Ce lieu que nous devons protéger des loups

Les résultats préliminaires des législatives devraient donner à réfléchir sérieusement à une opposition qui pense plus à l’agitation dans les rues pour la prise du pouvoir qu’à une construction politique sereine basée sur la connaissance des réalités sur le terrain, en particulier des mutations en cours dans notre société. Les politiciens traditionnels se trouvent en très mauvaise posture et crier à la fraude électorale ne changera pas grand-chose à la perception qu’une grande partie de la population à d’eux, une population qui vit dans la précarité, qui doit parer au plus pressé, et qui donc ne veut aucune aventure même si celle-ci, seulement pour un temps assez court, mettait en péril l’acquis le plus minime soit-il, pour un acquis plus intéressant dans le futur.

Les résultats préliminaires des législatives devraient donner à réfléchir sérieusement à une opposition qui pense plus à l’agitation dans les rues pour la prise du pouvoir qu’à une construction politique sereine basée sur la connaissance des réalités sur le terrain, en particulier des mutations en cours dans notre société. Les politiciens traditionnels se trouvent en très mauvaise posture et crier à la fraude électorale ne changera pas grand-chose à la perception qu’une grande partie de la population à d’eux, une population qui vit dans la précarité, qui doit parer au plus pressé, et qui donc ne veut aucune aventure même si celle-ci, seulement pour un temps assez court, mettait en péril l’acquis le plus minime soit-il, pour un acquis plus intéressant dans le futur.

Beaucoup de ceux qui ont combattu le gouvernement de Martelly ne sont pas arrivés à passer aux unes. Encore une fois, c’est trop facile de parler de manipulations. L’intermède du gouvernement provisoire a-t-il joué contre eux ? La cible principale de leur discours, Martelly, ayant disparu, ont-ils pu retravailler leur discours en fonction des attentes de la population ? Cette dernière les a-telle sanctionnés en raison de leur comportement après le départ de Martelly ? Ces mêmes politiciens portés par leur rejet total du régime Tèt Kale ont-ils négligé l’impact des programmes de façade de ce gouvernement, les restaurants populaires par exemple, qui permettaient aux démunis d’avoir quand même cette miette si indispensable en survie ? Bref, beaucoup d’analyses à faire sur le naufrage d’une partie de la classe politique qui se trouve acculée dans sa cécité à des pratiques bolcheviques tandis que l’autre sans états d’âme monte à bord du train du probable vainqueur.

Des secteurs politiques ne comprennent pas que bien des choses ont changé depuis ce qu’on pourrait appeler les glorieuses de 1986. Le votant type de 2016 n’était qu’un enfant à l’époque et les discours ayant cours alors ont peine à tenir devant la réalité d’aujourd’hui avec son cortège de précarités. On oublie ainsi que les quartiers populaires sont partout dans l’aire métropolitaine avec d’incessants mouvements de population pour diverses raisons. Il faut trouver un logis. Un lieu pour exercer une activité économique souvent dans l’informel. L’insécurité aussi. Le discours idéologique a du mal à passer dans ces conditions surtout s’il est porté par des esprits qui justement n’ont jamais porté attention aux mutations de notre société.

L’espace politique est à reconstruire. Certains argueront que le naufrage des politiciens traditionnels n’est pas seulement un fait chez nous, mais semble faire partie de l’air du temps si on constate ce qui se passe en Amérique du Nord et en Europe. Des pays peuvent s’accommoder de néophytes au pouvoir si leurs institutions sont solides et si le niveau culturel de l’ensemble des citoyens est suffisant pour empêcher de grandes dérives. Ce n’est pas le cas ici. Avec notre conception pourrie du pouvoir, on court tous les risques avec des incapables à des postes de responsabilité surtout avec les vautours des secteurs économiques forts dont l’analyse s’arrête à leurs propres intérêts immédiats. La société civile doit se reprendre en main, se dégager de l’influence des affairistes qui ont toujours été un boulet à ses pieds, pour qu’elle puisse peser du poids qui est le sien sur les affaires de la nation. Car la gouvernance nous concerne. Certains peuvent profiter du chaos. Certains peuvent se protéger jusqu’à un certain point de l’insécurité et prévoir les moyens d’une fuite rapide vers l’étranger. Mais nous citoyens majoritaires de ces classes moyennes et populaires, nous n’avons que ce lieu.

Nous ne pouvons permettre aux prédateurs de le réduire en un tas de ruines et de cendres fumantes.

Gary Victor

Entre temps, personne ne sait où mèneront les contestations légales annoncées par Jude Célestin, Jean Charles Moïse et Maryse Narcisse. Chacun prendra son chemin. Dans la tradition haïtienne du « Pran devan », il peut être difficile pour un parti de faire front seul devant ce qui se présente comme un autre rejet de la classe politique traditionnelle. Toutefois, une Ligue de la contestation, durant tout le mandat du nouveau président peut rendre la vie dure à l’élu du 20 novembre dont les visions de développement du pays avec ses ressources naturelles doivent un peu inquiéter les vieilles habitudes de l’oligarchie.

Tout va se jouer dans l’espace d’un mouchoir ! Et même après l’installation officielle du nouveau président. Il nous semble qu’en dépit du calme précaire et des contestations, qui ne sont pas vigoureusement articulées, nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge !

Pierre Clitandre

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