Devant la faiblesse des principales institutions publiques haïtiennes qui s’occupent de la politique publique de l’Etat haïtien dans le domaine maritime, en dépit de la bonne intention des principaux responsables de ces institutions, il parait important et utile d’attirer l’attention des autorités politiques actuellement en fonction, ainsi que de l’ensemble des élites, des partis politiques et des futurs candidats aux différents postes électifs pour les prochaines élections, de prendre en compte l’importance d’approfondir les réflexions sur la nécessité de doter le pays d’une institution régalienne plus influente et convergente, destinée à s’occuper de la politique nationale de la mer. Pourquoi et comment ?
D’aucuns diront qu’il s’agira d’un ministère de trop ? D’autres personnes penseront que la mobilisation des maigres ressources du trésor public, en termes d’investissement dans un tel projet ne va pas véritablement fournir des services à la population ? Et pourtant, la République d’Haïti, de par sa configuration géographique en tant que pays insulaire, en raison des paramètres sociologique, anthropologiques, et psychologiques qui caractérisent l’imaginaire et la mentalité de la majorité de sa population dans ses relations avec la mer, en dehors des nouveaux enjeux géopolitiques, sécuritaires, économiques, culturels, écologiques, éducatifs, touristiques, scientifiques et diplomatiques qui se définissent dans les relations internationales dispose de tous les atouts pour véritablement lancer de nouveaux chantiers dans son espace maritime, pour l’aider à rattraper le train du développement durable.
De nombreux autres Etats, forts et faibles à travers le monde, se sont dotés au fil des années d’une importante et imposante structure de régulation, de gestion, de coordination et de coopération entre les différents acteurs et operateurs impliques dans la gouvernance de la mer, qui prend dans la majorité des cas la forme juridique d’un ministère de la Mer. Et pourquoi pas Haïti ? Qu’est-ce que la terre d’Agwe et de Simbi aurait à perdre en investissant dans la réorganisation stratégique des espaces maritimes dans tous les angles ?
Dans le cadre de la coopération existant entre la République d’Haïti avec de nombreux pays, comme les Etats-Unis et Cuba, la Jamaïque et le Canada, la France ou le Taiwan, la République dominicaine et le Mexique, en dehors de la Chine parmi d’autres Etats, ces derniers disposent de solides expertises dans les industries maritimes, en termes d’infrastructures civiles et militaires, et dans la valorisation de l’économie de la mer.
Des exemples récents venant des pays partenaires, et partageant en particulier l’espace francophone, comme la France, peuvent aider à mieux comprendre l’urgence et la pertinente pour les plus hautes autorités haïtiennes de suivre les traces, et d’adapter les modèles pratiques, les expériences stratégiques en matière de développement des politiques publiques autour de la mer.
Durant l’année 2020, les réformes entreprises par les autorités françaises ont abouties à la refondation du ministère de la mer, dans le décret publié le 15 juillet 2020. Ces informations précisent : « Ce ministère élabore et met en œuvre la politique du Gouvernement dans le domaine de la mer sous ses divers aspects nationaux et internationaux, notamment en matière d’économie maritime, de rayonnement et d’influence maritimes.».
Dans les attributions du ministre de la mer, on peut lire, qu’il ou qu’elle : Exerce les attributions relatives à la navigation, à la sécurité, à la formation, aux gens de mer, à la plaisance et aux activités nautiques ; Est responsable de la planification de l’espace en mer et de la politique des ressources minérales marines ; Définit et met en œuvre, en lien avec le ministre chargé de l’agriculture, la politique en matière de pêches maritimes, notamment en ce qui concerne la réglementation et le contrôle de ces activités et le financement des entreprises de la pêche ; Définit et met en œuvre une stratégie géographique d’influence de la France sur les océans ; Exerce, conjointement avec le ministre chargé des transports, les attributions relatives aux ports, aux transports maritimes, à la marine marchande et à la réglementation sociale dans le domaine maritime.
Des compléments d’informations soulignent dans un premier temps : « Pleinement associée à la conduite de l’action de l’Etat en mer, la ministre travaillera en étroite collaboration avec le Secrétaire général de la mer mais aussi plusieurs ministres dont celui de la transition écologique, de l’agriculture, des transports ou encore de l’Europe et des affaires étrangères. ».
Dans un second temps, le document confirme que le ou la titulaire de ce ministère sera associée : « A la politique relative à la protection du littoral et aux énergies marines ; A la politique de l’alimentation pour ce qui concerne les produits de la mer et l’aquaculture ; Au contrôle de la qualité et de la sécurité sanitaire pour ce qui concerne les produits de la mer ; A la politique du tourisme sur le littoral et en mer et à l’élaboration de la législation fiscale concernant les activités en mer et sur le littoral ; A l’élaboration des programmes de recherche, d’enseignement et d’encouragement de l’innovation concernant ses attributions. », entre autres : « Parmi ses différentes attributions, la ministre pourra présider, par délégation du Premier ministre, le comité interministériel de la mer. Elle présidera également le conseil national de la mer et des littoraux. ».
Difficile de ne pas voir dans ces argumentaires et ce cadre réglementaire, autant de besoins et des priorités, des urgences et des opportunités pour lesquelles l’Etat haïtien devrait s’organiser pour tenter de reprendre le contrôle de cet espace aussi important, aussi riche et déterminent en termes de leviers pour la création de richesse, et d’affirmation de la souveraineté et de la sécurité pour la population.
Des jeunes autant que des familles confrontés aux poids de la misère, de l’absence des services publiques dans les différentes villes et régions du pays, et incapables de subvenir aux besoins élémentaires de survie, ne seront pas obliges de risquer leurs vies sur des embarcations de fortune pour tenter de regagner les cotes maritimes des autres pays de la région, en particulier les Etats-Unis, Cuba, les Bahamas, entre autres. Quel est le bilan en Haïti, au cours des quarante dernières années, en matière de pertes en vie humaine, de destruction des biens, des investissements et des marchandises ? Quelles sont les statistiques actualisées dont dispose l’Etat central et des institutions publiques spécialisées dans le cadre de la gouvernance de la mer ? Comment mesurer ou améliorer la qualité des services fournis par l’Etat haïtien à la population dans le cadre de la régulation et la gestion de l’espace maritime haïtien ?
Dans la prise en compte d’un tel plaidoyer pour doter Haïti à l’avenir d’un ministère de la Mer, cette nouvelle structure serait ainsi organisée dans ses principales missions, fonctions et attributions autour des différentes directions techniques et des services destinés à assurer les différentes activités et opérations dans les domaines suivants : de coordination interne et externe, de recherche et d’innovation, de la supervision et de l’exploitation des différentes dimensions retenues dans l’espace maritime et le littoral, de formation et d’éducation, des études économiques et des stratégies financières, entre autres.
De nombreux enjeux maritimes pour la République d’Haïti, ne sont pas toujours pris en compte dans les différents agendas antérieurs élaborés durant les dernières décennies. Entre les crises récurrents et multidimensionnelles les plus persistantes, et les catastrophes naturelles qui détruisent à la fois les vies, les biens et l’environnement, la nouvelle politique publique pour la gouvernance de la mer, qui serait formulée, par des spécialistes haïtiens, avec l’assistance des institutions et états partenaires, devraient servir de passerelle pour sortir la population de cette misère chronique.
Dans l’attente de voir aboutir un tel projet, il est venu le moment de commencer par encourager des actions stratégiques, innovantes, pertinentes et surtout intelligentes et durables pour aider les acteurs à voir plus clair l’ensemble des opportunités et la richesse qui se trouvent à la surface, dans le voisinage, les frontières et les profondeurs de la mer qui entoure les côtes d’Haïti.
Des connaissances générales, des compétences pratiques, des comportements responsables, de créativité rentable, et une culture maritime sont à développer en Haïti, dans l’objectif de sensibiliser les autorités et les élites sur le bien-fondé de ce ministère stratégique qui sera consacré à la mer. Notre riche et profonde mine inépuisable de ressource, de richesse et de recherche.
Dominique Domerçant