Ni sapins ni poubelles pour la Noël

À cette période, peu importe la longue liste des déboires de l’année, nous avons toujours besoin de nous retrouver tendres, crédules et amoureux de la vie. Notre enfance ressurgit, impulsée par des airs de vieilles chansons. La nostalgie colore des mots, de vieilles promenades sans buts, des discours, des prêches et nous nous surprenons à penser que c’était mieux avant, tout en doutant sincèrement que ce soit vrai. Paix et bonheur sur terre !

 

Cette année, pour la Noël en Haïti, il est de toute évidence plus prudent de se tapir à la maison, le cœur lourd, pour survivre à la folie furieuse des gangs et ne pas donner de raisons aux forces de l’ordre d’être gênées par leur impuissance. C’est aussi le moment de rassurer les faibles.

 

Car, le pays est meurtri. Insécurité hors contrôle, mesquinerie politique, avenir barré, pauvreté endémique, pandémie, tremblement de terre destructeur, accidents évitables de la route, explosion mortelle d’un camion-citerne, la liste des éléments du marasme haïtien au quotidien est longue.

 

À la veille de Noël, de Gressier à Furcy, des enfants, avec le regard parti, mendient dans les rues pendant que personne n’ose s’arrêter, même par obligation chrétienne, pour partager un paquet de biscuit, un billet, un sourire ou un message d’espoir. Ils sont nombreux aussi ces compatriotes qui remuent des piles d’immondices. Pour la Noël de cette année, il n’y a ni poubelles ni sapins.

 

Avec les traits tirés des visages, Noël se pare d’un aspect méditatif. Sans le vouloir, nous nous rendons compte que plus nous nous éloignons de la fête, plus nous nous rapprochons du mystique de la Naissance de Jésus. La paille qui a servi de premier berceau à Jésus dans une grotte froide et humide de Bethléem nous console par rapport à notre grand dénuement.

 

Mais, nous ne pouvons pas nous permettre d’oublier que Noël, au-delà de son fort symbole de paix et d’humilité, reste une occasion d’aller vers les autres, de se retrouver en famille et partager des moments rassurants et festifs. C’est aussi l’occasion de révéler notre humanité et de questionner notre relation avec le monde.

 

Nous ne pouvons pas nous permettre non plus d’esquiver notre responsabilité de donner un peu de joie à nos familles et à nos compatriotes et les sortir un instant de la misère et de la fatigue des temps qui courent. Nous avons tous besoin de ces moments qui pansent le souvenir des mauvais jours. Nous avons besoin d’un peu de bonheur. D’un temps béni de répit, dans la chaleur des retrouvailles.

 

Bonnes Fêtes de Noël ! À défaut du sapin, de la crèche et du réveillon, tentons de retrouver la force de construire notre pays pour envisager la paix, la sérénité et le bonheur de vivre ensemble. En Haïti !

 

Joyeuses Fêtes et belles illusions, sans manque, à nos amis qui traversent la frontière avec leurs butins ou leurs économies pour aller se payer du bon temps !

 

Jean-Euphèle Milcé

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES