Défendre la place et surtout les réalisations et la contribution des femmes dans tous les domaines et les secteurs les plus stratégiques comme l’économie et la finance, la politique et la diplomatie, l’éducation et la formation, les arts et la culture, les sciences et la technologie, nous oblige à répertorier le plus que possibles des actrices et artisanes souvent oubliées et marginalisées par la force du temps ou la dynamique sociale aussi active, en dehors de certains leviers qui continuent de résister au changement imposé par cette ère valorisant l’équité et le respect des droits humains, incluant les droits des femmes d’ici ou d’ailleurs.
Dans l’histoire de l’enseignement des sciences sociales en Haïti, en particulier tournée vers l’évolution des études réalisées autour des principales thématiques ou problématiques relatives à l’économie et la finance, nos recherches nous ont permis de retracer quelques noms de femmes associés à différents sujets de recherche et des travaux réalisés dans les deux domaines connexes et complémentaires cités plus haut.
De 1985 à 2011, les archives de l’Université d’Etat d’Haïti, en particulier du Département des Sciences économiques de la faculté de Droit et des Sciences économiques (FDSE), nous proposent un répertoire des mémoires et projets de sortie soutenus. Ce document de douze pages offre la possibilité de d’identifier une sélection d’étudiants, accompagnés des sujets de leur mémoire ou du projet de sortie soutenu, tout en précisant le nom du directeur de recherche et l’année de soutenance.
Dans l’attente du document actualisé, j’ai l’honneur de soumettre à votre appréciation, la liste des noms de femmes retenus, avec leurs contributions apportées dans le développement de la recherche, de la science et des activités économiques et financières en Haïti, entre 1990 et 2011. Qui sont-elles, ces femmes formées dans le département des sciences économiques de la FDSE ? Que sont-elles devenues dans le paysage économique et financier en Haïti et/ou dans la diaspora haïtienne ? Quelles sont celles qui ont poursuivi leur carrière dans ces domaines et celles qui se sont reconverties par la force du temps, de la migration, des exigences ou illusions de ces secteurs ? Combien parmi ces femmes économistes ou financières sont parties sans laisser de traces ou de souvenirs dans la mémoire collective de la faculté, du secteur économique et des institutions du pays ?
Durant l’année 1990, l’étudiante Michèle Bernard allait argumenter autour de la problématique du : « Rôle du mouvement corporatif dans le développement socio-économique », sous la direction du professeur Garrit Desloverre. Deux ans plus tard, en 1992, Caroline Ménard, allait s’inscrire dans une nouvelle perspective d’exploration de la thématique : « 1985, une nouvelle aide à Haïti. Le programme d'alimentation pour le développement PL-48D Titre lll et la situation économique d'Haïti. ».
Dans les mois qui suivent, en 1993, l’étudiante finissante : Marie E. Jean Baptiste se tourne vers la thématique suivante : « Etude sur les ports: importance et rôle dans les pays en voie de développement », sous la direction du professeur Julio D Fièvre. Un an plus tard, en 1994, l’étudiante dénommée Rosa Edia s’était investie dans la problématique : « Agriculture et pénurie alimentaire en Haïti: étude du cas de la plaine de l'arbre », avec l’accompagnement du professeur Michel A Pantal. La formation et les recherches initiées par Marie J B. Bernadotte, allaient aboutir en 1996, avec la présentation des analyses, des conclusions et recommandations portées autour du : « Programme d'investissement public et développement socioéconomique en Haïti de 1971 à 1986 », formulées sous la direction de l’éminent professeur Narcisse Fièvre.
De nombreuses femmes haïtiennes se sont ainsi investies dans les études et la recherche sur l’économie et la finance au cours des trois à quatre dernières décennies, pour ainsi montrer la voie à une nouvelle génération de femmes économistes, financières et banquières qui se positionnent dans les différentes institutions publiques, privées et internationales en Haïti et dans plusieurs autres pays. Comment les répertorier ? Pourquoi mesurer leurs contributions à la lumière des recherches réalisées et soutenues, en dehors des rares distinctions qui leurs sont accordées, pour l’ensemble de leurs engagements et contributions dans le développement économique social en Haïti ?
Dans cette liste de femmes formées dans les sciences économiques au sein de la FDSE, plusieurs autres noms sont à retenir, parmi elles figurent Astride Nazaire : L’auteure du sujet : « Le drame écologique de l'Agriculture haïtienne et son impact sur le développement national », présente en 1996, sous la direction du professeur feu Amos Durosier. Elle est suivie par l’étudiante Blondine H. Canal, qui abordait en 1997, « Les PME, ou une recherche de dynamisation de l'économie haïtienne », avec l’accompagnement du professeur Narcisse Fièvre. Durant la même année, l’étudiante Sonide Vilfort allait rattraper le train, en présentant : « Le problème du financement agricole en Haïti durant la décennie 1968-1978. Essai sur les contraintes et les limites de ce mode de financement dans le développement de l'économie rurale », grâce à l’accompagnement du professeur Frantz Piard.
De la « Crise de la canne à sucre : contrainte et perspectives de développement socioéconomique. La commune de Léogane », tel a été la problématique explorée sous la direction du feu professeur Amos Durosier, par l’étudiante Elizabeth Enile en 1998. Plus de vingt-cinq ans après, ce sujet mériterait d’être actualisé. Un quart de siècle après, il faudrait revisiter cette radiographie de la ville natale de la reine Anacaona, pour apprendre et comprendre l’ensemble des causes, mais également et surtout pour les approfondir et en ajouter de nouvelles autres raisons, qui empêchent à cette riche et belle commune de sortir du lot.
Deux ans après l’organisation des expositions sur les femmes et la finance en 2022, dans le cadre de la journée mondiale des banques, dans les locaux du Lycée Marie Jeanne et du Lycée du Cent-Cinquantenaire, elles étaient nombreuses les écolières et les professeures de ces deux écoles de filles de la capitale, à découvrir une sélection de femmes en Haïti et dans plusieurs autres pays, qui occupent des places importantes dans les secteurs de l’économie, la finance, les banques et la comptabilité.
Découvrons ensemble ces autres figures féminines souvent oubliées dans le paysage économique et financier haïtien, qui se sont pourtant inscrites dans les registres de l’une des plus importantes facultés du pays, qui a servi de moule dans la fabrication de plusieurs belles têtes dans les champs du droit et de l’économie. On est en 1999, à l’aube du nouveau millénaire, l’étudiante Marie JH Jessie Mathurin avait fini par gagner le pari en présentant son travail de fin d’études autour du thème : « Les petites et moyennes entreprises dans l'économie haïtienne », sous la direction du professeur Périclès Jn Vernet.
Dans « Panorama socio-économiques de la commune de Kenscoff. Contraintes, potentialités et stratégies de développement », présentée sous la direction du professeur Jacques Abraham, l’étudiante Josette Saint-Louis allait inscrire son nom dans les registres de la faculté parmi les premières femmes à soutenir en 2000. Huit ans plus tard, comme un trou noir laissé après, Marie Beatrice Blanchard a fini par relancer la marche des femmes dans l’économie en Haïti, en participant à la soutenance autour du thème : « Le rôle du crédit agricole dans la croissance économique. Analyse des contraintes structurelles ». Une étude réalisée sous la direction du professeur Georges Werleigh.
Durant l’année 2011, parmi d’autres figures non retenues dans cette liste pour présenter leur mémoire respectif autour des sujets économiques assez pertinents et encore d’actualité, on peut retenir l’étudiante Rose Dormis, qui s’est investi corps et amé pour la soutenance de son mémoire de sortie sur le thème : « Investissement direct étranger, un moteur de croissance économique. Cas d'Haïti de 1987 à 2008 ». Et c’est le professeur Eddy Labossière qui a eu l’honneur d’accompagner cette dernière dans la formulation de sa thèse et les conclusions de sa recherche.
Des dizaines et des centaines de femmes sont de plus en plus tournées vers les études économiques et la finance, à travers les différents centres de formations supérieures, et des facultés de nos différentes universités privées et publiques au cours des dernières décennies. On retiendra toutefois que dans cette liste des quatorze femmes qui ont soutenu des mémoires et des projets de sortie, tous les directeurs de recherche étaient des hommes. Ce tableau nous offre l’occasion de formuler les questions suivantes : Qui fut la première haïtienne à boucler des études dans les sciences économiques ou la finance et en quelle année ? Quelle femme a été la première directrice de recherche au sein de la FDSE ou des autres universités du pays ? Celles et ceux qui disposent les archives, les données ou les fragments de la mémoire des mémoires de femmes dans les sciences sociales sont invités à enrichir les débats, afin de mieux construire le parcours des femmes dans l’économie et la finance en Haïti.
Dominique Domerçant