Repenser l’école

S’il existe un secteur particulièrement touché par les crises récurrentes en Haïti, c’est bien l’école. Déjà lourdement handicapée par un déficit de qualité, là voilà de nos jours quasiment inexistante ou à de rares exceptions juste virtuelle. Cette année, elle a été prise dans les rets de la bataille politique. Dans la vision de certains stratèges de la politique à courte vue, il fallait qu’elle arrête de fonctionner pour que survienne de ses ruines une révolution salvatrice.

Mais la lutte étant d’abord politique, il aurait fallu qu’émergent, avec elle, un contenu politique, une vision idéologique et un faisceau citoyen. Au lieu de cela, on a assisté à du racolage politicien, des alliances vites consumées, des forums préparés dans la précipitation. Sans compter des manifestations légitimes contre la corruption trop vite instrumentalisées pour des objectifs de trop court terme.

Et pour finir, au lieu de gagner les cœurs et les esprits, certains tacticiens ont préféré cibler les écoles, menacer les enfants, encourager la formation « d’armées ignorantes » dans le but de bloquer le cours normal d’une vie déjà difficile en brisant les reins aux écoliers et étudiants, victimes expiatoires pour des lendemains qui déchantent. À l’époque toute analyse nuancée de la situation politique était suspecte aux yeux de ces « commissaires du peuple » auto-proclamés.

Le résultat a été le découragement dans les milieux populaires et un éreintement de la lutte pour plus de justice sociale dans un pays aux inégalités criantes, où des élites irresponsables s’amusent à faire la fête sur un volcan, et ce en dépit des premières coulées de larves de juillet 2018.

La faute en incombe à l’État certes, en raison de la crise de confiance qui la ronge jusque dans ses institutions, mais aussi à l’ignorance de la population mal préparée par un système éducatif désuet, tout comme nous l’avions expérimenté lors de précédentes crises.

 En s’attaquant à notre fragile économie, les crises successives laminent vigoureusement nos faibles ressources en éducation. Le chômage, déjà structurel, a augmenté considérablement, privant de nombreuses familles de revenus généralement investis dans l’éducation de leurs enfants. Des milliers d’enseignants se retrouvent sans travail et des établissements scolaires littéralement ruinés. Les liens économiques avec une diaspora laborieuse et généreuse se sont passablement distendus, à cause des dégâts sanitaires et économiques qu’endurent nos compatriotes expatriés.

Le « lock » s’installe dans une permanence nuisible à la société en général et au système éducatif en particulier. Nul ne sait comment on s’en sortira de ce temps des catastrophes. Cette année a été bien pire que la précédente dans sa folie meurtrière et la destruction de nos ressources déjà bien maigres.

Quoi qu’il en soit, il faut de toute façon revoir les fondamentaux d’une école de la République. L’État doit enfin fixer ce qu’elle veut comme formation pour ses citoyens, choisir. Travailler à l’aménagement linguistique est un combat mené dans nos colonnes par un de nos collaborateurs des plus avisés. Et pourquoi pas en plus d’une pédagogie centrée sur l’apprenant, un enseignement axé sur le collectif et le bien commun. Par exemple, on pourrait concevoir un cours de géographie qui nous apprend comment aménager et satisfaire notre rêve d’habiter l’espace haïtien. Et, un cours d’histoire axé sur la compréhension des textes fondateurs, des valeurs républicaines et culturelles, qui nous enseignerait la tolérance et la reconnaissance de la citoyenneté d’autrui.

 

En bref, promouvoir enfin une école qui développe le sens critique de chaque élève, mais aussi la compréhension des enjeux contemporains et l’actualité des savoirs scientifiques.

 

La Rédaction

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