Le ministre du Commerce et de l’Industrie (MCI), M. James Monazard a signé, le 28 décembre 2024, un protocole d’accord avec le Rasanbleman Madan Sara (Ramsa) aux locaux de cette structure.
Avec une promesse de 8 millions de gourdes ($1 US équivalent à 130,96 gourdes), le gouvernement promet de changer la donne en soutenant les femmes Madan Sara.
C'est une étape apparemment remarquable pour la reconnaissance et le renforcement, dès janvier 2025, des droits des femmes de ce secteur, ligne droite du commerce informel en Haïti.
Cependant, ce protocole d'accord déclenche d’émouvantes questions auprès des observateurs quant à son efficacité, compte tenu du contexte sociopolitique majeur qui se cambre en crises humanitaire et sécuritaire extrêmement complexes vis-à-vis de la place qu'occupent les femmes Madan Sara dans l'économie informelle.
Le ministre du Commerce et de l'Industrie, de pieds fermes
«Ce protocole vise à formaliser le rôle de ces commerçantes dans l’économie nationale, à faciliter leur accès au crédit et à des services adaptés, et à renforcer leurs capacités grâce à des formations spécifiques», estime le titulaire du MCI.
«Il s'inscrit dans une dynamique de développement économique inclusif et de valorisation de l’entrepreneuriat informel, souvent négligé, mais qui est extrêmement important pour la résilience et la pérennité du secteur économique informel du pays», ajoute-t-il.
Désaccords sur l'accord
Ce protocole, de prime abord, bien qu'étant une avancée pour ce secteur informel, déchaîne des enjeux et des défis saillants mettant en perspective la politique de renforcement du gouvernement d'Alix Didier Fils-Aimé face à l’écrasante vulnérabilité socio-économique des «Madan Sara».
Ensuite, ces dames hautement courageuses, sont en position de bataillons face à la crise économique et humanitaire qui assaille le pays depuis toujours. Elles sont paradoxalement victimes des affrontements criminels des gangs, dans la mesure où elles sont décapitalisées, mais aussi encaissent, à bouchées complexes, des coups de promesses indomptables des gouvernements. Leurs maisons vandalisées et/ou incendiées, leurs marchandises volées, entre autres faits nourrissent leur quotidien. Elles constituent, pourtant, à elles seules une bonne partie de femmes qui occupent au moins les 26 sites d'hébergement des déplacées.
S'il est vrai que l'accès à des crédits et à une formalisation de leurs activités est essentiel pour renforcer leur résilience, il est cependant peu probable que plus d'un se demandent comment cette mesure va-t-elle s'orienter véritablement vers une politique de développement durable pouvant stimuler l'économie locale et réduire efficacement la vulnérabilité des «Madan Sara»?
Femmes «Madan Sara», pilier de l'agriculture
En référence à une espèce d'oiseaux migrateurs qui travaillent malgré vents et marées, sans cesse pour répondre aux besoins essentiels de ses petits, surviennent les femmes Madan Sara haïtiennes.
Leur rôle dans l’agriculture haïtienne est un sujet prééminent pour comprendre non seulement les dynamiques socio-économiques de base du pays, mais également pour valoriser leur contribution indispensable au développement rural et économique des familles des quartiers défavorisés à travers le pays.
En Haïti, si l'agriculture représentait environ 20 % du PIB et employait une grande partie de la population active, dont une majorité de femmes, la contribution des «Madan Sara » va bien au-delà des activités agricoles de base.
Elles jouent un rôle fondamental dans toutes les étapes de la chaîne de valeur agricole et de l'approvisionnement des besoins de première nécessité dans les maisons et dans la scolarité des enfants, deux fameuses priorités pour les femmes Madan Sara.
Cette catégorie de femmes participe activement, dans les régions rurales, à la préparation des sols, à la semence et à l'entretien des cultures jardinières et de l'élevage.
Elles transforment les produits agricoles pour une consommation locale ou pour les rendre commercialisables. En tant que telles, elles dominent le commerce de produits agricoles, transportent et vendent les denrées sur les marchés ruraux et urbains.
Commun accord en désaccord à l'attente de besoins immédiats
Les femmes «Madan Sara», figures allégoriques du commerce informel en Haïti, sont aussi des femmes commerçantes qui achètent des produits agricoles directement aux paysans, à la merci des intempéries et des dangers routiers, pour les revendre dans les marchés locaux, régionaux, voire transnationaux.
«Aujourd'hui, la majorité des régions sont enclavées et contrôlées par des hommes armés et le paysannat est quasiment détruit, en raison des espaces agricoles abandonnés», affirme un observateur attentif à la question d’économie rurale et du développement durable.
Ces comparées au beau plumage jaune, facilitent ainsi la fluidité des échanges commerciaux et permettent aux agriculteurs d'écouler leurs produits alimentaires, entre autres assurent l'approvisionnement…
Alors qu'aujourd'hui, estiment certains observateurs, «le gouvernement implémente un programme visant à améliorer le conditionnement de ce secteur informel, dans une société en pleine convulsion sécuritaire et humanitaire où les voies nationales sont truffées de postes de péage contrôlés par les gangs et les coûts de transport s'accroissent considérablement. Alors que pour toutes ces raisons, les femmes Madan Sara ne peuvent alimenter en denrées, de villes de province jusqu'à Port-au-Prince». Contradiction ou contraste criants!
«Autrefois ces mères porteuses d'espoir et de sourires aux lèvres de leurs familles, tout court de la société, étendent leurs activités au-delà des frontières d'Haïti, créant des ponts économiques avec d'autres pays de la Caraïbe et des Amériques, mais pris à l'hameçon d'un système dont l'avidité s’allonge davantage», croient-ils.
Cependant, malgré leur rôle essentiel dans le secteur informel, ces femmes, moteurs de l'économie informelle du pays, font face à de nombreux obstacles quasiment insurmontables à côté des conditions de voyages nocturnes dangereuses.
«Les femmes Madan Sara, symbole de résistance et de courage, n’ont pas d’accès à la propriété foncière, aux crédits agricoles, à des assistances bancaires, ou à la moindre formation technique voire une assurance-vie… Alors que les gouvernements promettent toujours de nous soutenir dans nos entreprises», confie Marie-Rose, une femme Madan Sara, habitant autrefois à Croix-des-Bouquets, Plaine de Cul-de-sac (région Nord de Port-au-Prince). Mère de 7 enfants, elle a été défigurée financièrement par des gangs armés sur la route no 8 de Malpasse (une localité de la commune de Ganthier, espace haïtien qui se trouve en frontière avec la République dominicaine, sur la rive Sud-Est de l'étang Saumâtre. Le principal poste-frontière entre ces deux pays voisins où 2/3 des échanges commerciaux «formel et informel» alimentent ces points de passage qui relient Port-au-Prince et Sainto-Dominguo).
À côté de la subtilité de ces promesses, elles confrontent des défis majeurs. Les voies routières sont en mauvais état et contrôlées par des criminels sans foi ni loi, et l'absence de moyens de transport adéquats, rend leur travail encore plus difficile, en plus de problèmes techniques des camions qui durent des jours avant d'être dépannés. Alors que le commerce informel n'offre aucune protection sociale, exposant les femmes «Madan Sara» à l'insécurité et au flux des abus à la fois physiques et moraux.
Face à l'insécurité
Les «Madan Sara» sont des victimes de premier plan : de violence et d'extorsion dans l'exercice de leur commerce informel. Braquages, violences sexuelles, rançonnage, assassinats, pillages et harcèlement sont les dangers qu'elles rencontrent à longueur de journée.
« Nous faisons face à toutes sortes d'obstacles, comme ceux de malfrats qui nous braquent et enlèvent nos capitaux. J'ai perdu un camion de marchandises estimant à une somme de 300 000 milles gourdes lorsque des hommes, après avoir assassiné le chauffeur, ont emporté le camion rempli. Je connais d'autres qui ont ont enduré pire que cela», confie Amélia, 48 ans, une femme Madan Sara qui évolue dans le secteur informel de légumes.
Aujourd'hui, certains spécialistes en développement et population, estiment que «l'amélioration de leur situation économique devrait imbriquer d'une politique de développement durable pour contribuer véritablement à réduire leur vulnérabilité, en prenant des mesures concrètes de sécurité sociale pour leur dédommager». Par le fait qu'elles sont décapitalisées et chassées de leur propre maison avec leur famille, évoluant exécrablement sous des tentes dans les sites de déplacés en raison de l'insécurité galopante.
C'est pourquoi, certains experts ne cessent de se demander quelles sont les conséquences à long terme de cette initiative gouvernementale sur le statut des femmes Madan Sara, levier stratégique de l'économie informelle haïtienne ? Ou du moins, quels sont les véritables mécanismes à mettre en place pour suivre et évaluer incommensurablement l'impact positif de cet accord dans l'économie informelle au profit d'elles?
La signature du protocole d'accord avec le RAMSA est une étape importante dans la reconnaissance des droits des femmes Madan Sara du commerce informel en Haïti. C'est un pas.
Cependant, sa réussite dépendra de la capacité nonamateuriste ou non-propagandiste du gouvernement à mettre en œuvre des politiques cohérentes de développement durable pour s'attaquer aux causes profondes des problèmes économiques auxquels fait face le moteur du secteur informel «les Madan Sara».
Autonomisation économique des femmes Madan Sara
Selon certains experts, le gouvernement doit procéder à la lutte contre les violences basées sur les femmes et respecter le quota de 30% selon la constitution. Puisque nombreuses sont les femmes Madan Sara, sans voix, qui ont subi des violences sexuelles et physiques, du rançonnage et de vols dans leurs entreprises.
«Cet accord, serait d'avenir s'il visait dès le départ une politique sociale concrète à améliorer les conditions de travail par la compensation des femmes Madan Sara. Dès lors, il pourrait contribuer à réduire les risques de violences armées qu'elles subissent», explique Marguerite, une femme Madan Sara évoluant dans le commerce informel de riz.
Cette politique de développement durable formalisée, après avoir résolu le problème de sécurité, s'ouvre la voie aux activités des Madan Sara en participant à des organisations professionnelles et à la vie politique locale avec pour objectif de promouvoir la croissance économique soutenue et inclusive.
En outre, se demande-t-on, quels sont les principaux défis à relever pour assurer la durabilité de cet accord et son impact sur le long terme ? Comment cet accord s'articule-t-il avec l’amplitude de l'insécurité, la réduction des inégalités, du déblocage des voies respiratoires du commerce informel de la justice sociale et d'une économie informelle efficace ?
L'accord avec le RAMSA serait une avancée valable, estime un citoyen, pour la promotion du travail décent en Haïti, si et seulement s'il offrait une opportunité de transformer véritablement la vie de milliers de «Madan Sara» victimes de l'ambition suicidaire des gangs criminels et de contribuer à un développement économique informel plus inclusif et durable. Ou du moins si le gouvernement adoptait les solutions aux contextes locaux, en considérant véritablement les défis sécuritaires économiques et humanitaires auxquels les Madan Sara font objet.
«Le Sénégal adopte une stratégie qui se planque sur le long terme, dénommée Plan Sénégal Émergent (Pse). Il constitue le référentiel de la politique économique du secteur informel qui s'étend jusqu'à 2035. Le Nigeria, le Kenya ont également mis en œuvre des initiatives similaires, qui ont donné des résultats satisfaisants», croient certains.
Alors que, pour d'autres, une fois s'attaquer à la question de l'insécurité générale du pays, le gouvernement peut ensuite œuvrer à des mesures de soutien concrètes comme les crédits, les formations, les accès aux marchés, etc., ce secteur dans tout pays sous-développé, endure, sans cesse répété des ronds de chapeau. Seule une politique publique étalant sur le long terme peut se flatter le bien-être de l'avenir.
Dès lors, les impacts de ce programme embrasse véritablement la situation méprisable des femmes Madan Sara dans l'économie informelle dans un contexte d’ébranlement sécuritaire et humanitaire. Ces programmes seront sans répit, objet de contradictions et de forts débats sur l'avenir de ce secteur économique majeur sur l’écrasant PIB que représente les Madan Sara dans l'économie du pays avec des retombées économiques considérablement positives.
Elmano Endara JOSEPH