Le secteur financier et l’insécurité en Haïti

D’une manière générale, les employés démissionnaires évitent d’être précis quant au motif de leur départ. Ainsi, trois (3) parmi les huit (8) banques du système nous ont fourni uniquement le nombre de départs sans en préciser le motif. Conséquemment, ces départs ont été enregistrés sous le motif général de « démission ». Sur les six cent vingt-six (626) départs recensés sur la période, cent quatre-vingt-six (186) ont précisé qu’ils ont laissé leur poste pour émigrer aux États[1]Unis ou au Canada, tandis que deux cent cinquante-cinq (255) employés ont remis leur démission sans motif. La banque centrale haïtienne a pris le soin de : « souligner qu’au moment de la collecte des informations, les responsables des ressources humaines des institutions ont mentionné la difficulté d’identifier les départs pour raison d’émigration. »

De tels propos figurent à la page 11 du document tire : « BRH Info à la loupe », l’une des dernières publications en date, de la Banque de la République d’Haïti, proposant des données statistiques assez pertinentes sur la problématique de : « Impact de l’insécurité sur le capital humain : secteur financier ».

D’autres faits importants à prendre en compte : « En 2023, l’aggravation du climat d’insécurité a continué d’entraver la libre circulation des facteurs de production et des biens. Avec la hausse de près de 122 % des cas d’enlèvement  comparée à 2022, les programmes de regroupement familial, tel celui du “Humanitarian Parole” (programme Biden), devenus plus attractifs, ont marqué un tournant dans la vague de migration et sont désormais la principale voie vers une amélioration des conditions de vie. Ce mouvement migratoire a eu des conséquences néfastes sur les ressources humaines de la plupart des entreprises et institutions du pays. Afin d’évaluer le taux de déperdition des cadres du système bancaire en 2023, la BRH a dressé un rapport des mouvements du personnel au moyen des informations recueillies auprès des institutions bancaires. “.

Disponible en version numérique et accessible au plus grand nombre, ce document précise: ‘Selon les données collectées, les pertes en ressources humaines, tous motifs confondus, d’octobre 2022 à décembre 2023, sont évaluées à plus de 626 employés. Parmi eux, on compte jusqu’à 155 cadres d’une banque d’État et 136 d’une institution privée, ce qui représente respectivement 25 % et 22 % du total des départs au niveau du système bancaire.’.

Dans cette radiographie de la situation de l’emploi dans le secteur financier, au temps de l’insécurité, les auteurs rapportent que : ‘Le nombre de départs mensuels affiche une tendance cumulative à la hausse d’octobre 2022 à décembre 2023. En effet, le nombre de cadres démissionnaires du système bancaire a atteint vingt (20) en octobre 2022 et cent trente-cinq (135) en avril 2023. L’analyse des cas de démission, en tenant compte de la hiérarchie, révèle que le système a perdu des cadres à tous les niveaux, depuis les agents de sécurité jusqu’aux directeurs de départements.’

Durant le mois de mai 2024, la Banque de la République d’Haïti, à travers ce support informatif  entend fournir aux acteurs et aux décideurs des informations pour les plus pertinentes, capables d’orienter de façon objective et scientifique les prochaines décisions en matière de planification stratégique. Les lectrices et lecteurs sont invités à aborder les différents points suivants: Taux de rotation et mouvement de personnel dans le secteur bancaire en 2022 et 2023 ; et les données relatives à l’ Enquête réalisée auprès du secteur financier Enquête réalisée auprès du secteur financier en avril 2024 - Aspects méthodologiques - Analyse des résultats.

Durant les trois dernières années en particulier, il parait difficile de ne pas considérer à quel point : ‘L’économie haïtienne a subi les contrecoups de plusieurs chocs tant externes qu’internes qui ont contraint le dynamisme de tous les secteurs d’activité. Néanmoins, le secteur tertiaire est celui qui a été le moins affecté en raison de la résilience de certaines branches, notamment celle des ‘Activités financières et d’Assurance’. En effet, cette dernière est restée profitable en dépit des impacts négatifs découlant de la pandémie du Covid-19, des aléas climatiques et des perturbations socio-politiques qui ont prévalu au cours de ces dernières années. »  

Derrière ce sombre constat présenté par les responsables de la banque des banques en Haïti, ces derniers tiennent à rappeler combien : » La détérioration du climat sécuritaire a mis à rude épreuve la stabilité qui a toujours caractérisé le secteur financier. ».

Déjà en proie à une longue période de récession économique, ce dernier a subi les répercussions des violences armées avec des conséquences néfastes sur la disponibilité régulière des services financiers. En effet, les récents actes de vandalisme, d’incendie et de pillage, entre autres, ont entraîné des pertes financières importantes ainsi que la fermeture de plusieurs succursales de banques et de nombreux points de services des institutions de microfinance, de caisses d’épargne et de crédit dans la région métropolitaine et dans certaines villes de province.

D’autres aspects aussi importants servant de leviers influencent de manière significative ces départs dans le système financier et ces déplacements vers d’autres pays voisins. Le document informe parallèlement: ‘Les vagues de migration vers les États-Unis, le Canada, la République dominicaine, certains pays de l’Amérique Latine (Brésil, Argentine, Chili, Nicaragua) se sont intensifiées à partir de 2022. Ce processus migratoire a été facilité par les programmes humanitaires et de regroupement familial en 2023, entraînant ainsi une fuite importante de main-d’œuvre, incluant des professionnels qualifiés. Le secteur financier a été parmi les plus touchés par ce phénomène avec des pertes en ressources humaines expérimentées et difficiles à remplacer.’

Des efforts de recrutement ont toutefois été constatés en vue de maintenir la disponibilité et la qualité des services à la clientèle, tandis que des réflexions sont en cours sur des stratégies visant à favoriser la rétention des cadres et le renforcement du capital humain au niveau de ce secteur. Une évaluation des coûts de la crise pour la sphère financière s’avère donc cruciale vu son importance, d’une part pour la conduite de la politique monétaire et, d’autre part, pour la Stratégie nationale d’Inclusion financière (SNIF), conclut le document.

 

Dominique Domerçant

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