Une journée particulière

Depuis quelques années, les Haïtiens éprouvent beaucoup de difficultés à célébrer dans la sérénité les fêtes nationales. Le 17 octobre 2020, le Premier ministre a dû fuir face à l’abondante artillerie d’un chef de guerre qui voulait rendre son propre hommage à l’empereur assassiné un 17 octobre 1806.

 

Ce 1er janvier 2021 n’a pas échappé au feu roulant des mitrailleuses des « factieux » des Gonaïves. Ces derniers avaient mis en défi le chef du gouvernement de se rendre dans la Cité de l’Indépendance, à l’occasion de la commémoration de cette date importante dans notre histoire, mais aussi celle du monde. Il y a un peu plus deux siècles, en 1804, la Révolution haïtienne ébranlait le monde parce qu’elle redéfinissait les rapports sociaux de production dans toute la région et remettait en question un ordre mondial basé sur l’exploitation de l’Homme par l’Homme.  

 

Mais depuis quelque temps, la polarisation devenue endémique dans cette société trouble régulièrement la célébration de ces grands événements historiques. On se souvient que 2004 a été une année ou le pays frôla la guerre civile. À cette époque, le monde entier assista à une rupture « sismique » du paysage politique avec le départ pour l’exil du président Jean Bertrand Aristide. Les lignes de faille de cet évènement devaient conduire à une guérilla urbaine sanglante dénommée « opération Bagdad ».

 

Ce weekend aux Gonaïves, les journalistes ont été témoins d’une opération ville morte. En dépit des avertissements d’un groupe « révolutionnaire » du quartier de Raboteau,  Ariel Henry s’est quand même rendu sur place.

 

La chef du pouvoir exécutif ne voulait pas reculer devant l’interdit et le défi lancé par le chef de guerre Winther Étienne. La situation était terriblement tendue et certains observateurs ont craint une de ces tragédies dont nous sommes si malheureusement coutumiers. D’autant plus qu’en politique, nos actions ne connaissent pas de bornes.

 

Dans une cathédrale vide où s’étaient réunis quelques officiels, le clergé s’était quand même présenté pour une « messe basse » où uniquement le cliquetis des armes automatiques faisait chorus. Les forces de sécurité ont sué « sang et eau » pour maintenir un cordon de sécurité autour de l’église.

 

La Place d’armes était transformée en une zone de combat entre Haïtiens, 218 années après que nos pères fondateurs proclamèrent, en ce lieu même, la libération de cette terre. C’était comme si le fameux slogan « l’union fait la force » s’étalait en lambeaux dans la ville historique.

 

Le Premier ministre s’est retrouvé dans une salle de la ville au milieu de quelques partisans qui « gueulaient » leur émotion, comme pour couvrir le cliquetis des armes et parler plus fort que leur peur.

 

Certains internautes se sont amusés de cette situation d’un Premier ministre exfiltré en urgence de la basilique. Pourtant, il n’y a rien de réjouissant. Quelle que soit son opinion politique, il est plutôt triste de s’amuser d’une telle scène connotant une fois de plus la déroute de l’État.

 

Il y a beaucoup de problèmes de société à résoudre. Le mal-être est profond et se creuse davantage. Il dépasse les seules forces de sécurité et interpelle l’ensemble de la société et la communauté internationale. Nous devons vraiment faire montre d’humilité devant l’ampleur des défis et rechercher cette union qui doit faire notre force, dans la confrontation pacifique de nos divergences en ayant pour boussole l’intérêt commun.   

Roody Edmé 

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