D’ANDRÉ BRETON À ANGELA DAVIS

Alice Walker, la célèbre romancière de « La Couleur pourpre » était passée en Haïti en 2014. Elle a voulu voir certains sites : paysages et institutions. Si elle avait décidé de ne pas faire grand bruit autour de sa personne, sa congénère et sœur de combat dans les luttes raciales aux États-Unis d’Amérique, la militante internationalement connue Angela Davis a, elle, comme réveillé Port-au-Prince d’une trop longue léthargie.

Alice Walker, la célèbre romancière de « La Couleur pourpre » était passée en Haïti en 2014. Elle a voulu voir certains sites : paysages et institutions. Si elle avait décidé de ne pas faire grand bruit autour de sa personne, sa congénère et sœur de combat dans les luttes raciales aux États-Unis d’Amérique, la militante internationalement connue Angela Davis a, elle, comme réveillé Port-au-Prince d’une trop longue léthargie.

Haïti a toujours cette chance d’être, aux moments de troubles, d’instabilités et de préjugés, accompagnée par des représentants intellectuels connus pour leurs manifestes, leurs conférences, leurs livres et leurs luttes. En 1946, c’était le tour d’André Breton, grand pape du Surréalisme, qui aux Rex-Théâtre, avait secoué la conscience sociale des jeunes contre les « arriérismes » d’Élie Lescot. Les écrivains de La Ruche, motivés par cet intellectuel de toutes les libertés, avaient augmenté d’un cran leur opposition aux préjugés sociaux et épidermiques de l’époque. En 2016, c’est le tour d’Angela Davis qui vient inculquer un sérum à une classe intellectuelle qui se savait seule, isolée par les récupérations d’un « establishment culturel international ».

Accablés par les suites du tremblement de terre, désabusés par des pouvoirs successifs qui s’ingénient à déstabiliser un pays pour satisfaire des intérêts égoïstes, mis à genou dans une Copa América dans les stades de laquelle a flotté en vain le bicolore national, honteux dans la diaspora, confondus dans leur propre pays par un Babel religieux d’accusations et d’apocalypse, abandonnés par ses intellectuels qui ne jurent que par des clins d’œil éditoriaux d’institutions littéraires connues, les Haïtiens qui luttent pour un pays autre ont été « boostés » par la militante de 72 ans qui leur a rappelé qu’ils sont les fils de Toussaint Louverture et de Jean Jacques Dessalines. On regrette que ce fût au Marriot Hôtel qu’Angela Davis a prononcé son discours de réveil. Cela aurait eu plus d’impact au Stade Sylvio Cator ou au kiosque Occide Jeanty si les organisateurs du colloque sur la Caraïbe avaient voulu sortir du « confort touristique » et avaient mis une logistique sérieuse pour faire participer le peuple à cette conférence. Mais pourquoi laisse-t-on ces lieux aux assemblées religieuses protestantes et catholiques ?

D’André Breton à Angela Davis, il nous parait que si le personnel politique a changé, la situation générale du pays s’est dégradée à un point tel que les individualismes politiques résument les prises de position à de tristes affaires de « green back ». On veut toujours savoir ce que pense Oncle Sam pour ajuster son tir. Du Département d’État à l’ambassade américaine à Port-au-Prince on déploie de grandes stratégies. Ce qui est sûr c’est que le peuple haïtien sera toujours manipulé contre son propre destin. Ceux qui avaient affronté aux Casernes Dessalines les Albert « ti boule » Pierre, Emmanuel Orcel et autres Jean Benoit Valmé se retrouvent aujourd’hui, par le conformisme de l’âge, dans le camp des Ninjas qui ont tout fait pour que 2004, dont Angela Davis affirme, que cette date est « la racine » de la liberté de tous les noirs, ne fût fièrement célébrée.

Entre la Révolte surréaliste de Breton et le poing levé d’Angela Davis, la différence est dans le pragmatisme des signes. S’il était minoritaire en 1946, en 2016 il ne peut être que populaire.

Pierre Clitandre

 

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