Dans la boite à outils des mobilisations populaires en Haïti

Depuis l’année 1986, qui annonçait l’ère de l’institutionnalisation de la démocratie en Haïti, on retient que les mêmes méthodes nous reviennent à chaque fin de règne politique à travers des rivalités et des revirements politiques, et des revendications et des manifestations populaires en « D ».

 

« Dérive », « Doublure », « Dilatoire », « Dictature », « Division », « Deblozay », « Déstabilisation », « Diabolisation », « Dechoukay », « Désacralisation », « Deshumanisation », entre autres. Pratiquement, il ne reste plus de place pour l’État de droit, et le devoir obligatoire de chaque citoyen envers ses pairs et envers l’État ainsi que les institutions !

 

Divisée dans toutes ses composantes, la société haïtienne n’en peut plus. Elle exige du nouveau souffle, avec de nouveaux discours, et de nouvelles directives capables d’empêcher à la matrice sociale de continuer à produire des monstres aux multiples facettes, mais qui utilisent les mêmes recettes générant de la frustration chez chaque haïtien, surtout chez les plus honnêtes !

 

Déshumanisante, la plupart des pratiques et des relations hiérarchiques ou parallèles, entre les parents qui utilisent l’humiliation pour sanctionner leurs enfants, parfois vice versa. Et, les institutions, tant publiques que privées, dans beaucoup de cas, tardent à satisfaire les besoins de la majorité et ne semblent pas encore trouver les moyens pour réinventer le sens du mot service public et bien commun.

 

Déclin des valeurs et fonctionnement parfois à rebours, la somme des insatisfactions, des frustrations, des mésinterprétations, des déformations, des désinformations et des distanciations sociales nous conduit souvent et toujours vers des mobilisations populaires en cascade, dans la République des frères-ennemis, des miroirs, qui refusent de regarder l’histoire et la vérité en face, et qui préfèrent faire du surplace dans un jeu de chaise musicale.

 

Dans la boite à outils rotative entre les anciens dirigeants devenus opposants, peu garnie, les leaders persistent, entre leurs intentions et les discours les plus sincères, qui se confondent dans des actions souvent mesquines ou malsaines, à réinventer l’espoir.

 

Des « aba » et des « viv », se croisent depuis plus de trois décennies sur les murs et dans la boite à outils des revendications populaires en Haïti, sans vraiment afficher des solutions à la fin de la journée, et au lendemain des exils.

 

« Douboulonay » et « Déraillement », se sont ajoutés dans la liste des outils, comme une manière plus subtile de ne pas citer le mot : « Dechoukay qui a servi à déraciner le pouvoir dictatorial des Duvalier.

 

Dans la boite à outils des revendications et des mobilisations populaires, on ne trouve finalement que des instruments qui servent à fabriquer de nouvelles victimes à chaque mouvement de protestation et après les casses, qui arriveront à coup sûr !  

 

Dommages collatéraux en veux-tu en voilà ! Des droits violés, des biens détruits, et souvent des vies emportées parmi les martyrs, lors de ces manifestations populaires, qui lorsqu’elles ne désacralisent pas les hauts lieux sacrés et historiques, elles entachent les rues et les murs du sang des innocents qui réclamaient des droits à la vie, aux services publics, et au bien-être !

 

Dans la plupart des cas, comme il y a quelque temps, quand ce ne sont pas des entités des forces de l’ordre qui utilisent leur boite à outils de violences répressives et légitimes pour traumatiser la population, ce sont des groupes isolés qui viennent réparer leur marginalisation sociale, par la violence des armes. Dommage que les secours et les agents de l’ordre arrivent souvent en retard, et pratiquement sans boite à outils pour soigner ou pour sanctionner le mal social, quasiment sans rival !

 

Des cris de colère et de désespoir se sont ainsi amplifiés au fil des jours, des mois et des années, jusqu'à produire un écho souvent trop violent pour la paix sociale. Cette paix indispensable pour planifier des projets et faire fonctionner les administrations, pour se recréer et créer de nouveaux liens entre les familles, les parents, la diaspora, les investisseurs et les touristes.

 

Des années après, ces outils semblent ne plus offrir les mêmes services espérés par plus d’un. En dehors de la destruction des vies et des biens, sans justice ni réparation. Il nous faut changer l’ensemble de ces instruments usagers, utilisés dans la maintenance de plusieurs corps de métiers tels : la mécanique démocratique, l’électricité des négociations, la plomberie des institutions, la ferronnerie de l’international, la maçonnerie des victimes et des bourreaux.

 

Pour réparer les murs et les meubles, en commençant d’abord par la mentalité des personnes qui occupent les lieux, il nous faut véritablement réparer la mentalité de nos élites, autant que l’imaginaire du  commun des mortels. Il nous faudra utiliser désormais la boite à outils de l’éducation et de la formation, s’il faut penser à reconstruire de nouvelles femmes et des nouveaux hommes, et des parents plus responsables, pour prodiguer des valeurs civiques, citoyennes, socialisantes aux enfants, qui sont l'avenir en marche !  

 

Dominique Domerçant  

 

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