Quand les bourgeois s’impliquent !

Une vingtaine de chefs d’entreprises parmi les plus puissants du pays se sont prononcés sur la situation catastrophique dans laquelle se débat la nation. Ces femmes et hommes d’influence à qui on prête, à tort ou à raison, un pouvoir discrétionnaire sur tout ce qui arrive au pays ont voulu faire de la politique autrement, en sortant de leur apparent tour d’ivoire.
 

Ces leaders économiques qui ont longtemps préféré l’ombre à la lumière, une tradition acquise depuis la dictature, ont clairement souhaité que les choses changent dans le pays. Ils demandent clairement à l’ensemble de la classe des affaires l’engagement formel de s’acquitter de leurs obligations envers le fisc.

 

 Les signataires de la note ont aussi appelé les politiques à une entente cordiale pour sauver la patrie en danger. Ils souhaitent vivement que la société ne soit aucunement l’otage des intérêts claniques.

 

Vu sous cet angle, et si des actions concrètes suivent ce « manifeste », ce sera un tournant historique dans la gestion des affaires d’Haïti. On pourra ainsi espérer la fin du jeu d’influence dans le processus électoral, l’action de puissances d’argent qui souvent pervertissent le vote populaire.

 

La note des grands patrons ouvre une nouvelle perspective dans la manière d’appréhender les problèmes du pays. Une approche nouvelle d’un grand secteur privé décidé enfin à se moderniser et à faire entendre sa voix et surtout peser de tout son poids pour qu’une autre Haïti soit possible.

 

Le fait que ces grands groupes du secteur privé se positionnent dans le camp démocratique et institutionnel, comme consigné dans leur déclaration solennelle face à la nation, a provoqué un véritable séisme socio-politique.

 

Beaucoup de gens ne croient pas dans cette « conversion patriotique », d’autres se demandent si le ciel est tombé sur la tête de ces grands employeurs. Ceux qui veulent garder un brin d’optimisme se disent que la situation a tellement empiré que nos gens d’affaires ne pouvaient plus s’emmurer dans une indifférence complice.

 

Leur soutien appuyé à la Police nationale privilégie une approche institutionnelle et un désaveu des milices armées, cette démarche si elle ne se limite pas à la note de presse peut augurer d’un retour de la classe d’affaires dans le dialogue social.

Au moment où il n’existe plus de « safe zone » dans nos quartiers aussi bien paupérisés qu’aisés, que cela canarde aussi bien au Poste Marchand qu’à LaBoule, que les inondations menacent l’ensemble de la capitale, le jeu force à couper.

 

On ne peut que saluer cette initiative de grands noms du secteur privé, appuyée désormais par les chambres de commerce. De telles implications longtemps souhaitées pourraient bien changer la donne et faire évoluer les rapports de force dans le sens d’un retour à un ordre constitutionnel. Mais surtout vers une vision pour le pays en accord avec d’autres groupes de la société civile et du monde politique. Une société dotée d’élites conscientes et responsables est un passage obligé pour l’avènement d’un vivre en paix et la sortie de l’humanitaire.

 

Roody Edmé

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