Quand Mikaben nous enseigne les leçons de la mort

Depuis le samedi 15 octobre 2022, deux jours avant la commémoration de l’assassinat du Père fondateur de la patrie, l’Empereur Jean-Jacques Dessalines et quinze mois et huit jours après le funeste sort de l’ancien président Jovenel Moïse, c’est la mort de Michael Benjamin (Mikaben) qui semble véritablement rappeler, aux Haïtiens, le sens de la vie, la fragilité de l’existence humaine est et imprévisibilité de la mort !  

Dans ce drame survenu sur la scène mythique de l’Accor Arena, Michael Benjamin est rentré debout dans l’histoire d’Haïti et de la musique universelle, en partant le drapeau de « Ayiti se » et de la terre d’Ougou au cou. Quoi demander de mieux ? Après avoir fini de jouer pour son public, il a laissé la scène pour partir en paix.    

Des leçons dans la mort de Mikaben sont tellement nombreuses et se résument pratiquement dans les cinq actions suivantes ou enseignements. Produire, préserver, profiter, partager et partir !  Dans douze mois, dans dix ans, dans vingt ans, pendant combien de temps  va-t-on se souvenir véritablement des enseignements de Mikaben sur la mort en Haïti en dehors des 1er et 2 novembre ?

Michael Benjamin nous rappelle que personne n’est éternel sur cette terre. Pour justifier notre passage dans ce monde, il faut produire quelque chose de bien, de grand et de beau, en s’appuyant sur l’héritage des anciens, comme le prolongement de la fierté de ses parents, nos véritables racines, à la fois profondes et nombreuses.

Deuxième leçon de l’enfant de Lyonel Benjamin :  la persévérance est la clé du succès dans la vie pour réussir et grandir. Il est fascinant d’observer l’évolution vocale et musicale de la chanson « Nwèl mizè » par rapport aux dernières performances, de cette vedette haïtienne sur l’une des plus grandes scènes parisiennes dans le monde.  

Parmi les souvenirs personnels de Mikaben qui sont partagés depuis, sur les réseaux sociaux, plus d’un reconnaîtra que Michael Benjamin avait su grandement profiter de la vie. Et c’est certainement ce sentiment de partage qui avait animé les refrains de bon nombre de ses compositions sentimentales, sincères et solidaires, à succès.

Devant un si beau parcours, avec des performances à la fois qualitatives et quantitatives en accomplissant pleinement sa mission, Mikaben peut s’honorer de partir en paix. Même si ses proches, en particulier ses parents, sa femme, ses enfants et les autres fans, ses collaborateurs ou d’autres personnes intimes, vont continuer à pleurer non pas son départ et le vide qu’il a laissé. 

De Mika, on retiendra des leçons d’amour pour ses parents, sa famille, ses enfants et sa patrie. De l’empathie, de l’entraide, du respect et de la solidarité pour tout le monde et en particulier pour ses pairs musiciens, en dehors des défauts et imperfections qui équilibraient sa vie d’être humain.  

D’autres leçons sont à retenir de Mikaben, en se rappelant que ce dernier reconnaissait toujours ses limites dans l’espace-temps, à travers l’expression des limites de ses talents et de son pouvoir dans : «S im te gen zèl, tankou yon zwazo mta vole…».  Avec le brusque détachement de son esprit dans cette enveloppe géante, l’envol de son âme vers le ciel, on finit par comprendre que chaque geste et chaque seconde sont essentiels dans notre vie. Et qu’il faudra tôt ou tard vider les lieux !

Dire que Michael Benjamin est mort est une évidence confirmée seize jours avant la traditionnelle fête des Morts, la célébration de Gede en Haïti. Cependant, on retiendra que la voix qui interprétait «Ayibobo», donc celle de Mikaben, restera pendant longtemps vivante dans la mémoire du plus grand nombre des Haïtiens.

 

Dominique Domerçant

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