Une capitale défigurée

Le 12 janvier 2010, la ville de Port-au-Prince a été détruite par un puissant séisme dont elle a encore beaucoup de mal à se remettre.

 

Depuis maintenant plus de dix ans, le Centre-ville est devenu une zone quasi infréquentable. Les bandes armées en ont fait un champ de bataille et l’incurie de l’État a transformé une grande partie du bas de la ville en une « cour des miracles ». Ceux qui ont encore leurs magasins ou leurs étals se sont résignés à cohabiter depuis longtemps avec la mort. D’autres ont dû accepter des « contrats » léonins avec des chefs de gangs pour une « protection » temporaire. Ces bandits qui détiennent impunément le « permis de tuer », accordent donc un sursis probatoire à ceux qui acceptent de payer. Souvent le prix fort.

 

La ville est aujourd’hui un grand paradoxe urbain. D’un côté, quelques coquets buildings, avatar de la cité administrative en perspective et de l’autre des espaces libres encombrés par des détritus et quelques rues autrefois « prospères » et fort fréquentées devenues à peine reconnaissables. Des quartiers fantomatiques portent les marques agressives de la violence des éléments ou de celles des fusillades spontanées qui surviennent soudain au détour des rues ou des « carrefours de la mort ».

 

Haïti a désespérément besoin de sa capitale. De retrouver la vie au Centre-ville et les restaurants du bord de mer, le grand boulevard Harry Truman fleuri et caressé par le vieux vent caraïbe. Les villes sont importantes pour un pays. Elles en sont à la fois le cœur et le poumon. Faire ville, c’est aussi faire citoyenneté. L’urbanité développe le lien social. Le siècle que nous vivons est celui de la ville. De grandes métropoles qui sont des espaces locomotives de la mondialisation.

 

Mais pour que la ville recommence à vivre, il faut une volonté politique ferme de la reconstruire et de chercher des financements innovants pour ce faire. Selon ce qu’a rapporté un confrère, les plans de la cité administrative attendent d’être financés une fois la sécurité rétablie.

 

Il se trouve que le projet de reconstruction devra s’accompagner d’un plan de sécurité en « béton » pour rassurer les riverains nostalgiques de la ville historique.

 

Un autre facteur qui devra concrétiser notre « rêve d’habiter » sera de développer des pôles de développement qui pourront permettre à nos villes régionales de prospérer dans un environnement écologiquement soutenable.

 

Le destin de nos villes constitue un ensemble dans un projet global d’aménagement du territoire. Mais ces questions essentielles sont trop souvent éloignées des agendas de nos politiques qui tournent souvent à vide, leur priorité étant plutôt à l’aménagement des « avenues » du pouvoir. Malheureusement.

 

Roody Edmé

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