque temps après, il m'a demandé si je pouvais aider à l'organisation. J'ai accepté et c'est à ce moment que je me suis retrouvé co-organisateur de la 1ère édition du FEBA. Les choses avançant, le directeur, comme je vais l'appeler, a décidé de créer une ASBL du même nom que son journal. Cette ASBL ne se contente pas seulement de regarder, mais qui appuie et accompagne également la diaspora.

C'est un pont entre les cultures africaine et européenne, la coopération entre les deux continents à travers des reportages, des rencontres, des forums économiques, l’organisation d'évènements de diversité culturelle. Le forum ayant été une réussite, le directeur, comme je vais l'appeler, aimerait maintenant créer une mission économique. Je mets donc mes ressources à la disposition de ce projet.

 

L. N. : Quels sont les pays de l'Afrique à avoir pris part au Forum Économique Belgique-Afrique (FEBA)? Est-ce que la République démocratique du Congo, le Burundi et le Rwanda y ont pris part ?

N.D. : Le Burundi et le Rwanda étaient présents. J'ai personnellement invité des acteurs de la RDC, mais le délai pour les visas était trop long et les reports qui ont eu lieu les ont quelque peu découragés, voire créé la méfiance.

 

L. N. : Combien de leaders et acteurs publics ont participé au forum mis à part les intervenants? Combien de participants étaient présents?

N.D. : J'ai décompté trente-deux (32) personnes sur mon listing. Sur les 8 intervenants, 3 étaient absents. Ce qui pour une première et un jour de semaine, nous a semblé très positif.

 

L. N. : Pensez-vous qu'Haïti puisse faire partie de ce forum malgré le fait que la seule ambassade du Royaume de Belgique se trouve à Cuba et régente les affaires diplomatiques de Cuba, d'Haïti et de la République dominicaine?

N.D. : Bien sûr, si nous nous y prenons à temps et que les critères imposés par l'Ambassade sont remplis.

 

L. N. :  Quels sont, selon vous, les moyens de promouvoir la coopération entre l'État haïtien et le Forum économique Belgique-Afrique (FEBA)?

N.D. : Je précise que le FEBA est terminé. Nous reconduirons l'expérience l'année prochaine. Ensuite, j'essaye au maximum d'éviter la politique afin d'être plus libre de mes mouvements. Dans l'état actuel des choses, je ne vois pas encore comment l'État haïtien pourrait intervenir dans l'organisation d'un évènement privé. Ce serait plus à l'État belge que je demanderais d'accorder des visas d'affaires aux ressortissants haïtiens qui voudraient venir pour cette occasion. Mais comme je l'ai dit plus haut, à ce niveau, ils devront répondre aux critères demandés.  

 

L. N. :  Quels seraient les objectifs de développement durable (ODD) les plus prioritaires pour Haïti selon vous?

N.D. : Vaste débat dont nous pourrions reparler à l'occasion... Selon moi, la priorité en terme de développement en Haïti, c'est

  1. L’agroalimentaire. À tous les niveaux. Donc il faudrait valoriser le métier d'agriculteur, permettre aux agriculteurs de vivre de leur métier, leur permettre de nourrir leurs familles grâce à ce métier. Haïti importe du riz afin de nourrir sa population alors que les agriculteurs pourraient nourrir le pays. L'argent qui va dans les pays d'Asie pour ce riz pourrait servir à autre chose, à mettre en place des programmes. Le « Déchoucage » * est un problème, car les pluies lavent le sol qui n'est plus utilisable pour planter de quoi manger...
  2. Les études !!! Les étudiants privilégient les études en agronomie, car la durée est assez courte et leur permettent de manger rapidement. C'est bien et surtout compréhensible. Mais Haïti a besoin de routes, de compétitivité commerciale et économique, qui ne viendront pas sans sécurité. Et à ce sujet, j'ai personnellement un problème. C'est que je vois d'un mauvais œil que des États étrangers, ex-esclavagistes et colonisateurs, se permettent de donner leur avis, voire poussent pour venir sur le sol haïtien pour "remettre les choses en ordre". Ils ont fait assez de désordre. C'est trop facile. On peut être pauvre et garder sa dignité. Nous les Haïtiens sommes connus pour être dignes et ne jamais baisser les bras. Il faut voir comme les Noirs d'Europe respectent les Haïtiens !!!

 

L. N. :  Comment voyez-vous l’avenir de cette coopération nord-sud?

N.D. : Mon objectif est d'aider les populations "du Sud". Nous, la population africaine et afrodescendante, avons la chance d'être dans des pays aux multiples ressources. Mais, on se les fait voler. La recherche de l'identité est pour moi une chose primordiale. Quand cette dernière est trouvée et que nous en sommes fiers, nous ne pouvons plus accepter ce qu'il se passe.

Cette coopération nord-sud, dans laquelle je me place en intermédiaire, permettrait à nos populations de jouer sur le même plan, au même niveau que les autres acteurs économiques. Chacun doit trouver ce qu'il peut apporter et le valoriser.

 

Le National : En quoi consiste la réussite de ce premier forum?

Nathanaël Delhaye: Très concrètement, le Forum avait pour but de favoriser le réseautage. C'est ce qui a été fait. Je ne sais pas pour les autres, mais à mon niveau, les conversations que j'ai eues, les cartes de visite que j'ai prises m'ont permis d'agrandir mon propre réseau. Ce qui me permet à mon tour d'être plus performant dans ma branche. Donc au final, c'est une réussite. Je ne vous parlerais pas si ce Forum n'avait pas eu lieu.

* « Déchoucage » : Un dechoukaj peut signifier la destruction d'un domicile, d'une institution ou le lynchage d'individus. (Def. sciencespo.fr)

 

Propos recueillis par

Garens Jean-Louis

jgarens2@gmail.com

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