Méfiance et scepticisme

Il existe un mal qui affecte grandement notre existence de peuple : il s’agit d’une méfiance historique envers nos institutions et envers nous-mêmes. Beaucoup d’entre nous ont perdu la foi dans l’avenir de ce pays ! Cette situation engendre une grave crise de confiance dans notre capacité à sortir de la situation de crise permanente.

 

Il faut reconnaître que le système politique haïtien et ses absurdités font régulièrement le lit de cette poussée virale de scepticisme qui rend pesant le climat social. Quand pour donner le change au réchauffement du front social, le gouvernement haïtien promet des avantages sociaux, les organisations syndicales doutent à juste titre des promesses d’un État faible et instable.

 

Il faudra ramer dur pour lutter contre les eaux contraires de la méfiance et du scepticisme généralisé qui se sont installés dans nos mentalités en raison des bégaiements de l’Histoire.

Il se trouve que l’une des caractéristiques du régime politique haïtien réside dans son incapacité générique à répondre aux besoins de la population.

Les différents gouvernements qui se sont succédé l’ont habillé de toutes les couleurs du rouge et du noir en passant par d’autres teintes plus soft, comme le rose. L’État haïtien demeure envers et contre tous, et c’est grave pour la cohésion sociale, qu’un dispositif de répression et de prédation qui se joue allègrement de tous les maquillages.

 

Et cela remonte à assez de temps pour que sous la plume d’un ancien chef d’État haïtien du siècle dernier, Louis Borno, on puisse lire ceci : « Lorsque dans un pays, l’homme qui travaille n’a pas la perspective d’une possession complète du fruit de ses labeurs; lorsque les guerres civiles renouvellent périodiquement la ruine des patrimoines ; lorsqu’on n’éprouve plus, qu’un sentiment d’insécurité pour sa personne et pour ses biens, tous les ressorts de l’énergie physique se trouvent brisés dans le cœur des citoyens… c’est ainsi que le peuple a perdu toute foi dans les hommes… ce scepticisme qui brise tous les ressorts de l’Âme qui rend impossible tout enthousiasme... qui tarit la source de toutes les émotions fécondes, à quelle œuvre de grandeur voulez-vous qu’il puisse contribuer ? »

 

La méfiance ne règne pas seulement entre les organes de l’État et la société civile.

Elle traverse toutes les strates de la communauté nationale. Elle renforce l’individuation de chacun qui se barricade derrière des murs en béton, mais aussi d’autres barrages symboliques qui font que des conflits éclatent ou sont en germes partout dans nos structures organisationnelles : dans les milieux littéraires et associatifs comme au sein de l’Université.

 

Il ne s’agit pas ici de nier l’aspect parfois bénéfique des conflits, mais il en existe dans notre société qui ruinent le vivre ensemble.

 

Une grande thérapie nationale est nécessaire, encore faut-il que nous sachions reconnaître à quel point nous sommes atteints.

 

La Rédaction

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