La monotonie

La politique n’échappe pas à la logique des évolutions des organismes produits par la nature. Ces évolutions sont lentes. Elles ont la patience d’organiser de nouvelles formes qui s’adaptent aux environnements immédiats. Ces organismes peuvent être aussi statiques. Par refus d’opérationnaliser le processus d’évolution, ils doivent inexorablement régresser vers l’originel amalgame.

 

 

Chez nous, la loi universelle de l’évolution est rudement combattue par le concept de création. Mais, la création qui n’évolue pas stagne et recule de régression en régression. Le déficit de science laisse donc la place à des préceptes manichéistes. Les superstructures de la politique, de la culture et des croyances laissent dans nos mentalités de bien mauvaises manies. On découvre, avec le temps, que ces dernières sont standardisées. D’un camp politique à l’autre, on observe le même « pattern » de la tentation vers la régression.

 

La répétition administrative devient une litanie rituelle sans une parcelle d’inventivité.

D’une administration à l’autre, la monotonie finit par gagner les esprits. Sans s’en rendre compte, on marche à reculons dans la stabilité raide. Ce qui force nos esprits les plus en alerte à faire la quête de la légèreté et de la mobilité pour vaincre la posture des statues. En fait, ils cherchent une application du Boléro de Ravel à des attitudes mécanistes acquises dans les gestions de la real politik et de la technocratie. Car, Ravel sait la souplesse du mouvement.

Donnant l’impression de la litanie, le Boléro progresse d’une note à l’autre. C’est une joie pour les esprits en alerte de découvrir les subtilités d’une harmonie secrète qui ne se lasse jamais de gravir des gammes et des échelles.

 

 

La légèreté n’est pas, ici, un artifice abstrait. La mobilité qui l’accompagne traduit la primauté de la pensée sur la rudesse de nos pompes matérielles. Doit-on revenir aux captives procédures de l’individualisme pour comprendre le mécanisme des administrations qui changent d’hommes, mais pas de langage. Car, ça ne veut pas remplacer le vieux système qui privilégie les plus habiles dans l’art de la stabilité ?

 

Il se trouve qu’on est venu avec forces nous apprendre comment se statufier en regardant en arrière, comme la femme de Loth.

 

Car la stabilité a de multiples résonances dont les fréquences varient en fonction des perceptions du réel par la conscience collective subjuguée. Le modelage technocratique standardisé en fait un bloc monolithique à l’intérieur duquel les esprits les plus en alerte doivent faire entendre Le Boléro de Ravel pour mettre les uns et les autres en état de nuance et d’efficacité. Il en sortira sinon une vertu républicaine du moins un protocole de communication simple. À force de raffiner l’audition, on verra mieux les gammes et les échelles et on comprendra pourquoi le regard en arrière nous métamorphose en statue de sel.

 

 

Le son, énergie matérielle non palpable, permettra de concrétiser, par degrés, l’idée que nos administrations publiques et politiques doivent changer de ton. Les années passées ne peuvent être semblables à celles à venir par la logique de la loi naturelle de l’évolution. Si on persiste dans la voie contraire, la nation continuera sa « marche arrière » du magma à l’amalgame et deviendra, à la stupéfaction de tous, une entité de recul absolu.

 

 

Heureusement que le Boléro de Ravel existe. Ce n’est pas simple plaisir d’esthète. C’est une manière élégante de nous instruire sinon au sujet de la dynamique culturelle qui meuble les esprits, du moins sur la relation entre le muscle tendu et l’angle dur de l’escalier. Soyons simples. Dans toutes ces féroces batailles, la victoire du vaincu est dans sa manière de conduire habilement l’acharnement de l’adversaire vers l’indestructible coda.

 

 

La Rédaction

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